Les responsables de l’opposition étaient face à la presse le mercredi 19 septembre 2018 à la Maison de la presse de Bamako pour dénoncer la « violation par la Cour Constitutionnelle du Mali de l’article 8 de la loi N°97-010 du 11 février 1997 portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle ».
Selon les conférenciers, l’arrêt N°2018-04/cc-ep du 20 août 2018 de la Cour constitutionnelle portant proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle est nul et de nul effet. Les conférenciers ont aussi déploré le fait que la Cour Suprême du Mali a autorisé le 4 septembre dernier la prestation de Serment de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Au regard de tout ce qui précède, l’opposition a menacé, lors cette conférence de presse, d’appeler les Maliens à la désobéissance civile. « Nous n’allons pas continuer avec les marches chaque fois, nous allons entamer la désobéissance civile tout en refusant tout acte posé par ce gouvernement », ont-ils dit.
Cette conférence de presse était animée par cinq candidats à l’élection présidentielle qui sont Mohamed Ali BATHILY, Mountaga TALL, Choguel Kokala MAÎGA, Mamadou TRAORE et Oumar MARIKO. On notait aussi la présence du président du Pdes, Djibril Tall et d’autres opposants. Le conférencier Me Mohamed Ali Bathily a évoqué la violation par la présidente de la cour constitutionnelle, Manassa Danioko de l’article 8 de la loi du 11 février 1997 qui dispose que : « Les membres de la Cour Constitutionnelle ont pour obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions. Ils ont l’obligation en particulier… de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part de la Cour, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour Constitutionnelle ». Avant d’ajouter que l’article 10 de la loi n°97-010 du 11 Février 1997 prévoit une sanction à l’encontre de celui ou de celle qui ne les respecterait pas les obligations de l’article 8. L’article 10 dispose en effet que : « La Cour Constitutionnelle constate, le cas échéant, la démission d’office de celui de ses membres qui…aurait méconnu les obligations générales et particulières visées aux articles 3 et 8 ci-dessus ». Pour Me Bathily, les articles 8 et 10 de la loi n°97-010 du 11 Février 1997 ont été violés par les membres de la Cour Constitutionnelle. Pour preuve, dit-il, pendant que le processus électoral avait déjà commencé, Mme Manassa Danioko, Présidente de la Cour Constitutionnelle, a donné une consultation au Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, en violation de l’article 8 de la loi ci-dessus. « En violant l’obligation qu’elle avait de ne point donner cet avis, elle s’est ainsi exposée elle-même à la sanction prévue par l’article 10, sa démission d’office qui doit être constatée par la Cour. Les huit autres membres de la Cour, sous la présidence nouvelle de leur doyen d’âge, devaient statuer sur la violation de l’article 8 de la loi n°97-010 du 11 Février 1997, et constater la démission d’office de Mme Manassa Danioko, la présidente défaillante, en application de l’article 10 de ladite loi. En effet, lorsque la Cour statue et proclame les résultats avec dans sa composition la présidente défaillante, il va sans dire que la présence inopportune de celle-ci affecte et détruit sa propre compétence. Il en résulte la nullité totale de la procédure, donc celle de l’arrêt proclamant les résultats », a déclare Mohamed Ali Bathyli. Et d’ajouter que les autres membres de la Cour Constitutionnelle, qui avaient l’obligation de constater la démission d’office de la « présidente défaillante », ont refusé d’appliquer à celle-ci cette sanction. Une telle attitude, dit-il, équivaut de leur part, à la désorganisation et au dysfonctionnement de la Cour Constitutionnelle. « C’est là, forcément, la forfaiture telle qu’elle est punie comme un crime par les articles 72 et 73 du Code pénal », a-t-il précisé. L’article 72 dispose que « Tout crime commis par un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions est une forfaiture ». Quant à l’article 73, il dispose que « Tout acte de forfaiture sera puni de cinq ans au moins et de dix ans au plus de réclusion, lorsque la loi n’aura pas prévu une peine inférieure ou supérieure ». Le conférencier a rappelé que le 31 août 2018, les candidats Soumaïla Cissé, Mohamed Ali Bathily, Choguel Kokala Maïga, Daba Diawara, Dramane Dembélé, Mamadou Traoré, Mountaga Tall et Moussa Sinko Coulibaly ont, par l’entremise du Cabinet de Maître Magatte A. Seye, porté plainte pour forfaiture et coalition de fonctionnaires contre la Constitution et la loi. Cette plainte, a-t-il indiqué, vise Mme Manassa Danioko, Mme Fatoumata Diall, Messieurs M’Pèrè Diarra, Mahamadou Boiré, Zoumana Moussa Cissé, Seydou Nourou Kéïta, Modibo Guindo, Baya Berthé et Bamassa Sissoko. A ses dires, la prestation de serment est intervenue le 4 septembre 2018 alors que déjà, le 31 août 2018, une plainte était déposée contre l’ensemble des membres de la Cour Constitutionnelle pour forfaiture, coalition de fonctionnaires et complicité de ces infractions. « La proclamation des résultats étant un élément constitutif des crimes de forfaiture et de coalition de fonctionnaires ainsi que de leur complicité, elle ne peut dès lors servir de base à la prestation de serment du Président de la République, en application de l’article 37 de la Constitution. La Cour Suprême, au nom de la primauté de la loi, avait la charge, sur la base de la plainte à elle adressée, de prendre des mesures conservatoires, notamment afin d’empêcher la prestation de serment qui n’est, de toute évidence, que la conséquence des proclamations de résultats faites en violation des lois et constituant, pour cette raison, des infractions. Il va de soi qu’un tel serment est nul et de nul effet ; puisque, pour préserver les acquis démocratiques, il faut que les lois s’appliquent et non qu’elles soient violées. Il ne peut naitre de la violation de la loi, la légitimation et encore moins la légalité de l’élection du Président de la République sans que celui-ci ne commette un parjure qui ferait juridiquement de lui le complice des infractions incriminées », a-t-il souligné. Et c’est ainsi qu’il dira que le Président de la République est passible de poursuite pénale pour « haute trahison ». En outre, il a mis l’accent sur l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992 en disant que lorsque la forme républicaine de l’Etat est remise en cause, notamment par le fait des tribunaux de refuser l’application des lois qui gouvernent le processus électoral et par l’acceptation du Président de la République de tirer profit de cette inapplication pour se maintenir au pouvoir, « Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat ». A l’en croire, le droit du peuple à la désobéissance civile est un droit constitutionnel. Selon lui, son exercice permet de préserver les acquis démocratiques. « Nous n’allons pas continuer avec les marches chaque fois, nous allons entamer la désobéissance civile tout en refusant tout acte posé par ce gouvernement. Nous allons nous réunir pour dire quant et comment nous allons procéder à la désobéissance civile. Le samedi 22 septembre 2018, il y aura le meeting. Nous demandons à tout le monde de sortir massivement », a-t-il dit.
Quid des élections législatives ?
Répondant aux questions des journalistes, le candidat Oumar Mariko du Sadi a fait savoir que le président IBK n’a pas pu assurer la sécurité, la santé, l’éducation des maliens. Avant de signaler qu’ils sont en train de lutter pour la démocratie au Mali. Selon Oumar Mariko, la manière dont IBK a été imposé à l’issue de la présidentielle, le pouvoir va faire tout pour trouver les moyens d’imposer 100 députés. Il a souhaité la transparence aux élections. « La victoire est assurée à 40%, ce que nous recherchons, c’est l’engagement. Nous ne pouvons pas accepté que les lois soient violées », a déclaré Oumar Mariko. Pour sa part, le jeune candidat Mamadou Traoré du parti Union, a fait savoir que la démocratie malienne est prise en otage. Me Mountaga Tall du CNID FYT a aussi souhaité le respect de la loi au Mali. Concernant la participation de l’opposition aux prochaines législatives, Me Tall s’est abstenu de tout commentaire. « Nous allons nous réunir sur la participation de l’opposition aux élections législatives, la décision qui sera prise sera portée à la connaissance de l’opinion », a-t-il dit. Par ailleurs, il a invité le gouvernement à prendre des dispositions pour trouver une solution à la grève illimitée des magistrats. En outre Me Bathily a fait des révélations sur la réparation de la route de Kati. « J’étais membre du gouvernement, le budget de réparation de la route de Kati a été voté a deux reprises. Mais ça n’a jamais été exécuté », a-t-il dit.
Aguibou Sogodogo
Source: Lerepublicainmali