Selon le blogueur Issouf Koné, les citoyens doivent miser sur le contrôle citoyen rigoureux de l’action publique.
Soutenir le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) en se focalisant sur les personnes est une erreur. Bien sûr, ceux qui portent ce mouvement ne sont que des humains avec tout ce que cela implique comme attribut. Il ne faudrait pas simplifier les choses en arguant qu’ils ne sont pas mieux que le président Ibrahim Boubacar Keïta : c’est connu et c’est une manière subtile d’essayer de déplacer le problème.
On peut répéter à l’envi que certains leaders du M5-RFP sont aussi des corrompus, des opportunistes. Mais le débat, à mon avis, n’est pas là. La question à se poser est : qu’est-ce qu’ils défendent comme idéaux? L’école est bafouée, la situation sécuritaire est en régression, les milliards du contribuable disparaissent dans les poches d’une minorité gloutonne aux dépens d’une majorité pauvre comme des mouches.
Ne pas se leurrer
Nous devons arrêtez de recentrer le débat sur les personnes. N’attendons point qu’un président soit honnête, mais qu’il soit juste obligé de faire ce pour quoi il a été élu. On vient au pouvoir pour avoir des résultats à présenter aux citoyens. Cette obligation pour le président et ses ministres de défendre l’intérêt commun ne se fera pas sans pression des citoyens.
Certains aussi pensent que le problème de la gouvernance au Mali est d’ordre générationnel. À ce propos, mon avis est le suivant : on ne peut pas faire du neuf avec les mêmes personnes qui, depuis la révolution de 1991, sont aux affaires sans parvenir à grand-chose.
Il ne faut pas se leurrer : même avec de nouvelles têtes, si le peuple ne met pas la pression, rien ne changera. La jeunesse aux affaires sera une solution inefficace si elle est à l’image de ses ainés. Quand Moussa Traoré venait au pouvoir, il n’avait que 32 ans. Pourtant, il n’a pas fait mieux que celui qu’il a destitué.
Mauvaise gouvernance
Feu Guédouma Samaké, soldat sous Modibo Keita qui s’était gendarmé contre le coup d’État de Moussa Traore et l’avait payé cher, écrit dans Le chemin de l’honneur : « À l’indépendance, la classe prolétaire n’était pas mûre pour prendre le gouvernail du bateau. La petite bourgeoisie qui renfermait l’élite, une fois parvenue au pouvoir, honneur, dignité, justice, ces belles vertus qui ont tant de fois retenti au cours des meetings sombreront bien vite dans les ténèbres de l’oubli. Ce n’était là enfin qu’un moyen de parvenir au pouvoir. Une fois ce but atteint, les albatros vont se complaire dans une léthargie insolente, se gavant de gâteaux pour devenir des amas de chair impotente, réfractaires aux critiques, incapables d’autocritique. »
Dans ce livre, il parle d’une époque pourtant antérieure à 1991. Pourtant, quand on lit beaucoup d’intellectuels maliens, on a l’impression que les maux du Mali sont nés avec l’arrivée de la démocratie. Depuis Mathusalem, les pouvoirs essaient toujours de faire passer les intérêts personnels avant ceux du peuple.
Contrôler et interpeller
Le peuple malien doit savoir que même dans la position du gouverné, il a un pouvoir absolu sur celui qui gouverne. Il ne doit point avoir peur de demander des comptes. C’est son droit !
À travers des actions simples, ce suivi de l’action gouvernementale peut être efficace. Accountability Lab Mali, par exemple, a mis en place un projet qui consiste à suivre la manière dont l’argent alloué à la lutte contre la Covid-19 est utilisé.
Il est important de rappeler également un projet de l’Association des jeunes pour la citoyenneté active et la démocratie (AJCAD Mali) : lors des élections présidentielles de juillet-août 2018, elle a soumis aux candidats une convention à signer pour respecter ce qu’ils promettaient de faire une fois au pouvoir ou être interpellés si les promesses n’étaient pas tenues. La majorité des candidats avait refusé de signer à l’époque. Allez savoir pouvoir !
Source : Benbere