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Violence au Mali, la spirale infernale

Un groupe armé a tué, lundi 10 juin, une centaine de Dogons dans le centre du pays. Les massacres à caractère communautaire se multiplient dans un contexte de déflagration territoriale.

Encore un massacre dans le centre du Mali. Cette fois, c’est le village dogon de Sobane-Kou qui a été rasé par les assaillants, lundi 10 juin. Une centaine de villageois, hommes, femmes, enfants, vieillards, tués et brûlés vif. L’attaque n’a pas été revendiquée, mais les autorités maliennes, dépassées par la situation, évoquent une attaque « terroriste » sans préciser l’identité des responsables. S’agit-il de représailles à l’attaque attribuée à des chasseurs dogons du village d’Ogassougou, le 23 mars, dans lequel 160 Peuls ont été tués ? Est-ce un groupe djihadiste qui étend son territoire en semant la terreur dans une zone où les chrétiens et les animistes sont majoritaires ? Est-ce les deux à la fois ?

L’hypercentre de la guerre civile

Depuis 2015, le centre du Mali est devenu l’hypercentre de la guerre civile qui disloque le pays. Profitant du vide laissé par l’État dans la région, de l’indécision et de l’incapacité du président Ibrahim Boubacar Keïta, élu une première fois en 2013, réélu en 2018, à rétablir la sécurité et le développement dans son pays, les dynamiques de prédation et d’autodéfense s’enracinent.

Après les régions de Kidal, de Gao, de Tombouctou, c’est au tour de la région de Mopti d’échapper au pouvoir central. Un phénomène en train de toucher silencieusement, selon plusieurs sources, la région de Kayes, à l’ouest, qui a aussi gagné de manière spectaculaire, le Burkina Faso voisin. Et selon le même scénario. L’incapacité de l’État à assurer la sécurité des populations dans des zones où préexistent des tensions communautaires historiques, ravivées par les difficultés économiques et par l’arrivée de groupes armés islamistes, pousse à la constitution de groupes d’autodéfense sur base communautaire (Peuls, Bambaras, Dogons).

La rivalité Dogons-Peuls

Parmi ces milices, deux dominent la région et sont responsables de nombreux massacres. « Dan Na Amba Sagou103 », constituée de Dogons et de chasseurs donzos, s’attaque principalement aux Peuls au nom de la lutte contre le djihadisme, et trouve des soutiens à Bamako. Officiellement dissoute après le massacre d’Ogassougou, le 23 mars, elle a repris de la voix lundi 10 juin, à l’annonce de la tuerie des Dogons de Sobane-Kou en la qualifiant d’« acte terroriste et génocidaire intolérable », et la considérant « comme une déclaration de guerre ».

De leur côté, les Peuls se sont regroupés au sein de l’Alliance pour le salut du Sahel (ASS), début 2018. À leur tour, ils s’attaquent à des villages dogon et bambara, en représailles.

La rivalité entre ces deux communautés et leurs alliés trouve sa racine dans le conflit classique entre agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades, qui traverse la zone sahélo-saharienne et se tend en raison de la raréfaction des points d’eau et des ressources naturelles dans une région soumise aux effets du changement climatique et à la pression démographique. Dans ce cadre, les revenus liés aux trafics illégaux (drogues, humains) et au contrôle des routes du trafic attisent les conflits locaux.

Exactions de l’armée

Autre facteur aggravant dans la région, le rôle de l’armée malienne. Défaite en 2012 dans le nord du pays, elle n’a pas su se renouveler. Composée à 90 % de Bambaras, elle se range du côté des Dogons, allant jusqu’à enrôler des Donzos comme supplétifs dans cette région. De sorte que son retour dans les régions de Ségou et Mopti, en janvier 2018, loin d’avoir calmé les esprits, a été marqué par de nombreuses exactions contre les Peuls.

Cette alarmante situation concourt à l’implantation des groupes djihadistes. En premier lieu de la katiba Macina du prédicateur Amadou Koufa, un groupe qui recrute prioritairement parmi les Peuls. Membre de la nébuleuse djihadiste Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) regroupée depuis mars 2017 au sein du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) d’Iyad Al Ghaly, 40 % des attaques djihadistes ciblent désormais les régions de Mopti et de Ségou.

Le dernier rapport de la FIDH sur le centre du Mali, publié le 20 novembre 2018, concluait déjà que « les atrocités de masse sont désormais une réalité : des villages entiers sont ravagés par les milices armées ; leurs habitants sont tués pour leur seule appartenance communautaire ; des hommes sont arrêtés et exécutés, sur la base de dénonciations ou simplement parce qu’ils sont issus de la communauté peule ».

L’ONU s’alarme de la situation dans le centre

Dans son dernier rapport sur le Mali en vue de l’examen par le Conseil de sécurité, le 27 juin, du renouvellement du mandat de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, met en garde contre de nouvelles « atrocités »dans le centre du pays. Après le massacre de lundi 10 juin, il a appelé les protagonistes à « s’abstenir de représailles ». Il « exhorte le gouvernement et tous les acteurs à engager un dialogue intercommunautaire pour résoudre les tensions et les différends ».

Source: la-croix.com

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