Le scrutin du 6 mai présente une configuration inédite dans ce pays d’Afrique centrale, voire sur le continent: Mahamat Déby, proclamé chef de l’Etat par l’armée il y a trois ans, affronte le Premier ministre qu’il a lui-même nommé le 1er janvier dernier, l’ex-opposant Succès Masra.
Et huit autres candidats qui ne pourront glaner que les miettes. Parce que la junte a violemment muselé et réprimé toute opposition, parfois dans le sang, et que les rares véritables opposants ont été invalidés par la Cour constitutionnelle.
Les détracteurs du pouvoir militaire dénoncent inlassablement la “trahison” de M. Masra, qu’ils accusent –comme nombre de politologues– d’avoir conclu un marché avec M. Déby pour continuer de se partager le pouvoir: l’un assuré d’être élu, l’autre de rester chef du gouvernement.
Un ticket que M. Masra présentait, en annonçant sa candidature, comme celui des “pilote et co-pilote” d’un avion en vol “vers la démocratie”. Mais depuis peu, certains observateurs le perçoivent comme un potentiel trouble fête qui pousserait au moins le général Déby vers un second tour.
– Foules –
Car, M. Masra, économiste de 40 ans, prend de l’assurance au fil d’une campagne rassemblant des foules importantes, notamment dans le sud d’où il est originaire, fief de l’opposition chrétienne et animiste à un pouvoir dominé politiquement et économiquement par des clans du nord arabo-musulman depuis plus de 40 ans.
“Je suis candidat à être le pilote principal”, clame-t-il lundi dans un entretien avec l’AFP et le quotidien français La Croix à Moundou, la principale ville du sud où il a drainé dimanche une véritable marée humaine. “Nous nous acheminons sans doute vers une victoire au premier tour”, veut croire l’ex-farouche opposant à la “dynastie Déby”.
Alors jeune général de 37 ans, Mahamat Déby a été proclamé par l’armée président à la tête d’une junte de 15 généraux le 20 avril 2021 au lendemain de la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front après avoir dirigé le pays 30 années d’une main de fer.
M. Masra promet de “réconcilier les Tchadiens et les Tchadiennes, de panser les plaies”, notamment en convoquant, s’il est élu, “une commission Vérité et Justice”, “pas seulement” pour la transition du général Déby “mais surtout la période depuis l’indépendance” du Tchad de la France en 1960.
Il veut “faire en sorte que ce Tchad soit un Tchad sur ses deux jambes”, avec “une dimension sécuritaire et une dimension développement”, un “Tchad dans lequel civils et militaires, chrétiens et musulmans, hommes et femmes, jeunes et vieux (…) travailleront ensemble”.
Le général Déby “et toute son équipe, auront leur place à mes côtés en tant que chef de l’Etat”, promet-il.
Source : AFP