Si le résultat des sondages était à même de faire accéder un candidat à Koulouba, Zoumana Sako serait président de la République. Plus de 80% des personnes interrogées –y compris des jeunes de moins de 25 ans- l’ont désigné comme l’homme aujourd’hui capable de redresser le Mali et de lutter efficacement contre la corruption et la gabegie. Et pourquoi donc il n’a été élu ? Réponse : «Justement parce qu’il est trop honnête». Par contre les 20% représentant majoritairement les cadres de l’administration, s’emportent lorsqu’on leur parle de lui : «Pas question que Zoumana Sako devienne chef d’Etat dans ce pays sinon, il va tous nous mettre en prison ». Autant dire que les qualités de l’homme sont devenues un handicap dans un pays qui a perdu ses répères. Malgré tout, le Président de la CNAS-Faso Héré, reste toujours une référence pour toutes les générations. Il répond ici, sans fioriture, à nos questions.
Le Sphinx: Monsieur le Président de la CNAS Faso Héré, quelle présentation pourrait-on faire de votre formation politique afin de mieux la faire connaître à nos lecteurs?
Zoumana Sako : La CNAS-Faso Hèrè, en formule développée Convention Nationale pour une Afrique Solidaire, a été créée le 25 mai 2011 dans le quartier populaire de Niamakoro de Bamako. Le choix de la date et du lieu ne doit rien au hasard. En effet, la symbolique de la journée de l’Afrique signifie notre engagement pour l’unité africaine à l’instar des Pères fondateurs tels les Présidents Modibo Keïta, Kwamé Nkrumah, Gamal Nasser, Hailé Sélassié, Sékou Touré, Ahmed Ben Bella, Jomo Kenyatta et tant d’autres leaders africains qui ont toujours combattu la balkanisation du continent et compris l’impérieuse nécessité, au double plan politique et économique, pour l’Afrique et les Africains de se donner la main et de forger un destin commun qui ne soit pas celui de marionnettes et de supplétifs des puissances du moment. Nous savons, par exemple, que bien avant l’accession de notre pays à l’Indépendance, le Président Modibo Keïta n’a eu de cesse de prôner l’unité africaine, y compris en la forme d’une monnaie unique africaine et d’abandon partiel ou total de souveraineté nationale en faveur de grands ensembles qui puissent garantir l’épanouissement économique et la dignité de nos Peuples.
Les militantes et militants de la CNAS-Faso Hèrè conçoivent la politique et le pouvoir comme un moyen de résoudre les problèmes du Peuple. Le quartier populaire de Niamakoro représente par essence un condensé de la problématique de développement à laquelle notre Peuple dans son ensemble est confronté : difficultés de vie liées à la crise de l’école, du chômage, y compris celui des jeunes diplômés, de la santé, du logement, de l’insalubrité, des transports, de la sécurité, de l’eau potable, de l’électrification, de la délinquance juvénile, de l’alimentation, de l’oppression des forces obscurantistes, etc. etc. etc. Loin des salons climatisés des grands hôtels huppés de Bamako ou des grands centres de conférences, nous avons voulu vivre l’évènement in situ, pour ainsi dire, et dire aux millions de Maliennes et de Maliens vivant dans toutes les régions et au sein de la diaspora qu’à travers la CNAS-Faso Hèrè, ils ont des compatriotes fidèles au Peuple et déterminés à rendre au Mali, notre chère patrie commune, sa grandeur et son rayonnement d’antan. Nous sommes déterminés à donner à notre jeunesse de nouvelles raisons de croire et d’espérer.
En outre, parti du Peuple malien, la CNAS-Faso Hèrè fait le pari d’un financement par ses propres militants et militantes eux-mêmes ainsi que par ses sympathisants/sympathisantes sans être inféodée à quelques puissances d’argent que ce soit. Notre parti tient à préserver son indépendance d’esprit et de pensée comme gage de notre fidélité inébranlable aux seuls intérêts du Peuple malien et de l’Afrique.
Le mode de structuration de la CNAS-Faso Hèrè est plutôt classique, avec les mêmes organes et instances que l’on retrouve généralement de la base au sommet au niveau des partis politiques. Instance suprême, le Congrès se tient tous les cinq ans, la Conférence Nationale des Cadres se tenant dans l’intervalle. Le Bureau Politique National coiffe les comités, sous-sections et sections.
Le mode de fonctionnement de la CNAS-Faso Hèrè est le centralisme démocratique. Le Parti tient aux débats démocratiques et au respect de ses valeurs. Aucune féodalité ni aucun potentat ne viendra confisquer le droit des militants et des militantes à décider des prises de position politique sur les grands sujets d’intérêt national et international. La CNAS-Faso Hèrè insiste sur la restauration et le renforcement de la souveraineté du Peuple malien. Elle est fermement attachée aux valeurs fondatrices du 22 septembre 1960 et du 26 mars 1991. Elle défend les valeurs sociétales de notre pays tout en restant ouverte à l’ouverture contrôlée à la civilisation de l’universel.
La CNAS Faso Héré a scellé des alliances avec d’autres partis politiques. Est-ce circonstanciel ou pour aller vers la formation d’un grand ensemble politique structuré?
La CNAS-Faso Hèrè est ouverte à toutes alliances avec les forces politiques et sociales de progrès. C’est ainsi que nous avons, avec une vingtaine de partis politiques et d’organisations de la société civile, y compris le Front Africain pour le Développement (FAD) et l’US-RDA, créé le 25 mars 2012 l’Alliance des Démocrates Patriotes pour la Sortie de crise (ADPS) pour faire échec au coup d’Etat du 22 mars 2012 et aux forces de la restauration. En outre, nous avions sérieusement envisagé de créer, avec notamment les FARE- An Ka Willi et le PIDS, un Pôle unique de la Gauche démocratique. Malheureusement, les discussions ont achoppé sur la question fondamentale du rôle et de la place de la religion et des leaders religieux dans le champ institutionnel politique. Ce qui nous a amenés à lancer, le 6 juin 2016, la Charte du Front populaire, pôle de la gauche patriotique, républicaine, démocratique et panafricaniste. Néanmoins, nous ne désespérons pas d’aboutir, prochainement, à la création d’une Inter-Pôle de la gauche démocratique avec nos camarades du NPP (Nouveau Pôle Politique). Parallèlement, nous sommes, avec la CRP (Convergence pour le Renouveau Politique) emmenée notamment par le PRVM (parti pour la restauration des valeurs du Mali) et l’ADPM, convenus de nouer un partenariat politique et électoral. Dans la même veine, la CNAS-Faso Hèrè est, avec le Parena, l’initiatrice du processus appelé déboucher sur un Manifeste pour l’Alternance démocratique et, plus tard, un Programme minimum de Gouvernement. Le 5 mai 2018, une quarantaine d’autres partis politiques, associations, syndicats et personnalités indépendantes et leaders d’opinion se joindront au Front Populaire pour en faire une force appelée à s’imposer sur l’échiquier politique national et international.
Avec d’autres partenaires, la CNAS-Faso Hèrè est en discussion avancée pour réunir les conditions d’une alternance réelle et crédible à la politique de démission nationale instaurée par le régime issu des élections générales de 2013. Nous sommes convaincus que les forces progressistes attachées à la restauration complète et sans condition de la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire et de ses ressources naturelles, sans exclure toutes formules de partenariat gagnant-gagnant avec tous pays reconnaissant la primauté des intérêts du Mali, vont se retrouver dans une grande coalition gagnante axée sur la promotion de la démocratie et la défense de la laïcité de l’Etat républicain, la justice sociale, la transparence et la lutte contre la petite ou grande coopération, le progrès social notamment en faveur des femmes, des couches urbaines et rurales défavorisées, du secteur privé socialement responsable et de la diaspora malienne. Nous avons bon espoir que les franges saines et patriotiques de formations politiques comme l’Adema, le RPM, le MPR, le Miria, la Codem, Yelema et l’UM-RDA, etc. etc. etc. trouveront leur place légitime au sein de ce vaste Front pour faire échec à la mafia, aux forces obscurantistes et au complot visant à disloquer l’Etat malien au profit d’une minorité esclavagiste et féodale dépourvue de toute légitimité.
Au total, les regroupements à géométrie variable certes mais dans la constance des principes et la défense des intérêts du Peuple malien ne sont pas circonstanciels. Ils découlent de notre conviction profonde qu’aucun parti n’a le monopole du patriotisme et que seul un vaste regroupement des forces progressistes, républicaines, démocratiques, laïques et panafricanistes assurera la victoire du Peuple aux élections générales prochaines.
Dans cet ordre d’idées, M. le Président, la CNAS Faso Héré est-elle prête à se fondre dans une alliance en vue de la prochaine présidentielle ou a-t-elle décidé de présenter un candidat issu de ses rangs ?
La CNAS-Faso Hèrè continuera à jouer son rôle d’Avant Garde consciente et responsable du Peuple malien. Aussi, elle est disposée à examiner toute formule de candidatures coordonnées pouvant favoriser la victoire du Peuple sur la démission nationale, les forces prédatrices à fort relents mafieux et les forces antidémocratiques. Conformément aux statuts et règlement intérieur adoptés par le deuxième Congrès ordinaire de décembre 2016, la Conférence Nationale des Cadres se réunira le 25 mai 2018 et prendra position sur la participation de la CNAS-Faso Hèrè aux élections générales prochaines, notamment la présidentielle, étant bien entendu que nous prendrons en compte les réalités de l’échiquier politique national et que le dernier mot appartiendra souverainement et en toute responsabilité aux militantes et aux militants.
Parlant de la Présidentielle, comment la CNAS Faso Héré apprécie-t-elle les préparatifs de ce scrutin ?
Nous estimons que c’est au Président de la République et à son Gouvernement d’organiser des élections transparentes, crédibles, apaisées et fiables. Toute carence de leur part serait inadmissible et, en tout état de cause, le Peuple militant du Mali, fort de son expérience réussie qui a fait échec aux tentatives de tripatouillage de la Constitution démocratique du 12 janvier 1992, demeure une sentinelle vigilante pour le respect de la libre expression du suffrage populaire.
Etes-vous du même avis que ceux qui prônent de reculer la date de l’élection présidentielle pour mieux la préparer ?
Il n’est pas question d’outrepasser les délais constitutionnels. Le Peuple malien n’accordera aucune prime à l’incompétence ou à l’incurie.
Si nous considérons la situation sécuritaire notamment au nord et au centre du pays. N’y a-t-il pas obstacle à l’organisation d’une bonne élection ?
C’est vraiment mal poser le problème et endormir le Peuple par des manœuvres de diversion. Un régime qui, en cinq ans, n’a pas su créer les conditions d’élections crédibles ne saurait le réussir même avec une rallonge d’un siècle. Le stratagème de Joseph Désiré Kabila ne saurait prospérer ici au Mali.
Et comment appréciez-vous la situation du pays?
C’est au Président de la République et à son Gouvernement de veiller à la sécurité des personnes et des biens dans l’ensemble du pays. Nous notons qu’après cinq Gouvernements successifs – et le décompte n’est peut-être pas fini- c’est toujours l’échec sur ce plan comme sur d’autres, nonobstant les effets d’annonce qui se multiplient ses derniers temps pour être tout simplement démentis par les faits.
Sur un autre plan, le Gouvernement vient de décider la confection de nouvelles cartes d’électeurs. Qu’est-ce cela vous inspire ?
Nous notons beaucoup d’improvisations et de confusion de la part des autorités. Une énième modification du code électoral en l’espace du mandat présidentiel est symptomatique du manque de vision et de leadership doublé d’une incompétence criarde du Président de la République et de ses Gouvernements successifs. On se souvient que les élections communales de 2016 ont eu lieu sous l’emprise de deux versions contradictoires du Code électoral. L’imbroglio politico-juridique continue avec la possibilité de voter avec ‘’l’ancienne’’ carte NINA ou la ‘’nouvelle’’ carte d’électeur! Pour le reste, d’éminents spécialistes du droit ont, à temps, mis le doigt sur l’illégalité totale des conditions entourant la ‘’nouvelle’’ carte d’électeur.
En ce concerne votre formation politique, la CNAS Faso Héré, est-elle déjà prête à aller à la prochaine présidentielle ?
Un parti continue toujours à peaufiner son état de préparation pour s’assurer d’être en bon ordre de bataille le jour du scrutin. Nous sommes conscients qu’avec le montant de la caution porté à FCFA 25 millions (vingt-cinq millions) et l’inflation galopante du coût de la logistique d’une campagne, sans oublier que depuis quelques années déjà le trésor de guerre pour corrompre les électeurs l’emporte sur la qualité intrinsèque des programmes et des hommes et des femmes briguant les suffrages, nous sommes conscients donc que la partie n’est pas gagnée d’avance. Mais le Peuple militant du Mali saura démontrer que sa soif de changement l’emporte sur les puissances d’argent qui rêvent de maintenir nos compatriotes sous coupe réglée.
Et comment appréciez-vous la situation du pays?
Avec l’Accord d’Alger qui consacre la Confédération comme antichambre de la sécession et de l’Indépendance du fantasmagorique ‘’Azawad’’, le régime issu des élections générales de 2013 a conduit le Mali dans l’impasse absolue. Le voyage arrangé du Premier Ministre à Kidal préfigure déjà de cet Etat-Région d’où sont absents tous symboles de souveraineté du Mali. Le Premier Ministre du Mali est allé à Kidal en mission de bon voisinage et de coopération pour recenser les ‘’besoins’’ des populations – comme un Ministre d’un pays ‘’développé’’ se rend au Mali pour aider à résoudre, dit-on, nos problèmes de sous-développement – n’impliquant aucun retour de cette localité dans le giron de la souveraineté du Mali. D’ailleurs, il importe que les forces patriotiques réalisent, qu’aux termes de l’Accord d’Alger, les Forces Armées et de Défense du Mali telles que nous connaissons ne mettront jamais le pied à Kidal ! En effet, seule l’Armée ‘’reconstituée’’, soit essentiellement les hordes armées du MNLA et de ses parrains djihadistes, y aura droit de cité !
Dans cet ordre d’idées, si vous aviez un message à lancer à la population. Lequel ?
Face à la démission nationale et au vieux complot de l’OCRS assaisonné au goût djihadiste du jour, il importe que les forces patriotiques et démocratiques redoublent de vigilance et de détermination pour retrouver notre cher Mali dans ses frontières internationalement reconnues. Nous invitons le Peuple malien à renforcer la solidarité entre toutes les composantes de la Nation, une Nation multimillénaire forte de sa diversité culturelle. Il est essentiel que la compétition pour les ressources naturelles, y compris l’eau et l’alimentation des populations et du cheptel, ne soit amenée à s’exacerber sous l’effet du changement climatique. Mieux, nous devons en tant que Peuple redécouvrir le vivre ensemble et la solidarité face à l’adversité et au complot de ces forces qui rêvent de manipuler les frontières légales du Mali comme variable d’ajustement dans leurs diaboliques jeux d’intérêt stratégiques.
Le Président Modibo Keïta a toujours privilégié l’unité nationale comme rempart contre tous les complots contre le Peuple malien. Il incombe aux générations d’aujourd’hui de réussir des élections crédibles et apaisées comme condition préalable du retour du Mali sur le sentier de la souveraineté nationale, de la justice sociale, de la grandeur et du rayonnement. Avec des élections transparentes et apaisées, la CNAS-Faso Hèrè et l’ensemble des forces patriotiques, républicaines, démocratiques et panafricaines reconstruirons le Mali à la lumière de nos ambitions, par l’effort conjugué de tous et dans l’intérêt de toutes les régions et de toutes les couches laborieuses. Le bonheur par le labeur, voilà ce que nous commande notre hymne national, et cela est à notre portée et au bénéfice de tous et de chacun dans une Afrique qui gagne car solidaire et engagée!
Propos recueillis par A.D
Source: lesphinxmali