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Tata de Sama : SUR LES VESTIGES D’UN BERCEAU DES TRAORÉ

Le village de Sama fut jadis une localité emblématique du centre de notre pays. Situé dans la commune rurale de Djéli (Cercle de San), le village était protégé par un mur fortifié. Ce «Tata» permettait aux  habitants de résister aux agressionsdes envahisseurs

Saviez-vous que dans notre pays il existait un «Tata» différent celui de Sikasso ou de celui de Koniakari (en 1ère Région) ? Peut-être pas. Car autant la muraille de protection de la capitale du Kénédougou est célèbre, autant celui de Sama a besoin de se faire connaître du grand public. Cette situation s’explique par le simple fait que l’histoire du village de Sama demeure méconnue de la plupart de nos compatriotes. Cette lacune est en passe d’être corrigée grâce à l’engagement des filles et des fils de ce terroir situé dans la commune de Djéli, cercle de San.
A juste raison, la richesse de notre histoire et de notre culture est souvent évoquée dans les chants populaires et même dans les conversations de tous les jours. Le cas du village de Sama en est une illustration parfaite. L’histoire de ce village constitue une page de notre passé commun à faire connaître aux générations actuelles et futures.
La diversité est certes une valeur qui fait le charme de notre pays. Mais si les différents pans de cette diversité ne sont pas mis en lumière, ils ne seront pas connus du public et ne pourront pas servir de ciment pour notre vivre ensemble. Si c’était le cas, ce serait dommageable, surtout en ces temps de crise dans notre pays où la cohésion nationale est en train de se remettre difficilement des coups de boutoir des séparatistes et autres obscurantistes qui prétendent défendre une religion.
C’est dans l’esprit de porter leur histoire à la connaissance de nos compatriotes et même au-delà que les Traoré des villages de Niamana, Sama et Massomana Marakasso se sont organisés pour mettre en lumière ce «Tata», un des vestiges d’un passé qui mérite d’être conté. L’idée est de mieux faire connaitre cette histoire qui a façonné le tissu social de la contrée et qui mérite d’être inscrit dans le patrimoine culturel national. De nombreuses boutades, expressions imagées, proverbes, puisent leurs origines dans les faits et gestes des illustres ancêtres.
En voulant porter la lumière sur leur histoire, il ne s’agit nullement, pour ces Traoré, d’un combat d’arrière-garde aux relents identitaires, communautaristes ou même sectaires. Bien au contraire, l’objectif est de présenter un épisode important de l’histoire du pays, afin qu’il puisse contribuer à l’édification de notre identité commune.
Les festivités ont débuté samedi 24 mars 2018 et se sont étalées sur 3 jours. Le coup d’envoi a été donné dans le village de Niamana dans la commune de Djéli. Ce jour-là, comme si le ciel avait décidé de couvrir les activités de sa félicité, la canicule avait fait place à un temps particulièrement doux. Ce regroupement communautaire voire familial qui se déroule tous les deux ans, a donc démarré sous de bons auspices. Visites de sites historiques et échanges avec les anciens ont meublé le programme du village de Niamana. Ces échanges et ces visites permettent aux plus jeunes de découvrir leurs origines et aux moins jeunes de se ressourcer sur les traces de leurs ancêtres.

L’appel d’un muezzin invisible. Les participants se sont ensuite transportés dans le village de Sama. C’était sous la conduite du patriarche El hadj Karim Traoré. Cette localité est aussi un berceau des Traoré de la contrée. Justement, les origines des Traoré de Niamana se trouvent dans le village de Sama, une localité qui abritait de nombreux érudits dans la théologie islamique et d’autres personnages emblématiques.
A l’époque, tout comme aujourd’hui, une entité territoriale devait être capable de se défendre contre les envahisseurs. Les dirigeants de cette localité en étaient parfaitement conscients. Voilà pourquoi ils ont tout mis en œuvre pour assurer la défense de leur territoire. Ils avaient fait de Sama une forteresse quasiment imprenable grâce à la construction d’un mur fortifié qui le protégeait contre les agressions. Cette fortification appelée «Tata» permettait aux défenseurs de la localité de résister farouchement à des hordes d’assaillants qui voulaient l’envahir. Les vestiges de la fortification sont encore visibles tout autour du village de Sama.
Le royaume pouvait mobiliser plus de 1800 guerriers pour sa défense. Spécificité majeure : cette infrastructure de défense était construite de manière à permettre aux défenseurs de contre-attaquer pour mettre les assaillants en déroute. Elle comportait également des abris fortifiés où la population civile pouvait se mettre hors de danger en attendant la fin des combats.
Mais les capacités de défense de la capitale ne suffirent pas à empêcher les Almoravides de l’envahir. Les envahisseurs Almoravides ont déferlé sur une bonne partie du Maghreb (Maroc, l’Ouest de Algérie) et sur l’Ouest africain au sud du Sahara entre le XIe au XIIe siècle. Il s’agissait d’un mouvement religieux musulman malékite, qui donna naissance en second lieu à une dynastie dont les origines se situaient dans l’Adrar mauritanien.
Le mouvement a assis sa domination en réduisant les pouvoirs locaux et en s’emparant de diverses principautés. Il fut notamment à l’origine du déclin de l’empire du Ghana. Selon les témoignages des anciens, les Almoravides se sont emparés de Sama un vendredi au moment de la prière. Tous les fidèles musulmans qui se trouvaient dans la mosquée furent tués. L’imam Sina Bagayoko témoigne que, même aujourd’hui, l’on entend l’appel d’un muezzin invisible dans cette mosquée. Il affirme que c’est surtout fréquent au moment de la prière de l’aube et celle de 13 heures. Cette mosquée ainsi que l’ensemble des vestiges du royaume sont des endroits touristiques à valoriser, protéger et promouvoir.
Après l’épisode sanglant de la défaite contre les Almoravides, le royaume de Sama a dû encore faire face à d’autres envahisseurs. Le conquérant Sony Ali Ber aussi a attaqué la ville. Les envahisseurs ont bénéficié de l’effet de surprise et ont réussi à pénétrer dans la ville. Ils ont investi dans un premier temps la mosquée qui était située en dehors du « Tata » à l’Est. Sentant la chute de sa capitale, le roi de Sama a pris la fuite en compagnie de sa favorite, abandonnant derrière lui une autre épouse qui attendait un enfant. Cette dernière s’est aussi enfuie et a trouvé refuge auprès des bûcherons, c’est-à-dire les Konaré. Ces derniers étaient épargnés par les chefs de guerre parce qu’ils fabriquaient les armes. Une semaine après son arrivée chez les bûcherons, la femme enceinte donnera naissance à un garçon. Les Konaré lui donnèrent le nom « Dougoukolo », le descendant des Traoré. Lorsque « Dougoukolo » atteignit la majorité, il fut aidé par les Konaré pour s’installer non loin de son village d’origine Sama près d’un puits sacré qui continue d’émerveiller les populations.
«Dougoukolo » fonda une famille. L’un de ses fils, féru de chasse, a fini par s’installer à Niamana. El hadj Karim Traoré, chef traditionnel des Traoré de Niamana et de Sama, explique comment ce prince de Sama, l’ancêtre des Traoré, prit ses quartiers à Niamana. Le prince en se rendant à la chasse, disait toujours qu’il partait dans la broussaille en bambara «Niamana». Il aimait bien chasser dans cette zone qui deviendra le site de Niamana parce que l’endroit était giboyeux. En plus, il y avait l’existence d’une mare. Séduit par les richesses naturelles de son lieu de chasse, le prince finira par s’y installer et l’endroit prendra naturellement le nom de Niamana comme il aimait à l’appeler.
Niamana, selon le chef traditionnel des «Traoré», fait partie des Massadougou. L’on apprendra aussi par la suite que tous les «Niamana» trouvent leur origine à Niamana Bendougou où vit El hadj Karim Traoré. En plus du rappel de leur histoire, les Traoré ont profité de l’occasion de cette rencontre pour mettre en relief certaines pratiques ancestrales, notamment le système éducatif, le mariage, le baptême et d’autres rites. Afin de faire connaître davantage le « Tata » de Sama, l’un des vestiges historiques du pays, les Traoré ont entamé des démarches auprès du ministère en charge de la Culture pour son inscription au patrimoine culturel national. L’aboutissement de cette démarche permettra de promouvoir ce site historique et d’en faire un lieu touristique. De quoi ajouter une ligne à la longue liste des endroits pittoresques de notre pays qui valent le déplacement.

Envoyée spéciale
Mariam A. TRAORÉ

 

Source: Essor

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