INTERNATIONAL – “Covfefe”. Cet étrange mot est désormais connu des internautes du monde entier après que Donald Trump l’a employé mercredi 31 mai dans un tweet on ne peut plus énigmatique: “Despite the constant negative press covfefe”.
Si dénué de sens qu’il a été retweeté plus de 100.000 fois, chatouillant l’imagination et entraînant les interprétations les plus délirantes. Son auteur l’a retiré six heures après l’avoir posté.
Mais en tant que président des États-Unis, Trump a-t-il le droit de supprimer ses tweets?
La question a été posée pour la première fois en janvier 2017 sur “Quora”, plateforme de questions-réponses entre internautes. Carter Moore, ancien collaborateur de membres du Congrès, a répondu que c’était “très peu probable”.
Pour formuler sa réponse exhaustive, il s’en est remis au “Presidential Records Act” de 1978, une loi fédérale adoptée suite à l’affaire du Watergate, et selon laquelle tout ce qui constitue un Presidential record doit être conservé dans les registres présidentiels par la Maison Blanche.
Cette loi s’applique-t-elle aux tweets du président?
Le terme Presidential record concerne les “livres, correspondances, notes de service, documents, papiers, pamphlets, œuvres d’art, schémas, images, photos, cartes, films, enregistrements audio et audiovisuels y compris électroniques et mécaniques, que ce soit sous forme analogique ou digitale (…) créés ou reçus par le président.”
Les tweets de Donald Trump semblent bien constituer des Presidential records: en tant que “correspondances digitales”, indique Carter Moore, ils tombent sous le coup de la loi. Les supprimer serait dès lors une violation, comme l’ont estimé deux sénateurs américains dans une lettre envoyée à la Maison Blanche en mars dernier.
Le site “Mashable” en a traduit un extrait: “Nombre des messages envoyés par les comptes présidentiels peuvent faire partie des registres présidentiels”, expliquent-ils. “Néanmoins, nous avons appris que le président Trump a supprimé des tweets et si ceux-ci n’ont pas été archivés, cela pourrait être une violation du Presidentiel Records Act.”
Qu’en est-il du cas “covfefe”?
Pour supprimer légalement un tweet, toujours selon la définition de Presidential record, Trump devrait prouver que c’est un document “à caractère purement privé ou non public et qui n’a aucun lien ni effet direct sur les fonctions constitutionnelles, législatives, officielles ou cérémoniales du président”.
Une ligne de défense basée sur le caractère du tweet serait, pour Carter Moore, peu probable: le tweet ayant vocation à être vu et partagé, “cela écarte immédiatement la possibilité qu’il soit privé ou non public”.
Pour ce qui est du rapport du tweet aux fonctions présidentielles, il faudrait déterminer le cadre dans lequel le document a été créé. Une mission ardue dans le cas “covfefe”, la signification du terme demeurant pour le moment inconnue et dont seul Trump a le secret.
La raison pour laquelle le tweet a été supprimé reste également mystérieuse, d’autant plus que le président a invité les internautes à “trouver le vrai sens de ‘covfefe'” après l’avoir retiré. Difficile, donc, de savoir si le tweet était censé faire partie du registre présidentiel.
Et les autres publications qu’il a supprimées?
Si le cas “covfefe” ne relève finalement peut-être pas d’une violation de la loi, les suppressions d’autres tweets par le président paraissent illégales. Entre autres, ceux qu’il a posté le premier jour de sa présidence (“Je suis honoré de vous servir, grand peuple américain, en tant que 45e président des États-Unis!”) et lors de sa rencontre avec le président palestinien (“C’est un honneur d’accueillir le président Mahmoud Abbas à la Maison Blanche aujourd’hui.”) s’inscrivaient dans le cadre de ses attributions présidentielles.
Tous les tweets effacés par Donald Trump ont été répertoriés par l’organisme ProPublica et sont donc, d’une certaine façon, préservés. Mais ça ne suffit pas pour être dans le respect du “Presidential Records Act”: la loi stipule clairement que c’est au président de veiller à la conservation des Presidential records.
La seule solution qui reste à Trump pour voir disparaître légalement ses bavures et fautes d’orthographe serait d’en faire la demande à l’Archiviste des États-Unis, chef officiel qui supervise la National Archives and Records Administration.
Source: huffingtonpost