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Zirakoro Dounfing : Difficile cohabitation entre humains et animaux sauvages

Quartier de la commune III, à la lisière de la capitale malienne, Bamako, et a la limite de la frontière avec le Cercle de Kati, Zirakoro Dounfing est réputé être une zone de prédilection pour les sciences occultes. Tout au long du marigot, qui laisse passer les eaux diluviennes emprisonnées par le chapelet de collines situées derrière les petits villages de Kati, d’étranges activités nocturnes attisent la curiosité des passants.

 

Des esprits semblent habiter ces arbres touffus que le passant admire, à gauche, en partant à Kati. C’est l’un des rares poumons de la capitale. Selon les habitants du coin, deux grandes familles de « Djinns » se seraient partagées le territoire. La première est commandée par une vieille dame. L’autre, cousin de la vieille dame, est installée, plus loin, avec sa famille. Ce déplacement serait motivé par l’empiètement des hommes sur leur territoire.

Selon la légende, les pieds humains marchent, à longueur de journées, sur leurs ustensiles de cuisine. Certains humains poussent la provocation jusqu’à construire des bâtiments sur l’espace de la communauté des « Djinns », qui a, dès lors, pris la décision d’éviter l’affrontement avec les humain.

Les « Djinns » ne sont pas les seuls à se plaindre de l’agression de l’homme. Les serpents sont, quotidiennement, perturbés dans leur quiétude par les bruits et les odeurs humains. A défaut de les interroger directement, allons au contact de ceux qui en auraient le secret. En partant à Kati, après le vieux quartier de Samé, à gauche, dans le ravin, on arrive à Zirakoro avant Kati. Sur la route en latérite, parallèle à la principale, des hangars sont implantés entre les manguiers. Des poulets de toutes les couleurs y sont égorgés, puis sacrifiés et leur sang rependu sur le sol ou versé dans l’eau. Des esprits sont ainsi nourris pour répondre favorablement aux sollicitations des hommes désespérés. Les poulets ne sont pas les seules victimes de cette croyance populaire des temps révolus mais toujours tenace. Les cabris noirs et, quelques rares fois, des béliers blancs y sont immolés par des individus aux allures effrayantes.

ESPRITS – Habillés en haillons, ces personnages ne quittent pas ces endroits particuliers. Ils attendent des clients. Une bonne quantité d’alcool pour arroser les esprits, quelques paquets de cigarettes et un peu de nourritures, c’est suffisant pour vivre. La nuit tombée, au lieu d’aller au lit, beaucoup de gens prennent la direction de Zirakoro. Là, ils ont rendez-vous avec ceux qui seraient les intermédiaires des diables et de leurs cousins « Djinns ». Originaires de la zone, ils ont démontré, à qui veut le croire, qu’ils ont la faculté de se connecter avec les esprits invisibles, au commun des mortels, pour donner une réponse positive aux diverses sollicitations des autres humains.

Tout au long des rails qui s’enfoncent dans cette mangueraie, des véhicules de nantis sont garés dans la pénombre. Les occupants sont dans la petite forêt de manguiers où se trouve une petite marre aux eaux colorées, à force de recevoir du sang et des animaux morts. « Ici, il y a une grande famille de « Djinns ». Mais très gentille. Elle accepte les offrandes et en échange, fait ce qu’on lui demande », confie discrètement un jeune qui prétend être juste un ami du charlatan.

Que demandent-ils aux esprits du marigot sacré ? Difficile d’y répondre. En revanche, il est connu que ces esprits ne sont pas les seuls occupants des lieux. S’ils existent, ils cohabitent avec des boas. Ces gros serpents ont colonisé ces lieux humides et touffus, depuis la nuit des temps. Les anciens le savent bien. De génération en génération, on enseigne aux jeunes de ne jamais tuer un boa. La raison : ils sont le totem qui protège la localité. « C’est le ciment de notre village devenu aujourd’hui un quartier de Bamako à cause de sa proximité », disent les habitants.

Un problème se pose. Les mairies se sont adonnées à une vente effrénée de terrain et d’espaces de toute nature et de toute destination. Des maisonnettes, qui semblent suspendues dans le vide, pendent aux flancs des collines. Les cuvettes et des ravins sont vendus et des demeures y sont construites, sans peur ! Les marigots où se reproduisent les animaux sauvages sont investis par l’homme. Alors, les gros reptiles, devenus nombreux, sont pris en sandwich par les maisons. « Nous avons l’habitude de trouver des boas dans les chambres à Zirakoro. Mais, à chaque fois Boua (père) nous interdit de les toucher, encore moins de les tuer. Il semble qu’ils protègent le quartier, depuis plusieurs générations », raconte Adama, un jeune du quartier qui croit, dur comme fer, à cette réalité.

Ces gros reptiles, selon le savoir endogène, ne sortent qu’une fois l’an, à la recherche de nourriture. Dans leur communauté, ils ont un chef. C’est le plus gros et le plus long. Le voir relève d’un miracle. Mais le voir est un porte-bonheur, selon un ancien. « Ils sont très nombreux ici mais ne font de mal à personne. Quand ils ont faim, ils se promènent la nuit pour chercher une chèvre, un coq ou se contenter de menus plus modestes comme les margouillats et les grenouilles qui croassent, en chœur, tous les soirs. L’orchestre des batraciens les attire vers les parties humides de la mangueraie.

ETREINTE MORTELLE. Fins stratèges, ils se mettent souvent sur les arbres, en embuscade, pour surprendre les petits animaux imprudents. C’est ce qui est arrivé au chien d’un jardinier du coin. Le maitre du chien a été alerté par les aboiements de désespoir de l’animal de compagnie. Aussitôt, il abandonna ses planches de haricots et se dirigea vers l’animal en détresse. Ce dernier était en mauvaise posture. Le gros reptile l’avait pris en tenaille. Sa tête et sa poitrine sont enveloppées par la bête qui glisse son corps tout autour du chien. Le canidé remue, désespérément, sa queue. Le boa, partisan du moindre effort quand il s’agit de tuer sa proie, déploie, doucement et surement, sa force contre sa victime agonisante. Il est capable de détecter ses battements de cœur de sa victime. C’est ce qui lui donne le luxe de limiter son étreinte pour l’étouffer au strict nécessaire et ainsi éviter de gaspiller son énergie.

Pour les serpents dépourvus de venin, comme le boa, la constriction est un moyen très efficace de tuer leur proie. Le chien du jardinier s’appelait « Rambo ». Le célèbre acteur américain eut plus de succès que lui dans ses combats, notamment ceux qu’il engagea tout seul contre l’armée vietnamienne. Le chien, lui, a perdu le sien face au boa. Celui-ci ne lui laissa aucune chance. Il l’avait brutalement attaqué, lors d’une promenade, en s’enroulant autour de lui et en resserrant, progressivement, ses anneaux pour l’étouffer. Mais la pression phénoménale que le reptile exerce demande une grosse dépense d’énergie, le conduit à un repos forcé et le laisse, particulièrement, vulnérable aux attaques d’autres prédateurs.

Heureusement, personne ne lui fit de mal. « Il ne faut pas le toucher », crie un vieil homme. « Ces choses-là, enchaîne-t-il sont sacrées ». Quand il libera le corps sans vie de Rambo, il leva ses gros yeux et fixa quelques instants les curieux venus voir sa démonstration de tueur en série. Nonchalamment, il traina son long corps noir brillant dans les buissons sans avoir le temps d’avaler Rambo. Il doit avoir maudit les hommes qui lui ont gâché le festin. Mais, ce n’est que partie remise. Le jardinier doit désormais apprendre à vivre sans son animal de compagnie. « C’était mon ami de tous les jours », regrette-t-il.

Un des anciens du village s’est rendu célèbre dans l’art de capturer les gros reptiles. Selon lui, le boa perd sa sacralité dès lors qu’il cause un quelconque tort à l’homme. « S’il s’attaque à tes animaux ou au poulailler, tu peux le tuer ou le capturer, sans conséquences » précise-t-il. C’est lui seul qui a osé franchir ce pas.  « Quand je les prends, je les mange ou les vend au marché. Il y a des gens qui les domestiquent ou les utilisent pour d’autres fins…» ajoute le vieil homme. De mémoire d’habitant de ces lieux, les boas ne se sont jamais attaqués aux hommes. « S’ils ont vraiment faim, le pire est à craindre parce que nos enfants passent le clair de leur temps à cueillir les mangues ou à chasser les margouillats dans cette mangueraie », s’inquiète l’ancien du village qui regrette que les espaces soient, tous, vendus, à tour de bras, par les autorités municipales, sans tenir compte de certains équilibres.

Dans la zone, plusieurs occupants se plaignent plaintes de ces gros reptiles qui rentrent, par infraction, dans les foyers à la recherche de nourriture. Les boas rendent, très souvent, visités aux éleveurs, surtout à leur bétail. Les poussins et les œufs sont pour eux ce que représente la glace vanille à l’enfant. « J’ai arrêté d’élever les poules par crainte de me retrouver nez à nez avec ce gros serpent. Il parait qu’il n’agresse pas les humains mais je préfère ne pas l’avoir chez moi », confie Madou Diarra lorsqu’il quittait le chantier où il est maçon en chef.

Un autre plaignant rompt le silence, après avoir perdu ses 8 poussins, la semaine dernière. Il dit avoir surpris un reptile de plus de 3 mètres en train de traquer une poule. A défaut, il s’est contenté des poussins. Après tout, à la décharge des reptiles, ce sont les lotissements qui ont empiété sur leur habitat.

AC/MD

(AMAP)

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