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TRIBUNE : Sous le feu des critiques, la justice vacille

Avant tout, nous voulons que tout le monde sache que notre soutien à la Transition est constant depuis le 18 août 2020. Ce soutien n’est pas complaisant et ne saurait être un blanc-seing. Il découle d’une ferme conviction qu’il faut instaurer une gouvernance vertueuse dans ce pays si nous ne voulons pas que le navire coule plutôt qu’on y croit.

Ce soutien n’est pas non plus motivé par la peur du harcèlement ou de la répression parce que nous sommes dans la posture du cabri mort. C’est pourquoi nous sommes très à l’aise pour dénoncer une situation ou une pratique qui contrarie nos convictions car opposée aux principes de la démocratie pour laquelle des centaines de martyrs ont payé le prix fort.

C’est le cas de la chronique judiciaire marquée ces derniers jours par l’arrestation de deux activistes pour des délits d’opinion. Il s’agit de Sidibé Rokia Doumbia dite «Tantie Rose» qui commence visiblement à être «une menace» pour la Transition au point qu’elle soit arrêtée et emprisonnée à Bollé depuis mercredi dernier (15 mars 2023).  Deux jours avant (13 mars 2023), Ras Bath (Mohamed Youssouf Bathily) a aussi été envoyé en prison après des propos tenus (lors d’une rencontre politique) sur «l’assassinat» de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) alias «Le Tigre», mort en détention le 21 mars 2022.

Ce leader politique (grande figure du mouvement démocratique) a été «assassiné» a déclaré l’activiste qui n’a accusé directement personne, ni aucune institution de la République. Il a surtout reproché aux alliés de l’ex-Premier ministre leur inaction alors que certains d’entre eux participent au pouvoir (CNT). Il faut aussi rappeler qu’avant le Rasta, un éminent magistrat (en disgrâce à cause de cette même affaire) avait déclaré que Soumeylou Boubèye Maïga avait «été ciblé  parce qu’il réclamait un retour rapide des civils au pouvoir alors que les supporteurs de la junte voulaient une transition sans fin».

Une grande partie de l’opinion nationale et des observateurs internationaux assimilent ces arrestations à des tentatives d’intimidation pour museler toute contestation face à la situation du pays qui ne semble pas bouger dans le bon sens pour tout le monde. Nous n’avons presque jamais été sur la même longueur d’onde que Ras Bath. Mais, pour une fois, nous pensons qu’il est victime d’un acharnement. Et cela pour des propos tenus dans un contexte purement politique.

Et comme le disait si bien Ernesto Che Guevara, «on commence à mourir quand on commence à garder le silence face à l’injustice». Nous sommes pro-transition, mais nous ne serons jamais d’accord qu’on utilise la justice pour clouer le bec à tous ceux qui émettent un avis divergent ; pour contraindre ceux qui sont d’un avis opposé à celui des dirigeants à s’exprimer à travers des gourdes. Et surtout qu’au même moment, d’autres marionnettes (supposés activistes ou vidéastes qui monnayent leur soutien à la Transition) continuent impunément à injurier, à vilipender et à vouer aux gémonies ceux qui pensent autrement que ceux qui les payent pour cette basse œuvre.

Quand le principe de l’auto-saisine de la justice donne l’impression d’être la volonté d’un Prince ou d’un régime de faire taire toutes les voix dissonantes ou discordantes, cela ne peut qu’entacher la crédibilité de l’acte et ternir l’image de l’appareil judiciaire. Et surtout que, dans les cas de l’achat des équipements militaires et de l’acquisition d’un avion présidentiel en 2014, c’est ce qu’une grande partie de l’opinion (y compris des magistrats chevronnés) et des observateurs lui reprochent.

Après avoir donné un signe d’espoir au début de la Transition, la justice malienne n’a plus bonne presse au sein de l’opinion. «On t’enferme en prison sans jugement, on te libère sans jugement», déplorait un activiste en s’adressant au chef suprême de la magistrature. Quand on parvient à délier les langues pour que les gens donnent leur avis sur notre justice aujourd’hui, ils disent généralement avoir l’impression que ce sont ceux qui doivent œuvrer pour la manifestation de la justice, qui sont aussi ceux qui en abusent à des fins personnelles ou politiques.

Ce n’est pas en cherchant à faire peur au justiciable ou en terrorisant le citoyen qu’une institution judiciaire peut acquérir ou conforter sa crédibilité. Mais elle doit briller par son impartialité, son refus d’être aux ordres de l’exécutif ou du législatif. Elle doit rassurer et non faire peur parce que celle-ci (la peur) est loin d’être synonyme de respect. Tout comme l’injustice entraîne l’incivisme et peut engendrer la révolte !

Au-delà des campagnes dénigrement et la mauvaise fois de certaines organisations nationales et internationales, force est de reconnaître que la liberté d’expression est de plus en plus compromise dans notre pays.

Et comme s’interroge un leader d’opinion sur les réseaux sociaux, revenant à la mort de Soumeylou Boubèye arraché aux siens il y a un an, «entre interdire l’accès d’un malade à ses médecins, aux soins appropriés et l’assassiner, quelle est la différence» ? Quoi que l’on dise, quelle que soit la répression qui va viser ceux qui disent haut ce que nous autres murmurons tout bas, nous serons nombreux à avoir la mort du «Tigre» sur la conscience».

Pas seulement ceux qui ont fi des alertes de ses médecins et des cris de détresse de sa famille pour bloquer une évacuation sanitaire vitale. Mais, aussi ceux qui ont gardé le silence face à cette violation de son droit par peur, par lâcheté ou à cause d’un quelconque intérêt personnel. Aucun crime ne justifie que l’on puisse priver une personne du droit à des soins appropriés. Ce qui est sûr, chacun répondra un jour de ses actes devant l’Eternel !

Moussa Bolly

Source : La Nouvelle République

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