Retour sur la grande mobilisation des jeunes de la région de Kayes. (Le Front d’Action pour la région de Kayes et le Mouvement « Sirako »)
Les jeunes de Kayes, la première région du Mali, ont manifesté massivement le 23 août dernier pour exprimer leur colère face au calvaire que vivent les populations depuis de trop nombreuses années :
•État de dégradation poussée (pour ne pas dire état de décomposition avancée) de la Route Nationale1 avec de très nombreux accidents mortels et l’allongement de la durée du trajet (trois fois plus de temps) pour relier Bamako à la capitale du Rail.
•L’arrêt du trafic ferroviaire depuis des années avec pour conséquences, l’aggravation de la pauvreté des travailleurs de la Régie de Chemin de fer du Mali et aussi et surtout la misère accentuée pour les milliers de personnes qui vivaient de petits commerces au passage des trains. Des villages entiers se meurent.
•L’aéroport neuf « Kayes Dag Dag » construit avec les fonds publics ne sert plus qu’à parquer ânes et autres troupeaux.
Le 23 août, puis pendant 5 jours, le pays a tremblé alors que s’exprimait la souffrance de toute une région face aux autorités du pays et des élus locaux.
La RN1 est l’axe stratégique d’approvisionnement du Mali en produit de première nécessité en provenance du Sénégal et de la Mauritanie. Le trafic sur cette route a doublé depuis 2012.
En dressant des barricades sur la route, avec le blocage du pont de Kayes, les jeunes du collectif « Sirako » et ceux du FARK, par leur mobilisation responsable, leur détermination, ont contraint les autorités du pays à réagir avec le lancement, le 2 septembre dernier, des travaux de réhabilitation de la Route Bamako – Kati – Diéma – Kayes – Diboli.
Quelle sacrée leçon pour les élus de la première région (députés, maires, conseillers nationaux, conseillers de cercles) qui sont restés sans réaction face au calvaire des populations et la dégradation d’une route qu’ils empruntent eux-mêmes.
La fin du mouvement de colère des jeunes n’est intervenue qu’avec l’entrée en scène du Général Moussa Diawara, Directeur Général de la Sécurité d’État (SE).
La situation de la RN1 interpelle plus d’un, en particulier :
•Les élus de la région de Kayes pour le respect des engagements des autorités.
•L’Union européenne qui a financé cette route avec les fonds publics des citoyens de l’Europe.
Les jeunes ont montré la voie. La victoire, leur victoire, constitue un exemple à suivre pour nos luttes et nos actions futures, collectives et individuelles, pour l’amélioration des conditions de vie des Maliennes et des Maliens.
Un grand Homme visionnaire, le Président Modibo Keita lançait à la jeunesse malienne : « l’avenir de la Nation est entre vos mains. » J’ajoute qu’il faut rompre avec le fatalisme et refuser l’attentisme.
Il est temps que les forces politiques et sociales de gauche maliennes se rassemblent et se mobilisent pour construire une nouvelle alternative sociale, économique, politique et démocratique. Je réitère mon appel du 20 juillet dernier pour la formation d’un Conseil National de la Résistance.
« Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on y arrive » affirmait le grand leader Nelson Mandela.
Les jeunes de la région de Kayes y sont arrivés. Cette victoire en appelle d’autres. Il faut maintenir la pression. Et quel enseignement principal tirer de ces actions autour de la RN1 ? Seule la lutte paie. Rien ne nous sera donné sur un plateau d’argent.
Dans un pays comme la France, un pays que je connais un peu, toutes les conquêtes sociales et démocratiques ont été obtenues de haute lutte. Les grandes réformes sociales, les nationalisations des grandes sociétés capitalistes, la sécurité sociale, la retraite, les congés payés ne sont pas tombés miraculeusement du ciel : elles ont été arrachées par l’action des travailleurs. Ce devrait être pour nous une source d’inspiration.
Bamako, le 23 Septembre 2019
Bassirou Diarra
Officier de l’Ordre National du Mali
Chevalier de la Légion d’Honneur de France.
Source : Info-Matin