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Un ami trop compatissant

OK croyait être tombé sur un homme providentiel, mais son compagnon était expert dans un autre domaine.

Faits divers

L’on ne peut rien contre le progrès, affirment les fatalistes. Il faut donc accepter l’évolution avec tous les ennuis et toutes les déviations qu’elle pourrait générer. Aujourd’hui, nous parlerons d’un progrès qui a pris l’apparence d’un engin à deux roues, vrombissant et rugissant qui a imposé son omniprésence dans nos villes et dans nos campagnes à vitesse effarante. La moto- puisque c’est d’elle qu’il s’agit – est passée en un peu plus d’une décennie du statut de véhicule de semi-luxe à celui de possession ordinaire. Grâce à une baisse de prix que n’a connue aucune autre marchandise (à part sans doute le téléphone mobile), elle s’est mise à la portée de toutes les bourses moyennes.

Quant aux ennuis qu’elle peut amener, ils sont trop connus pour que nous nous appesantissions outre-mesure dessus. L’autre jour, un cadre d’une structure étrangère en mission dans notre pays nous confiait son ébahissement devant le nombre de Djakarta roulant dans les rues de Bamako. Il se disait tout aussi effaré face aux imprudences des propriétaires qui semblaient faire fi des règles les plus élémentaires du code de la route. « L’étranger » nous confia qu’en très peu de jours il avait assisté à trois accrochages entre motos. Pour lui, trop de personnes ont enfourché ces engins relativement puissants sans subir au préalable un apprentissage qui aurait commencé par le vélo et qui aurait continué par le cyclomoteur du bon vieux temps. Pas étonnant donc que le défaut de maîtrise amène un nombre important de drames.

Mais s’il y a une catégorie de la population qui est absolument heureuse de la prolifération de motos, c’est bien les voleurs d’engins à deux roues. Ils se retrouvent en effet avec une infinité de possibilités de faire leur « métier ». Car la matière première ne fait pas défaut. Les Djakartas abondent. Les propriétaires imprudents ou naïfs aussi. Parfois, le voleur opère avec une facilité déconcertante et sans le moindre risque de se retrouver coincé. C’est le cas dans le récit que nous vous proposons aujourd’hui. Les événements se sont déroulés il y a juste une dizaine de jours dans un quartier de la Commune II.

Ceux qui se trouvaient ce jour là dans les locaux du commissariat du 2èmearrondissement se souviennent certainement de l’entrée fracassante qu’y fit IK, un porteur d’uniforme. Il lançait ses commentaires d’une voix précipitée, car il était encore sous le choc de ce qui venait d’arriver. Il ne cessait de répéter qu’il ne lui serait jamais venu à l’esprit qu’un des siens ou bien lui-même pouvait être victime d’une telle mésaventure, d’un vol aussi audacieux. Ce militaire faisait visiblement partie de ces hommes qui pensent que certaines choses n’arrivent qu’aux autres. Jusqu’au jour où des malfrats leur démontrent le contraire.

CHALEUREUX ET ATTENTIONNÉ

 « Je viens de recevoir une gifle. C’est à moi qu’ils se sont attaqués aujourd’hui et çà, c’est plus qu’une gifle », ne cessait de répéter l’homme visiblement déprimé. En réalité, ce n’était pas à lui qu’ »ils » (les voleurs) s’en étaient pris. C’était à un de ses proches parents auquel un escroc s’était attaqué en le dépouillant de sa moto flambant neuve. IK était venu accompagner la victime pour déposer une plainte contre X pour escroquerie. Les faits.

La victime, OK, avait quitté peu auparavant son village dans le Mandé pour Bamako. Il devait amener dans notre capitale son épouse malade pour que celle-ci reçoive les soins appropriés dans un établissement hospitalier. La dame en question souffrait de problèmes gynécologiques. Après avoir vainement tenté de soigner le mal par les thérapies traditionnelles au village, son mari avait décidé finalement de s’en remettre à un spécialiste de la médecine moderne. Ce qui n’avait pas été facile à organiser, mais à force d’obstination, OK était parvenu à convaincre tous ses proches du bien-fondé de son déplacement sur la capitale. Le jour du départ coïncidait avec le week-end. OK et son épouse se rendirent à la gare du village pour prendre un véhicule qui faisait régulièrement la navette avec Bamako. Le jeune homme, qui était relativement aisé au plan financier, était parvenu à s’acheter une moto neuve. Il ne souhaitait pas du tout venir dans la capitale sans son nouvel engin auquel il s‘était attaché. Il prétexta donc la nécessité d’être autonome dans ses déplacements à Bamako pour faire embarquer la moto dans le car.

Le hasard fit qu’en raison de l’occupation des places dans le véhicule, le couple ne put s’asseoir côte à côte. Le jeune homme se trouva installé auprès d’un parfait inconnu avec lequel il sympathisa presqu’immédiatement. Comme le trajet jusqu’à Bamako était assez long, les deux hommes eurent le temps de faire amplement connaissance. Le voisin du jeune homme se montra chaleureux et attentionné. Il n’eut donc aucune peine à recueillir les confidences de son compagnon de voyage. OK lui exposa en détails les raisons de son voyage sur Bamako.  Il décrivit le mal dont souffrait depuis plusieurs mois son épouse et qu’il avait tenté de faire traiter au village, mais sans succès. Il dit également son espoir de trouver une solution à Bamako.

L’autre l’écouta avec beaucoup de compassion. Puis il lui fit savoir que le hasard avait bien fait les choses en les installant l’un près de l’autre. L’inconnu se présenta comme un grand guérisseur bien connu (dit-il) dans le Mali tout entier. Il expliqua qu’il avait déjà traité le mal dont souffrait la jeune épouse et il n’aurait aucun mal à guérir celle-ci. OK s’empressa de lui demander un rendez-vous pour que le traitement puisse commencer au plus vite. Le guérisseur fit preuve de compréhension et dit que malgré son emploi de temps très chargé, il s’arrangerait pour fabriquer les produits qui guériraient la jeune femme, produits qu’il remettrait en personne au mari. Les hommes tombèrent d’accord pour se donner rendez-vous dans les parages d’une mosquée située dans un quartier périphérique de la capitale.

TROIS TOURS DE LA MOSQUÉE

 Le guérisseur donna à OK un numéro de téléphone sur lequel ce dernier pourrait l’appeler en cas de besoin. Les deux hommes se séparèrent, très satisfaits l’un de l’autre. OK abandonna, bien sûr, toute idée d’amener sa femme à l’hôpital alors qu’il était venu spécialement pour cela à Bamako. Le jour du rendez-vous arriva. Le tradithérapeute était déjà sur place quand OK arriva sur sa moto. L’homme avait même pris la peine de s’habiller en guérisseur professionnel pour mieux impressionner son client. Après qu’ils se furent serré la main, le guérisseur recommanda à son nouvel ami de garer son engin dans un endroit en retrait de la mosquée. Ensuite, il lui ordonna d’ôter tous les objets métalliques (bagues, bracelets) qu’il portait sur lui. OK s’exécuta avec empressement. Enfin, le guérisseur lui demanda de faire trois tours de la mosquée devant laquelle ils se trouvaient. C’était, dit-il, lorsque ces conditions seraient remplies qu’agiraient les médicaments qu’il allait donner à OK pour sa femme.

Le jeune homme entama donc le premier tour de la mosquée comme cela lui avait été recommandé. Mais avant d’avoir terminé le parcours qu’il devait exécuter, OK constata l’absence de son engin et celle du guérisseur. Il eut alors le terrible pressentiment de s’être fait tromper comme un enfant. Il tentera de joindre par téléphone son « ami » au téléphone avec le numéro qui lui avait été donné. Mais ce fut en vain. C’est la mort dans l’âme que le jeune homme qui venait de se faire surprendre stupidement, retourna chez son logeur pour expliquer à ce dernier le malheur dont il venait d’être victime. Ensemble, OK et son logeur, le porteur d’uniforme en question, se sont rendus à la Brigade du 2ème Arrondissement où ils ont tout raconté au chef BR Sissoko. Ils ont laissé à ce dernier le numéro supposé être celui de l’escroc. L’officier de police B. Sissoko s’est immédiatement chargé du dossier. Il a assuré aux deux hommes tout mettre en oeuvre pour coincer l’escroc d’ici quelques jours avec le numéro. Il reste à souhaiter que l’escroc ait ainsi fait une erreur fatale (la seule peut-être de son opération). C’était en tous les cas l’ultime espoir qu’entretenaient IK et OK en quittant les locaux du commissariat désemparés et inquiets.

MH.TRAORE 

 

Sourcel’Essor

 

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