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Tunisie : la santé du président Essebsi, une affaire d’État

Les rumeurs et les bruits les plus fous concernant la santé du doyen des chefs d’État africains montrent combien la question est sensible.

La Tunisie vit un moment particulièrement délicat en cette fin de mois de juin. Presque simultanément aux deux attentats qui ont frappé la capitale ce 27 juin, le président de la République Béji Caïd Essebsi, 92 ans, a été «  transféré à l’hôpital militaire de Tunis  » après avoir été «  victime d’un grave malaise  ». L’annonce a été faite sur la page Facebook de la présidence en début d’après-midi. Presque immédiatement, la rumeur enfle, entraînant une question : le président est-il mort  ? En soirée, le fils du président Hafedh Caïd Essebsi rassure en avouant «  un début d’amélioration de l’état de (son) père  ».

Il n’empêche, l’état de santé du président inquiète de plus en plus. Car la dernière hospitalisation de Béji Caïd Essebsi remonte au vendredi 21 juin, toujours pour un malaise. Il s’était «  soumis à des examens médicaux  », mais son état avait été jugé «  stable  », d’après une déclaration du conseiller présidentiel Firas Guefrech, lors d’une intervention télévisée diffusée vendredi par la chaîne privée Al-Hiwar Tounsi.

Si l’impossibilité de diriger du président se confirme, il pourrait être remplacé par son Premier ministre Youssef Chahed. L’article 84 de la Constitution actuelle prévoit qu’« en cas de vacance provisoire de la fonction de président de la République pour des motifs qui rendent impossible la délégation de ses pouvoirs, la Cour constitutionnelle se réunit sans délai et constate la vacance provisoire, le chef du gouvernement remplace le président de la République  ».

Par contre, en cas de « décès ou d’incapacité permanente ou pour tout autre motif de vacance définitive, la Cour constitutionnelle se réunit sans délai, constate la vacance définitive et en informe le président de l’Assemblée des représentants du peuple, qui est sans délai investi des fonctions de président de la République par intérim, pour une période de quarante-cinq jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus  ». Mohamed Ennaceur – absent des travaux de l’ARP ces derniers temps pour des raisons de santé – serait donc appelé à assurer l’intérim. Cela dit, dans une Tunisie démocratique mais fragilsée par des changements inattendus dans la composition des éléments de sa majorité parlementaire, la question de la santé du président de la République tient une place importante, et cela se comprend.

En 2014, «  aucun signe de fatigue  »

Premier président élu démocratiquement au suffrage universel après l’adoption de la Constitution de 2014, Béji Caïd Essebsi est âgé de 88 ans lorsqu’il devient chef de l’État. À l’époque, l’homme ne montre aucun signe de faiblesse pour son âge. «  Béji Caïd Essebsi, qui fêtera ses 92 ans à l’automne, ne marque aucun signe de fatigue, peut-on lire dans un article du Point publié en mai 2015. «  Il n’a jamais cherché ses mots, et a répondu avec précision à nos questions sans les éluder ni les travestir. […] Il épuise son entourage, enchaîne les dossiers épineux, reçoit beaucoup, lit quatre quotidiens français par jour, s’inquiète des soubresauts de son opinion publique et veut que la Tunisie rattrape d’ici quinze ans les pays développés  », peut-on alors lire.

Des rumeurs incessantes autour de son état de santé

Les rumeurs sur son état de santé n’ont pourtant pas manqué pendant ces quatre années de son mandat. Il y huit mois, le président est interrogé sur son état de santé lors d’une conférence de presse. Sa réponse : «  Ma santé est celle de quelqu’un âgé de 92 ans. Mais, si quelque chose m’empêche un jour de gouverner, je partirai tout seul.  » Deux ans auparavant, son absence lors de la prière de l’Aïd fait du bruit. Le président aurait de graves problèmes de santé. Une rumeur qui avait poussé Adnene Mansar, l’ancien directeur de cabinet de Moncef Marzouki, à demander la diffusion du bilan de santé du chef de l’État.

La même année, Béji Caïd Essebsi profite de la signature de l’accord de Carthage pour régler ses comptes. «  Certaines personnes veulent porter atteinte à la Tunisie, à sa sécurité et à sa souveraineté en affirmant que le président est mort  », avait-il affirmé, avant d’ajouter que l’  » on est tous appelés à mourir un jour  ». Le dirigeant tunisien avait également assuré qu’à son âge il était légitime d’avoir quelques douleurs : «  Moi, à 89 ans, j’ai des douleurs aux pieds et c’est normal. […] Un jour un docteur a dit : Si à ton âge tu te réveilles et que tu n’as pas mal aux jambes, aux bras, aux articulations… c’est que tu es tout simplement mort. »

La santé du président Essebsi interpelle les Tunisiens

Si le sujet est si sensible dans le pays, c’est parce que la santé du chef d’état est indissociable de l’histoire de la Tunisie. Le 7 novembre 1987, après de longs mois de rumeurs sur sa santé déclinante, Habib Bourguiba est destitué. Comment : à la suite de la publication d’un certificat médical signé par sept professeurs de médecine, sur ordre du Premier ministre de l’époque, Zine el-Abidine Ben Ali. Un «  putsch médical  » qui lui a permis de diriger l’état pendant près de vingt-cinq ans. Jusqu’à sa fuite, poussé dehors par son peuple, en 2011.

Source: lepoint.fr

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