Malgré la crise sécuritaire qui sévit dans la région, la population de Mopti est partagée entre résignation et soutien silencieux au Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui a appelé, cette semaine, à une reprise de la désobéissance civile. La contestation est caractérisée par une faible mobilisation.
Le mouvement de contestation, lancé le 5 juin à Bamako, a ravi la vedette à la situation sécuritaire dans la région de Mopti. Les régions du centre du Mali, notamment Mopti, faisaient régulièrement la Une des médias, et focalisait l’attention des autorités nationales et des partenaires internationaux. L’activisme des groupes extrémistes violents et l’intensification des conflits locaux y ont fait des dégâts énormes.
Depuis le début de la grogne sociale, le pays semble tourner au ralenti. La ville de Mopti ne fait pas exception. Ainsi, le 13 juillet 2020, trois jours après l’appel à la désobéissance lancé par le M5-RFP, des jeunes venus faire une demande de certificat de nationale se sont entendu dire par un employé du tribunal de grande instance de Mopti : « Nous ne sommes pas en mesure de vous faire des certificats de nationalité à cause de l’appel à la désobéissance civile ».
Une semaine plus tard, tout a commencé à bien fonctionner. L’administration publique travaille régulièrement, le centre commercial ne semble pas prêt à fermer les boutiques. « Tout est presque normal », confie Mamadou Tapo, un commerçant, qui dit adhérer au changement revendiqué par la contestation, tout en regrettant une prise de conscience tardive des Bamakois. « Depuis 2013, nos activités tournent au ralenti. A cela, sont venues s’ajouter les tueries des populations civiles innocentes. Et l’État n’a rien fait pour rendre justice», déplore t-il.
Refus de manifester
Le débat est tendu entre un petit groupe d’hommes assis près d’un ancien coffre de véhicule, servant de boîte à clés de réparation de voitures. Nous sommes au Bas-fond, un quartier de Mopti que des mécaniciens automobiles ont transformé en garage. « Nous venons chaque matin au garage et retournons le petit soir sans réparer un seul véhicule. Il n’y a pas de clients, les transporteurs ont peur que leurs véhicules sautent sur des mines et beaucoup sont en arrêt de travail », explique Issa Traoré, un chef de garage.
Pour certains d’entre eux, l’imam Mahmoud Dicko, considéré comme la figure de proue de la contestation, « cherche de l’argent ». D’autres, au contraire, estiment que « sa lutte est sincère ». Cependant, ils sont d’accord sur une chose : le refus d’aller manifester. « Hors de question de sortir pour aller manifester aux côtés des jeunes de la classe politique », tempête l’un d’eux.
Soutien silencieux
A l’appel du M5-RFP, la population de Mopti est sortie deux fois pour manifester : le 19 juin et le 10 juillet 2020. Ces manifestations ont mobilisé très peu de monde dans les rues. Les organisateurs expliquent cette faible mobilisation par un problème de coordination. « Malheureusement, il n’y a pas de structuration du mouvement au niveau régional. On a été confrontés à des difficultés d’organisation et de communication. Mais, tout est rentré dans l’ordre pour les prochaines mobilisations. », concède Balla Konaté, candidat aux législatives 2020.
D’autres explications sont à l’origine du timide engouement. Le secrétaire général de la jeunesse RPM (Rassemblement pour le Mali), Nouhoum Cissé, lie la contre performance des organisateurs de ces marches à la « tradition anti-marche » de la population de Mopti. « Les gens n’aiment pas les marches. C’est pourquoi la population de Mopti n’est pas sortie lors des dernières manifestations. »
Pour Mamoudou Bocoum, journaliste et observateur de la situation politique locale, « la situation difficile de l’économie, couplée à l’insécurité explique en grande partie cette faible mobilisation, malgré une grande adhésion de la population aux revendications du M5-RFP ». Il estime, par ailleurs, que beaucoup ne se reconnaissent dans les organisateurs. Les populations semblent opter pour un soutien silencieux à la demande de changement de gouvernance. Et tout le monde est d’accord sur l’urgence de la résolution de la crise.
Source : Benbere