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Tombouctou : ces morts dont on ne parle pas

Depuis 2012, mourir d’une balle est presque devenue normal à Tombouctou. Pire, on ne parle jamais de ces morts. Les populations de Tombouctou sont animées d’un sentiment d’isolement.

Il ne se passe une semaine sans assassinat ou tentative d’assassinat dans la ville de Tombouctou ou ses alentours. Dans cette ville, c’est le Far West. On tue sur les routes, en ville et même dans les maisons. Depuis 2012, l’insécurité est devenue partie intégrante du quotidien des Tombouctiens. Ce qui est plus inquiétant, certains habitants dénoncent le silence des autorités. « Ils n’ont qu’à nous dire que le pays est divisé et qu’on doit se défendre nous-mêmes. C’est mieux que de nous faire croire à un tunnel dont les gouvernants, au Sud, bouchent eux-mêmes le bout », s’indigne El Moctar Cissé, un habitant de la ville.

En 2012, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a occupé les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, pendant presque une dizaine de mois. Dans ses revendications, la rébellion accusait le pouvoir d’abandonner et de ne rien faire pour développer et protéger les populations du Nord depuis les indépendances. Sans soutenir cette rhétorique de la rébellion – parce que partout c’est la même situation d’abandon socio-économique­ -, ce sentiment grandit encore plus depuis la reconquête en 2013. Pour beaucoup, le Nord est presque abandonné à lui-même. Nombreux sont ceux qui sont morts, mais dont on n’a plus jamais entendu parler.

Des morts oubliés

Boxeur, un douanier, certainement victime d’un règlement de compte, a été tué en pleine ville, pendant qu’il causait avec des amis dans son grin. Une vieille femme, de retour de son pèlerinage, est morte suite au braquage de son véhicule de transport. Abocar Touré, maire de la commune de Douékiré, est enlevé chez lui par des hommes armés. Ses ravisseurs l’abandonneront après avoir tiré sur lui, et il succombera plus tard à ses blessures à l’hôpital de Tombouctou.

A Tombouctou, la désolation a pris le dessus sur l’espoir. « C’est désolant. On tue, on vole et on viole presque tous les jours, mais personne ne pipe mot. Même pas un petit communiqué à la radio nationale. Alors que tous ceux qui sont tués le sont à cause du Mali pour qui ils travaillent. En ce moment, il ne fait pas bon d’être agent de l’État, car personne ne te protège. », peste Amadou Touré, un habitant.

Vendetta

« Le pouvoir doit réagir, sinon c’est la vendetta qui va s’installer. Nous ne le souhaitons pas. Chacun peut prendre les armes et se défendre. Mais cela ne fera qu’empirer la situation. L’État doit prendre ses responsabilités et arrêter de nous martyriser pour une minorité », s’indigne aussi Abdoulaye Ag Mohamed, qui a échappé à une tentative d’assassinat.

D’aucuns estiment que l’État donne trop de liberté à ceux qui avaient pris les armes contre lui au profit de ceux qui lui sont toujours restés fidèles. « Nous sommes républicains, mais chaque fois qu’on veut entreprendre de se défendre, il y a des émissaires, l’armée se pointe contre nous. Ceux qui ont pris les armes hier sont plus protégés que nous, cela n’est pas normal. On est tous Maliens », s’indigne Mossa Ag Alhassane du cadre des jeunes de Hammabangou.

A Tombouctou, Il y a eu trop de morts dont on n’a pas parlé, beaucoup de familles ont été endeuillées, mais la réaction de l’État est toujours attendue.

Source : benbere

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