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Théories et pratiques de l’intégration : Une ébauche

Prolégomènes :

Quelques jours après l’entrée en vigueur (le 01 janvier 2000) de l’union douanière entre les huit pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (U.E.M.O.A), l’euphorie des moments d’annonce fait de plus en plus place à une certaine inquiétude au sein des populations.

Ceci est d’autant plus compréhensif que la communication autour du projet en particulier, du processus intégratif tout entier en général reste largement déficitaire, mais surtout déficient. Or, on le sait, et le projet U.E.M.O.A. et le processus intégratif en Afrique se meuvent et ne se laissent saisir que dans ce que Kamadini a appelé d’une expression très suggestive “la théorie des ensembles et sous-ensembles flous” (1994 :m160 et 163) lors même que Hugon avait déjà mis à jour “les cercles vicieux” de l’intégration régionale africaine (1991 : 73).

 

Dès lors, de graves questions nous interpellent. Quel type d’union veut-on restrictivement créer dans l’espace U.E.M.O.A. ? Intégration politique ? Intégration économique ? Ou intégration méso-économique ? Et selon quelle approche ? Par quelle stratégie réaliser ces types d’intégration ?

I – Archéologie de

la notion régionale :

Cinq remarques s’imposent

dès l’entame :

Primo, la pratique consciente ou non, pacifique ou non de l’intégration politique a précédé celle de l’intégration économique. Aussi est-il logique que les premières tentatives de construction théorique sur la question soient le fait des politologues (Mitrany, 1943 ; Karl Deutsch, 1953 et 1954 ; Lénine, 1917 etc. ) et où d’hommes de sciences et acteurs politiques en Afrique et dans la diaspora comme Du bois, Garvey, Prof Cheick Anta Diop (1948), Dr Kwamé Krumah (1957).

Secundo, post hoc, ergo propter hoc la pratique de l’intégration économique aussi a précédé la réflexion théorique sur la question. Aussi est-il aisé de constater que si la pratique de l’intégration économique est récente, la réflexion théorique en la matière est encore plus récente.

Fritz Machlup montre par exemple dans son index des matières (1976 : 62) qu’aucun ouvrage d’économie internationale antérieur à l’année 1953 ne comporte le terme “intégration économique”.

Tertio, la réflexion théorique sur l’intégration économique est plus avancée en occident, plus précisément dans la théorie néoclassique (Makhtar Diouf, 1984 :28). L’économie marxiste avait trouvé dans le Conseil d’Assistance et d’Entraide Mutuelle (C.A.E.M.) une expérience grandeur nature pour combler son retard. Mais il y a eu la chute du Mur de Berlin.

Quarto, l’Afrique n’a pas chronologiquement accusé de retard en matière de réflexion théorique sur l’intégration économique par rapport au monde capitaliste et à l’ancien bloc socialiste. On peut toutefois noter des lacunes (pour diverses raisons) sur le plan de la profondeur, de l’extension et de la maturité de ladite réflexion théorique.

Quinto, enfin, cette archéologie est partielle (l’Asie, l’Amérique et l’Océanie ne sont pas concernées) et forcement succincte.

1-1-Théories et pratiques de l’intégration en Occident :

On convient d’attribuer le mérite historique de la réflexion théorique inaugurale sur l’intégration économique en Occident à l’universitaire américain. Jacob Viner (1950). Celui-ci avait d’ailleurs exposé sa théorie pour l’essentiel en 1931 dans la Revue suédoise de Banque.

Viner a étudié l’impact des unions douanières sur l’allocation spatiale des ressources et établi que le fonctionnement des unions douanières provoque un effet de production décomposable en un effet de commerce et un effet de réorientation de commerce, à la recherche de l’optimum mondial.

Selon MakhtarDiouf, F.Gechrels (1956-1957), R.Lipsey (1956-1957) et J.Meade (1956) ont tenté d’approfondir cette théorie de Viner par la recherche de l’optimum à l’échelle d’un pays. L’apport vénérien n’a cependant pas manquée de critiques fécondantes. H.G. Johnson (1965) et R.Mundell (1965) ont insisté sur le caractère statique de la théorie des “customs unions” afin d’y introduire une perspective dynamique. Tibor Sitovski a trouvé l’intérêt des unions douanières dans les économies d’échelle (1958).

Mais ce sont Jan Tinbergen (1965), C.P. Kindleberger (1968) et BelaBelassa (1961, 1965, 1947, 1976, 1978, etc.) qui ont reformulé la théorie vénérienne de l’intégration économique (Diouf, 1984 :38-40). Leur relecture a beaucoup informé l’expérience la plus avancée aujourd’hui d’intégration par les marchés (l’Union Economique Européenne). Cette expérience a nourrit une prodigieuse production théorique, intégrant la mondialisation de l’économie, la globalisation financière et la disparition du C.O.M.E.C.O.N.

1.2 Théories et pratiques de l’intégration dans le C.A.E.M. :

La théorie marxiste de l’intégration économique avait pris un certain retard sur la théorie néoclassique. Cependant la construction de l’U.R.S.S.,surtout du C.O.M.E.C.O.N., et les travaux de pionniers comme Imre Vadja et des continuateurs ont donné corps et esprit à une théorie communiste de l’intégration économique.

Ce fait s’explique par le fait que Marx n’a pas laissé une théorie du commerce international et que Lénine accordait pas plus d’importance aux mouvements des capitaux qu’à ceux des marchandises. C’est donc Vadja qui fut l’auteur de la première tentative de théorisation marxiste sur l’intégration économique (Diouf, 1984 ; p.44). Vadja admet la théorie des avantages comparatifs, l’explique par des facteurs naturels et l’organisation concertée de la production et la trouve compatible avec la construction du socialisme (1965 ; 254). Mieux, il discrimina “l’intégration du marché” et “l’Intégration de la production et du développement” (1971, 24-44).

Et depuis, d’autres chercheurs marxistes de l’U.R.SS, de la Hongrie, de l’Allemagne de l’Est etc., mais aussi du mouvement communiste international et de la science économique ont adopté l’intégration par la production comme “une étape nécessaire dans le développement actuel des forces productives” (Maksimova, 1975), une stratégie de construction du socialisme, de consolidation du C.O.M.E.C.O.N et de développement déconnecté de l’Afrique (Diouf, 1984, 239-259).

1.3. Théories et pratiques de l’intégration en Afrique :

L’Afrique n’a pas connu de retard sur les mondes capitaliste et socialiste en matière de théorie économique sur l’intégration. Mieux, elle a une certaine avance sur Imre Vadja “pionnier en matière, en Europe de l’Est” (Diouf, 1980 : 100), voire sur les travaux de Jacob Viner, du moins au regard de l’année retenue comme début de la théorie économique néoclassique sur l’intégration.

Six sources ont alimenté en Afrique la théorie économique sur l’intégration. Le courant panafricaniste (Kassé, 1991 :47) a porté essentiellement la réflexion sur l’identité historique, raciale et culturelle, l’argumentaire pour l’unité et pour la libération nationale.

Ensuite, la contribution théorique de la “toile d’araignée” (Gaye, 7986 :16) des organismes intergouvernementaux (O.I.G) africains à travers des études, colloques etc., a fait avancer la recherche et la réflexion sur la question. Puis, à côté, complémentairement et/ou parallèlement à cela, la contribution des Institutions et Organismes du système des Nations Unies, de BrettonWoods, de la Francophonie, de l’Union Economique Européenne a été significative. La recherche universitaire aussi par de nombreux mémoires, rapports, thèses et autres publications scientifiques, des rencontres, etc., a animé, renouvelé et continue d’animer et de renouveler la théorie économique sur l’intégration.

Tout ceci a été également orienté et nourri par les envolées généreuses, apparemment utopiques et souventes fois différentes et/ou divergentes des hommes d’Etat et leaders politiques africains et/ou noirs comme Henri Sylvester Williams, Williams E. Burghart Du Bois, Marcus Garve, Jean Price Mars, Edward Wilhemot Blyden, Tovalou Houenou Quenum, RenéMaran, Louis Hunkarin, Lamine Senghor, GarangKouyaté, Jomo Kenyatta, Nandi Azikwe, Kwamé Nkrumah, Cheikhs Anta Diop, Barthélémy Boganda, PatriceEmery Lumumba, Haïlé Sélassié, etc. Enfin l’apport théorique des acteurs organisations et partis politiques, mouvements étudiants et culturels, syndicats et autres groupements reste fondateur. Ceux-ci ont posé des actes fondamentaux : Congrès, festivals, conférences, jeux, manifeste etc.

Par ailleurs, il faut noter qu’avec la création de l’O.U.A et des O.I.G. africains, on a assisté au triomphe des Etats-Nations et de la simple coopération entre elles. Les modalités de ce triomphe sont : le primat de l’économique sur le politique dans les débats et démarches unitaires : l’abandon des concepts “panafricanisme” et “Unité africaine” pour celui de “l’intégration économique” ; la priorité accordée aux préoccupations économiques des regroupements et O.I.G multisectoriels et techniques sur la vision continentale, géographique et raciale, etc.

Il faut, ensuite, remarquer que l’intégration par les marchés est le paradigme dominant jusqu’ici dans les théories et pratiques de l’intégration en Afrique. Présentement, le plan de Lagos (1980) dévoile quelques intérêts pour la planification et l’intégration par la production. Certains O.I.G surtout techniques, intègrent par la production. Par ailleurs dans les débats et la recherche sur l’intégration africaine, un courant de pensée, fécond et fécondant existe en faveur de l’intégration par la production (Diop.ch.A.1960, Nkrumah 1963, Diagne Pathé 1972, Diouf Makhtar, 1977, 1979, 1984, 1990, Guissé Mb.Y.1980, 1988, l’essentiel de la production théorique de Samir Amin etc.)

Enfin, on peut en Afrique distinguer l’intégration verticale, entre anciennes métropoles et anciennes colonies (Francophonie, Eurafrique, Commonwealth, etc…) et l’intégration horizontale entre pays africains. Les formes de ces deux modèles d’intégration sont variée et diverses.

II- La typologie de l’intégration régionale en Afrique

Or donc, l’intégration régionale est aujourd’hui une mode et un impératif, lors-même qu’elle se conçoit et se pratique différemment. En effet, l’analyse des phénomènes intégratifs peut se faire sous divers angles. Le Professeur Panayotis Soldatos en dénombre cinq : normatif, historico-politique, juridico-institutionnel, scientifique (“scientifique Approach”) d’inspiration anglo-saxonne et marxiste.

Cependant on convient généralement de dire qu’il existe deux types d’intégration “politique” et “économique” (Diouf, 1984 : 17-18). Récemment, le Professeur KiZerboa identifié chez Monsieur le Professeur Cheikh Anta Diop une triple dimension de l’intégration : “Historio-culturelle ou verticale”“spatiale et économique ou horizontale”et “sociale ou organique”. (Ki-Zerbo, 1990). Plus récemment encore, KamadinS.Ouali a systématisé un type d’intégration qu’il a qualifié de “méso-économique” (1994). Sélectivement, traitons ici des intégrations politique, économique et méso-économique.

2.1. L’intégration politique :

Les politologues en développent deux approches (Diouf, 1984 ; Gaye, 1984). La première dite fédéraliste. Elle implique un abandon de souveraineté en faveur d’une autorité supranationale des Etats fédérés et se matérialise à deux niveaux. Au niveau national il existe des fédérations d’Etats unitaires (U.S.A., Suisse, Russie, Nigéria, etc.), cependant qu’au niveau international, on peut discriminer deux modalités : la fédération d’Etats et la confédération d’Etats.

Dans la fédération, c’est l’Etat fédéral Unitaire qui est reconnu par le Droit international tandis que dans la confédération, ce sont les Etats Fédérés qui sont des sujets du Droit international.

La seconde approche de l’intégration politique est dite pluraliste. Elle est fondée sur l’Etat-Nation. Ces Etats-Nations souveraines coopèrent mais gardent la plénitude de leur souveraineté (O.N.U., O.U.A., etc.).

2.2. L’intégration économique :

Pour Makhtar Diouf, elle accorde “le primat aux facteurs économiques pour expliquer la nécessité de l’intégration” (1984 :18). Moussa Diakité y voit “à la fois une stratégie et une méthode d’action permettant de concevoir et de mettre en œuvre dans un cadre institutionnel convenu entre plusieurs Etats, une série de politiques communes de développement et de croissance ainsi que de défense et de paix… Elle doit aussi conduire à la réalisation progressive de l’union économique et monétaire en vue de l’objectif final qui est l’unité politique sous forme confédérale ou fédérale des Etats engagés ; L’intégration économique est moins une doctrine qu’une approche alternative rationnelle dans le développement solidaire pouvant revêtir évidemment des formes multiples avec des modalités d’application variées. “ (Diakité, 1997 :11).

Cinq stratégies de réalisation sont traditionnellement dégagées pour l’intégration économique : Zones de préférences douanières, zones de libre-échange, union douanière, marché commun et union économique (Diouf, 1984, Diakité, 1997).

Selon leurs objectifs et finalités dans le processus intégratif, ces stratégies peuvent se classer en deux phases (Tinbergen, 1965 : 57 et Pinder, 1968 : 90-91).

La première est l’intégration négative. Pour Tinbergen, elle vise à réduire les obstacles au commerce international en vue d’obtenir des prix uniformes et une meilleure division du travail. Pinder considère que l’intégration négative vise l’éradication des obstacles tarifaires et non-tarifaires aux échanges des biens.

Dans cette phase négative, nous classons les deux stratégies suivantes : les zones de préférences douanières et les zones de libre-échange. Il faut entendre par zones de préférences douanières, l’abattement et non la suppression des droits de douane entre les Etat-membres, applicables aux produits originaires de la zone. Les produits originaires d’un pays-tiers sont soumis au régime tarifaire de choix des pays membres. La zone de libre échange ou l’ouverture des marchés, cherche à supprimer de manière progressive les barrières tarifaires et autres à la libre circulation des marchandises et des capitaux. Dans cette optique l’instauration du marché unique va entrainer la concurrence pure. Toutefois, chaque pays reste maître de sa politique douanière avec un pays tiers.

La deuxième phase de l’intégration est a contrario positive. En effet, l’intégration positive vise selon Tinbergen à éviter toute distorsion au mécanisme de libre échange par la mise en œuvre des institutions nouvelles et approches (redistribution des revenus entre nations, régulation des marchés instables, etc.).

Pinder, lui, y voit la mise en place d’une politique commerciale extérieure coordonnée ou commune ; la libre circulation des personnes, des services et des capitaux, la liberté d’établissement ; l’adoption de diverses politiques communes, harmonisées ou coordonnées ; la monétaire commune et l’établissement d’une monnaie commune, enfin l’unification des politiques communes.

Nous classons dans l’intégration positive les stratégies ci-après : l’union douanière, le marché commun et l’union économique. L’union douanière reconduit le désarmement douanier comme dans la zone de libre-échange mais avec une mesure supplémentaire : l’instauration du Tarif Extérieur Commun (T.E.C.) sur le commerce avec les pays-tiers (Diouf, 1984 :23). Elle induit un abandon complet de souveraineté en matière de politique commerciale et douanière et un abandon partiel de souveraineté en matière de fiscalité frappant les produits importés (Diakité, 1997). Le marché commun procède de l’union douanière et précède l’union économique. Selon Moussa Diakité, il se caractérise par la réalisation du marché unique intégré entre les pays membres au moyen de la libre circulation de marchandises originaires de la zones et le T.E.C.

Source: Aujourd’hui-Mali

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