En dépit des résolutions et des bonnes intentions de nos Chefs d’Etat, les perceptions illicites sur nos axes routiers nationaux et internationaux continuent au vu et au su de tous : douaniers, policiers et gendarmes, parfois même des gardes et agents des Eaux et Forêts ne se cachent plus pour soutirer de l’argent aux passagers et aux conducteurs de bus et camions qui sillonnent quotidiennement les corridors Bamako-Dakar-Bamako, en passant par Diboli-Kidira et Moussala Mahinamine. Ce constat amer a été fait par une mission de l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) de l’UEMOA, qui a inspecté, la semaine dernière, ces deux routes.
Comme chacun peut facilement l’imaginer, voyager aujourd’hui du Mali pour le Sénégal, ou dans le sens inverse, ressemble plutôt à un véritable parcours du combattant. En plus de l’état calamiteux de nos routes, ou de ce qu’il en reste, le voyageur est soumis à toutes sortes d’humiliations et de tracasseries de la part de ce que nous appelons « les Forces de sécurité« , à savoir la Police et la Gendarmerie. S’y ajoute la Douane.
Certains agents, appartenant à ces trois services, n’éprouvent aucun respect vis-à-vis du voyageur. A chaque arrêt (et ils sont nombreux), l’on procède au ramassage des cartes d’identité ou des passeports des passagers qui sont ensuite appelés à entrer, un à un, dans le bureau de la police, à titre d’exemple, pour s’acquitter d’un montant qui varie de 1 000 à 2 000F CFA, selon que vous soyez ressortissant ou non d’un pays de l’espace UEMOA. Cela, à chaque poste de contrôle ; et selon l’humeur de l’agent en poste, la durée de l’arrêt pouvant aller jusqu’à 1 heure.
Parfois, pour ne pas trainer aux postes de contrôle, c’est le conducteur ou le convoyeur du bus qui procède lui-même à la collecte du montant réclamé, pour lequel chaque passager doit s’acquitter. Celui qui refuse de s’en acquitter est perçu comme un frondeur qui va mettre en retard les autres passagers. Car même s’il manque 1 000F CFA, le bus est immobilisé jusqu’au paiement du montant manquant.
Une manne perçue illégalement au vu et au su de tous, y compris des hauts responsables des deux pays
Si l’on comptabilise le nombre de cars de transport maliens et sénégalais (11 par jour, dans les deux sens) et le nombre de passagers par bus, ce racket, (en y ajoutant les faux frais auxquels sont soumis les chauffeurs et convoyeurs des quelque 200 camions qui sillonnent ledit axe quotidiennement), est supposé rapporter quelque 20 millions de FCFA par jour à ces agents.
Où va cette manne et comment et entre qui et qui est-elle répartie ? Voilà des questions que toute autorité responsable devrait se poser normalement. Tel n’est malheureusement pas le cas, dans cette situation inédite, où les pauvres voyageurs sont laissés à la merci des agents, assermentés, mais sans foi ni loi.
La semaine dernière, l’on a été témoin, dans le cadre d’une mission de l’Observatoire des Pratiques Anormales de l’UEMOA, de multiples tracasseries de la part des agents susmentionnés, voire par des brigades dites mobiles qui sillonnent le territoire sénégalais.
Sur ces axes routiers et, principalement, aux postes frontaliers, Diboli-Kidira et Moussala-Mahinamine, du côté malien comme sénégalais, l’agent en uniforme se croit tout autorisé, peut-être qu’il l’est avec la complicité tacite de sa hiérarchie.
Il faudrait également souligner que chaque chauffeur de camion (rempli ou vide), malien ou sénégalais, doit se munir, dès le départ, d’une provision, allant de 90.000 à 140.000F CFA, afin de pouvoir s’acquitter des faux frais de route sur ces corridors.
Avec en moyenne quelque 200 camions (sans compter les propriétaires de camions de grands groupes qui ne payent pas sur place, pour avoir certainement négocié et payé de gros montants en d’autres endroits) qui sillonnent quotidiennement ces axes, le calcul est vite fait. En tout cas, après un recoupement auprès des usagers, le montant de ce racket pourrait atteindre quelque 20 millions FCFA par jour.
Une véritable manne prélevée sur le dos des pauvres voyageurs, et cela en toute illégalité, au vu et au su de tous. Y compris de nos Chefs d’Etat qui, d’un sommet à l’autre, ne cessent d’épiloguer sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace UEMOA. En tout cas, sur l’axe Bamako-Dakar-Bamako, la libre circulation des personnes et des biens demeure un mythe.
*De retour d’un déplacement sur le corridor Bamako-Dakar
Source: l’Indépendant