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Tchad: des initiatives pour une bonne hygiène des aliments de la rue

Au Tchad, de nombreuses personnes aiment manger dans des restaurants de fortune installés en plein air le long des artères. Mais la nourriture vendue, exposée à la poussière et aux microbes, peut nuire à la santé. Ces derniers mois, des initiatives sont lancées par diverses organisations pour promouvoir une bonne hygiène des aliments de la rue.

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Sur la voie de Contournement, dans le 6ème arrondissement de N’ Djaména, où une entreprise de travaux publics chinoise vient de terminer deux échangeurs, les vendeuses de nourriture sont alignées à la tombée de la nuit. “Maman Bibi”, l’une d’elles, s’ active à servir des clients assis à sa table. Du riz aux légumes ou à la sauce poisson, des haricots, des pâtes alimentaires appelés “macaroni” ou “spaghetti”, le menu est toujours le même.

Dans ces restaurants bon marché, appelés communément “tourne- dos”, les clients mangent en plein air, souvent sans se laver les mains et dans les mêmes plats ayant servi à d’autres puis rincés dans la même eau.

“Maman Bibi” se dit “obligée” de faire tourner un “tourne-dos” pour subvenir aux besoins de sa famille, après le décès de son mari il y a cinq ans. Comme cette mère de six garçons, la plupart de ces restauratrices de fortune sont les piliers de leurs ménages.

“Mon mari est un militaire à la retraite, et je dois vendre de la nourriture pour payer le loyer de notre petite maison et la scolarité de nos quatre enfants”, confie Mme Marthe Djénom, la voisine de “Maman Bibi”.

Les clients des “tourne-dos”, eux également, sont démunis et disent n’avoir pas le choix. “Avec 300 F CFA (0,60 USD), je peux manger un plat de haricots ou de riz à l’oseille et prendre un petit gobelet de bouillie; c’est ma ration journalière”, explique Marc, un jeune vendeur de cigarettes et de kolas à la sauvette.

“Je ne suis pas un boss. Mes maigres recettes journalières ne me permettront jamais de m’offrir un poisson braisé ou une aile de poulet”, ajoute le jeune homme, avec un petit sourire. Contrairement aux petits gens, les “boss”, comme l’appelle le jeune Marc, ont leur “tourne-dos” où ils viennent déguster une carpe ou un poulet bien garni et siroter une bière.

“De nos jours, tout a changé et les gens préfèrent beaucoup plus les produits ou aliments prêts à consommer sans même chercher à savoir leur traçabilité, ni leur composition. Ils consomment les aliments de la rue sans prendre des précautions contre le danger que représentent l’épidémie de choléra, la typhoïde et autres maladies des mains sales”, constate Dr Abdelsalam Tidjani, enseignant-chercheur, nutritionniste, spécialiste en microbiologie et sécurité alimentaire.

Si les aliments de la rue peuvent apporter beaucoup pour la santé du consommateur, en termes d’équilibre nutritionnelle, comme aliments énergétiques, constructeurs et protecteurs, Dr Tidjani déplore “les conditions qui entourent leur préparation, conservation et vente”.

La plupart des “tourne-dos” ouvrent en plein air, en bordure des rues fréquentées par les engins à deux ou quatre roues qui soulèvent la poussière ou dégagent la fumée. Les aliments y sont exposés sans la moindre précaution, à proximité d’un caniveau, de latrines ou d’un tas d’immondices dont regorge N’Djaména.

“Les aliments de la rue sont devenus un problème de santé qui se pose avec acuité même si certains hôtels et restaurants observent quelque peu les règles d’hygiène à la limite de l’acceptable”, reconnaît également Padeu Gao Djedda, chef de service de l’assainissement et de la santé à la mairie de N’Djaména.

Longtemps plongé dans l’inertie faute de moyens, son service vient de reprendre le contrôle de la qualité des aliments vendus. “Nous projetons une mission de contrôle des denrées préparées, conservées et crues car, les marchés sont inondés d’aliments qui ne respectent pas la moindre règle élémentaire d’hygiène”, ajoute M. Gao Djedda.

Selon le responsable de l’assainissement, il appartient à la mairie de faire la sensibilisation pour que la population change de comportement. Mais ce travail de sensibilisation exige des moyens roulants et des ressources humaines dont la mairie ne dispose pas actuellement: les techniciens, qui travaillent actuellement dans ce service, ont tous au-delà de 55 ans; et beaucoup ont, par ailleurs, abandonné leur poste au profit d’autres opportunités beaucoup plus rémunératrices.

“N’Djaména compte 10 arrondissements et travaille avec 9 techniciens. Que peut faire un seul technicien dans un grand marché comme le marché à mil?”, s’interroge-t-il.

A l’instar du service de l’assainissement et de la santé de la mairie, le Centre National de Nutrition et de Technologie Alimentaire (CNNTA) peine à assumer sa mission: coordonner toutes les activités liées à l’alimentation et à la nutrition, de contrôler la qualité des aliments et effectuer des recherches dans le domaine de l’alimentation nutritive et de la technologie alimentaire.

“Le contrôle des aliments est une activité multi disciplinaire et multi sectoriel”, Himeda Maklouf, responsable adjoint du CNNTA. Selon lui, il est difficile de réunir tous les cadres concernés au même moment et de descendre sur le terrain pour effectuer un travail.

“Des difficultés d’ordre matériel limitent aussi le centre, car, il existe des choses qu’on peut, certes, observer à oeil nu, mais d’autres nécessitent des appareils et des laboratoires requis pour produire des résultats de qualité”, précise-t-il par ailleurs.

Autant de difficultés que rencontre également le Centre de contrôle de qualité des denrées alimentaires (CCOQDA), logé dans un grand bâtiment flambant neuf dans le 6ème arrondissement de N’ Djaména. Après quelques réglages, le Centre a commencé à imprimer ses marques, en formant des techniciens qu’il déploiera bientôt sur le terrain pour aider la population à se mettre à l’abri des intoxications alimentaires.

C’est dans ces conditions qu’une équipe pluridisciplinaire de chercheurs nationaux ont élaboré et soumis au gouvernement un Projet de recherche et d’accompagnement pour la salubrité des aliments de la rue (Prasar) que coordonne M. Abdelsalam Tidjani.

Lancé en janvier 2013 et financé à 100% par l’Etat tchadien, le Prasar multiplie les campagnes de sensibilisation et de formation des vendeurs sur les bonnes pratiques d’hygiène.

L’objectif est, selon M. Tidjani, de doter le Tchad d’une Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments. “Dans la même perspective, on aura besoin également d’une agence d’inspection qui nécessite de ressources humaines de grande qualité”, ajoute-t- il.

Pour le coordonnateur du Prasar, il n’est pas question de faire de la répression pour amener les gens à changer de comportement. Il veut continuer à sensibiliser les vendeuses et les amener à comprendre qu’on ne vend pas les aliments à même le sol, car les virus et les bactéries n’ont pas de frontières.

“Comme disait le père de la médecine: “que ton aliment soit ton médicament et que ton médicament soit ton aliment”, car il n’y a pas de médicament susceptible de changer les effets bénéfiques des aliments lorsqu’ils sont fournis dans de bonnes conditions”, conclut Dr Tidjani.

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