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Tiken Jah Fakoly, nouvelle voie

Dans Dernier appel, un huitième album réussi, Tiken Jah Fakoly alterne reggae militant et innovations mandingues plus intimistes. Un savant mélange qui donne à entendre quelque chose de neuf.

tiken jah fakoly artiste ivorien

 

 

En avril dernier, Tiken Jah Fakoly présentait à la presse son Dernier appel dans un foyer de travailleurs immigrés du vingtième arrondissement de Paris. Journalistes et jeunes fans maliens, sénégalais ou ivoiriens se bousculaient dans la pièce à vivre du foyer, coincés entre le bar, une forêt de téléphones portables et plusieurs flippers des années 90. Entre deux photos, Tiken Jah distillait conseils et poignées de mains, plus comme un « tonton » qu’une star planétaire déjà triple Disque d’or…

 

 

Joyeuse et bon enfant, l’ambiance était cependant trop enthousiaste pour entendre distinctement le refrain du morceau Diaspora sur CD, craché par les petites enceintes du bar. « African diaspora, we need you ! », chante Tiken Jah en duo avec Alpha Blondy, l’ex-frère ennemi du reggae ivoirien.« Même si le quotidien de ces jeunes est rude, je veux leur dire que l’Afrique attend beaucoup d’eux, pas seulement côté économique. Il faut s’investir dans la société, aller voter à l’ambassade, faire avancer les choses », explique Tiken.

 

 

Semer

Lui vit à cheval entre plusieurs pays, un peu en France, au nord de la Côte d’Ivoire et beaucoup au Mali, où il s’investit dans un « complexe culturel », basé dans le quartier Niamakoro, à Bamako. Il compte un club, « Radio Libre », un restaurant et un nouveau studio, inauguré pour l’enregistrement deDernier Appel. Au nord de la Côte d’Ivoire, Tiken finance la construction de salles de classes.

 

Mais au-delà des actions pérennes, il sait bien qu’il est une icône pour la jeunesse ouest-africaine. Alors dans un registre plus symbolique, il a consacré une bonne partie de l’année 2013 à la culture de quinze hectares de riz. Sur Facebook, plusieurs photos le montrent sur un tracteur, tout sourire, en train de labourer.

 

 

La récolte a été bonne et qu’importe s’il laisse déjà à son beau-frère la gestion de son champ, Tiken espère que le message est bien passé. « La démarche d’Ali Farka Touré m’inspire. Lorsque que j’ai vu la crise alimentaire et les émeutes de la faim en 2008, j’ai eu un choc. Nous avons beaucoup de place en Afrique de l’Ouest, il y a du soleil et il pleut. Nous avons des bras valides et un exode rural massif. Je veux montrer que l’agriculture n’est pas un métier sale, pour les derniers de la société ».

 

 

Dans Le Prix du Paradis, l’un des meilleurs titres de l’album, Tiken Jah chante : « Aucune moisson ne se récolte, sans que quelqu’un ne l’ait semée / Aucun espoir pour nos révoltes, si personne ne veut les mener ». Co-écrit avec Mike, chanteur du groupe ska Sinsemilia, le morceau conjugue les basses lourdes du reggae aux ornementations de la guitare mandingue et de la kora, avec une énergie rassembleuse.

Racines

 

Est-ce le fait de vivre à Bamako et d’accueillir plusieurs fois par semaine de jeunes musiciens dans son club ? Dans ce septième album, Tiken Jah Fakoly invite une dizaine d’instruments traditionnels dans son reggae : le balafon, la kora, le djembe, le sokou (petit violon), le tama… « J’ai été élevé dans la musique mandingue, explique-t-il. Mon père, comme tous les ressortissants de ma région au nord de la Côte d’Ivoire, n’écoutait que ça. Avant le reggae, j’ai commencé par découvrir la musique plus traditionnelle, et j’en écoute toujours : Babani Cissoko, Oumou Sangaré, Salif Keita, ou Kandia Kora qui m’accompagne sur scène. » 

 

 

Lors de son concert à Odienné, en janvier 2014, c’est Mawa Traoré, une vedette régionale, qui a fait la première partie. Dans Dernier Appel, Tiken Jah tente quelques featuring avec Patrice, Nneka ou Alpha Blondy, mais c’est finalement dans les morceaux les moins tapageurs de l’album qu’il surprend et bouleverse.

 

 

Lorsqu’il reprend Tata (album Cours d’histoire), en acoustique dans la pure tradition mandingue, Tiken Jah se dévoile. Tata fut la mère de sa première fille. C’était il y a 28 ans, Tiken n’était alors qu’un apprenti musicien et il n’avait pas les moyens de demander sa main. Tata l’a attendu dix ans. Cédant à la pression parentale, elle finit par épouser un autre homme. Deux ans plus tard, Tiken Jah apprend son décès. Dans Tata, il demande pardon pour ce qu’il lui a fait endurer.

 

 

Sur Saya, dernier titre du disque, Tiken Jah chante la mort, celle qui a cueilli plusieurs de ses proches et finira tous par nous faucher. On est loin du reggae. C’est presque un blues, un chant mandingue, un ailleurs, qui dévoile que Tiken Jah Fakoly n’est pas qu’un porte-voix : c’est aussi un grand chanteur.

Tiken Jah Fakoly, Dernier Appel (Universal) 2014
Site officiel de Tiken Jah Fakoly
Page Facebook de Tiken Jah Fakoly

Par Eglantine Chabasseur / rfi

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