La situation est toujours très tendue ce vendredi matin sur la place de l’Indépendance, à Kiev. Le statu quo demeure et les pressions diplomatiques s’accentuent. Malgré cinq heures de pourparlers, jeudi jusque tard dans la nuit, les chefs de l’opposition qui ont rencontré le président Viktor Ianoukovitch n’ont obtenu aucune concession.
Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
Les manifestants ont passé la nuit à construire de nouvelles barricades avec tout ce qu’ils avaient sous la main, notamment des sacs de glace. Se fortifier sur Euromaidan, c’est l’option qui a été choisie, hier, par les chefs de l’opposition après l’échec de leur rencontre avec le président ukrainien.
Des manifestants ont même réussi, durant la nuit, à prendre d’assaut un nouveau bâtiment qui appartient au ministère de l’Agriculture, situé sur l’avenue principale de Kiev.
Jeudi, en début d’après-midi, l’opposant Vitali Klitschko avait obtenu une trêve sur la rue Grouchevski, là où, depuis dimanche, manifestants et policiers échangeaient jets de cocktails molotov et tirs de grenades assourdissantes.
La rue poursuit la mobilisation
Cette trêve tient encore tant bien que mal ce vendredi matin. Les responsables de l’opposition ont appelé jeudi soir à la retenue, laissant entendre qu’ils ne soutenaient pas la poursuite des violences, qui n’aurait pour résultat que de faire de nouvelles victimes après les cinq morts déplorés mercredi.
Cette position a été accueillie par des huées des plus radicaux des manifestants. La nuit a été assez calme, mais la situation peut dégénérer à tout moment. Les manifestants ont mis à profit les heures de trêve pour refaire leurs stocks de projectiles. Le face-à-face tendu se poursuit donc.
Casque sur la tête, Andrei est remonté contre les chefs de l’opposition qui continuent de plaider pour une issue pacifique à la crise. « Ils n’ont pas assez de courage, déplore-t-il. Les gens en ont marre d’attendre et eux, ils continuent de négocier. Tout ça, ça n’est que mensonges. Le pouvoir essaye de gagner du temps, pour qu’ici, il y ait de moins en moins de monde et comme ça, ce sera plus facile de lancer l’assaut contre nous ».
Pas question pour lui de se retirer non plus pour Vassil. Hier matin, il actionnait encore une catapulte artisanale pour envoyer des cocktails Molotov dans le camp des forces de l’ordre. « Si nous nous retirons, si nous observons une vraie trêve, alors ça ira très mal pour nous, explique-t-il. Il y aura alors de grandes répressions contre tous ceux qui sont venus ici. Ce sera horrible ».
Pression diplomatique
Les manifestants semblent donc de plus en plus déterminés. Ils sont soutenus, en quelque sorte, par la communauté internationale qui fait pression sur le président Ianoukovitch. Un premier représentant européen arrive à Kiev aujourd’hui. C’est le commissaire chargé de l’Elargissement, Štefan Füle. Il sera suivi en début de semaine prochaine de Catherine Asthon, la chef de la diplomatie européenne, qui s’était déjà déplacée le mois dernier.
La pression diplomatique s’accroît donc sur Viktor Ianoukovitch. Ce dernier s’est entretenu par téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel et a promis au chef de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de ne pas imposer l’état d’urgence.
Face à la montée de la violence, Laurent Fabius convoque l’ambassadeur d’Ukraine ce vendredi à Paris. « J’ai donné instruction au Quai d’Orsay de convoquer aujourd’hui l’ambassadeur d’Ukraine en France, a annoncé le ministre des Affaires étrangères français sur i-Télé. C’est un geste pour montrer qu’il y a vraiment une condamnation de la part de la France. Je suis en contact en particulier avec monsieur Klitschko, qui est l’un des grands dirigeants de l’opposition. Mais les lois qui ont été passées, qui sont extrêmement répressives, vont je l’espère être modifiées. Il faut aussi que le dialogue s’instaure. Quant au Premier ministre ukrainien, le moins que l’on puisse dire c‘est qu’il ne s’est pas illustré positivement ces derniers jours, puisque des ordres de tirer sur la foule ont été donnés, ce qui est évidemment inadmissible ».
Source: RFI