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Trafic des ressources minières : L’exportation illégale d’or a privé le Mali de plus 7 milliards de dollars en 2021

Producteur industriel du métal jaune depuis la fin des années 80 avec les mines d’or de Kalana (Yanfolila) et de Syama (Kadiolo), le Mali reste en queue de peloton des pays pauvres. Naviguant entre les 3e et 4e places de producteur d’or en Afrique, le pays tire néanmoins peu de bénéfice du métal jaune, dont la part du lion revient aux sociétés étrangères. Et cela d’autant plus que la transparence est la chose la moins partagée dans ce domaine.

Quelle est la quantité exacte d’or produite au Mali ? Comment cette production est-elle exportée et comment les devises sont rapatriées dans le pays ? Il faut vraiment être un fin limier (enquêteur) pour avoir la réponse à ces questions. Et cela parce qu’elles résument  en partie «l’opacité déconcertante» qui entoure l’exploitation et la commercialisation du précieux métal dans notre pays. Et on ne le dira jamais assez, le Mali n’a aucun contrôle sur cela depuis belle lurette. C’est pourquoi, quoi que l’on dise, l’or ne brille pas et ne brillera pas pour les Maliens de si tôt. Cela d’autant plus que le retour des devises est dérisoire par rapport aux quantités exportées.  A qui profite alors l’or malien ?

Selon «@dixneufsoixante» (un organisme qui œuvre à promouvoir la bonne gouvernance, à faciliter l’accès aux données publiques, à valoriser le Mali et l’Afrique), notre or continue de franchir nos frontières de façon abondante. Ainsi, se référant à des investigations menées par la «Comtrade» (Nations unies), il estime à plus de 7 milliards de dollars (7 311 128 850, soit 4 500 milliards Cfa) la valeur de l’or illégalement exporté en 2021 à partir de l’aéroport de «Modibo Kéita-Sénou». Un véritable trafic organisé par des «intouchables». En effet, en 10 ans seulement estime «@dixneufsoixante», la valeur de 16 500 milliards a été transférée du Mali vers Dubaï sans être documentée dans notre pays. Cet argent, selon des économistes, aurait pu être utilisé pour construire 500 ponts de la dimension du 3e du genre à Bamako, 400 universités, 300 centrales solaires.

Selon les investigations de «Comtrade» (Division de statistique des Nations unies), l’or commercialisé illégalement entre le Mali et Dubaï est transporté manuellement par des coursiers qui convoient en moyenne 10 kilos par voyage. Les vols entre le Mali et Dubaï coûtent environ 500 dollars US, soit l’équivalent de 10 à 12 grammes d’or. Ce qui rend un seul voyage extrêmement lucratif. Sans compter que notre pays ne taxe que les 50 premiers kilos d’or exportés par mois.

Une passerelle entre des pays voisins et Dubaï

Certains trafiquants transportent chaque semaine jusqu’à 40 kilos d’or vers Dubaï. Ce trafic est facilité par la corruption du personnel de l’aéroport, des douaniers et des autorités policières de Bamako. Aux Emirats arabes unis (EAU), les vides juridiques, la faiblesse des procédures d’importation et les pratiques douteuses des acheteurs basés aux Émirats et du Dubaï multi commodities center (DMCC) favorisent ce commerce illégal. Sans compter que les passagers arrivant aux Emirats sont exemptés de déclaration douanière pour l’or transporté en bagage à main. Ainsi, les contrebandiers venant du Mali pour vendre leur marchandise au souk de l’or de Dubaï n’ont qu’à présenter aux acheteurs le formulaire des douanes émiraties qui prouve simplement que «l’or a été déclaré légalement aux fonctionnaires des douanes».

Le Mali sert également de passerelle entre ses voisins (même au-delà) et les marchés aurifères des EAU. C’est ainsi que la Libye et le Venezuela auraient récemment utilisé le Mali comme plateforme pour exporter illégalement leur or vers Dubaï. En 2020, le trafic d’or vers le Mali a apparemment rapporté environ un milliard de dollars au gouvernement de Nicolás Maduro au Venezuela.

«Les groupes armés et les terroristes africains eux aussi utilisent le commerce illégal de l’or avec Dubaï pour financer leurs activités», a déclaré au projet ENACT (Renforcer la capacité de l’Afrique à répondre plus efficacement à la criminalité transnationale organisée), sous couvert de l’anonymat, un expert du commerce de l’or en Afrique. On comprend alors aisément pourquoi en 2021, deux groupes terroristes se sont combattus avec acharnement pour contrôler des sites d’extraction d’or dans la région de Gourma. Selon des experts, les avantages fiscaux offerts par le Mali sont attrayants pour les trafiquants des pays voisins. Ils conseillent donc aux États d’Afrique de l’ouest d’harmoniser leurs politiques et réglementations fiscales relatives à l’or.

En premier lieu, il faudra assurer une meilleure coordination entre les pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), dont n’est plus malheureusement membre. N’empêche que cette coordination priverait les trafiquants de nombreuses voies commerciales existantes. Il serait aussi urgent de résoudre l’épineuse équation de la traçabilité qui n’est pas aisée à cause du caractère informel de l’extraction minière artisanale. N’empêche que, selon des spécialistes en la matière, l’une des solutions serait d’identifier tous les acteurs de la chaîne commerciale.

«Étant donné que la plus grande partie de l’or malien commercialisé illégalement est vendue au souk de l’or de Dubaï, puis acheminée vers des raffineurs et des bijoutiers du monde entier, l’identité des acheteurs devrait être révélée», disent des experts du projet ENACT. «Les partenaires politiques et économiques internationaux devraient faire pression sur les autorités émiraties pour les inciter à plus de transparence à cet égard», souhaitent-ils.

Il faut rappeler que, pour pouvoir exporter de l’or, l’opérateur doit avoir un agrément délivré par le ministère du Commerce. La procédure de demande d’agrément est effectuée à la Direction générale du Commerce et de la Concurrence (DGCC).

Moussa Bolly

Un accès gratuit à des données sur le commerce mondial

Assurant un accès gratuit à des données commerciales mondiales détaillées, «Comtrade» est considérée comme la plateforme de données la plus complète au monde sur le commerce international. Sa base de données regroupe des statistiques détaillées annuelles et mensuelles sur le commerce mondial par produit et par partenaire commercial à l’usage des gouvernements, des universités, des instituts de recherche et des entreprises. Les données compilées par la Division de statistique des Nations unies couvrent environ 200 pays et représentent plus de 99 % du commerce mondial des marchandises.

Les informations peuvent être extraites dans une variété de formats, y compris les outils de développement d’API pour l’intégration dans les applications et les flux de travail de l’entreprise. Les abonnés ont accès à des fonctionnalités supplémentaires pour améliorer l’efficacité et la spécificité.

Pour obtenir des informations et des licences, il faut contacter cette Division de statistique des Nations unies au : souscriptions@un.org

Le Matin
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