Le Président du CNID Faso Yiriwa Ton, Me Mountaga Tall, a respecté la tradition en présentant ses vœux à la presse nationale. Au cours de cette cérémonie, le leader du Parti du Soleil levant a déclaré qu’un procès serait l’occasion pour l’ex Président ATT de dire aux Maliens ce qui s’est passé pour que le Mali tombe aussi bas et pour donner sa part de vérité dans cette affaire. Auparavant, il avait prononcé un important discours, dont nous vous proposons l’intégralité ci-dessous.
Monsieur le Président de la Maison de la Presse;
Mesdames et messieurs les représentants des associations des média publics et privés
Mesdames et messieurs’ les directeurs et représentants des organes médiatiques écrits et audiovisuels, national, régional, local et international
Au seuil du nouvel an de grâce 2014, je viens, sans le sentiment de sacrifier à une tradition servile parce que coutumière, vous présenter mes sincères vœux de bonne et heureuse année 2014.
Ces vœux s’adressent à vos familles, à vos proches et bien évidemment aux organes de presse que vous représentez.
Aux serviteurs dévoués de la République que vous êtes, je redis mon plaisir et mon intérêt d’être avec vous afin de jeter un regard rétrospectif sur l’année qui vient de s’écouler et un autre regard, cette fois ci prospectif sur celle qui commence.
Mesdames, Messieurs les journalistes,
Appréciera‑t‑on jamais suffisamment la valeur du témoignage et l’audace pour ne pas dire la témérité de votre engagement qui va jusqu’au sacrifice ultime du don de sa vie. J’en veux, pour preuve magistrale l’odieux assassinat de vos deux confrères de RFI à Kidal, Ghislaine DUPONT et Claude VERLON.
Devant vos collègues tombés sur le front de la démocratie, avec comme seule arme une plume, un micro ou une caméra notre parti s’incline pieusement.
Les journalistes maliens, imbus de la haute mission qu’ils ont à remplir en ce qu’ils s’efforcent de diffuser l’information sans laquelle notre idéal de société démocratique confinerait à une lamentable utopie ont eux aussi payé un lourd tribut ces dernières années.
En ces lieux, le 11 janvier 2010, je me réjouissais avec vous en ces termes : « Notre pays le Mali, fort heureusement occupe une place honorable dans le Baromètre mondial de la presse. En effet, dans ce classement qui concerne le monde entier, le Mali occupe la 33e place sur 179 pays classés et au niveau africain se positionne à la deuxième place juste après le Ghana (27e) et avant l’Afrique du Sud (33ème).
Il y a là un des meilleurs résultats du Mali sur la scène internationale. Nous devons en être fier et nous investir plus afin de faire mieux chaque année, chaque jour.. »
Malheureusement, en 2013, selon le même baromètre, le Mali s’est retrouvé à la 99ème place (‑74 points) enregistrant ainsi «la plus forte chute du classement suite aux événements qui ont frappé le pays dans le courant de Pannée 2012. Le putsch militaire du 22 mars à Bamako et la prise du nord du pays par les indépendantistes Touaregs et des groupes islamistes armés ont exposé les médias du pays à la censure et aux exactions» (Rapport annuel de Reporters Sans Frontières RSF).
Nous devons rapidement conjuguer nos efforts afin de faire mieux qu’en 2009.
A cet égard, je voudrais réaffirmer notre soutien total à toutes les initiatives visant à renforcer la presse, la liberté de presse et à améliorer les conditions de travail des hommes et femmes de presse.
Nous réitérons également notre engagement à faire aboutir la dépénalisation des délits de presse et notre soutien à votre demande d’augmentation de l’aide publique à la presse.
Mesdames, Messieurs les journalistes,
Des contradictions apparemment insolubles caractérisent le discours du politique et celui du journaliste et n’est-il pas plutôt mieux qu’il en soit ainsi? L’homme politique qui aspire légitimement à avoir voix au chapitre de la parole n’est‑il pas menacé de déviationnisme dictatorial tant qu’il n’est pas égratigné par une plume meurtrière qui met les pieds dans le plat, l’empêchant ainsi de concocter des combinaisons en rond pour l’échafaudage d’hypothétiques châteaux en Espagne?
Henri ROCHEFORT, journaliste et homme politique français du XIXème siècle a cru résoudre cet imbroglio en un tour d’esprit humoristique, dont on appréciera la saveur ironique «Il paraît que la Constitution anglaise interdit à la souveraine de parler politique. La Constitution française est moins sévère: elle ne l’interdit qu’aux journalistes».
Parmi ceux-ci, un de vos collègues, m’a récemment intimé l’ordre de me taire. Je suis désolé de transgresser son oukase mais j’entends continuer à m’exprimer sur les grandes questions de la Nation. Et dans l’immédiat je ferais le bilan de mes années au Parlement avec l’ambition de partager ma petite expérience parlementaire.
Mesdames et Messieurs les journalistes;
Chers invités,
Fasse Allah, Soubhana Watala que l’année qui vient de s’écouler, s’inscrive définitivement dans les oubliettes de l’histoire et nous inspirer une sainte horreur de ses dépouilles médiévales qui ont pour tristes noms, la guerre, le meurtre, la désunion et son cortège funèbre de crimes immondes.
Le peuple malien ne veut pas la guerre.
Il ne veut pas la guerre, le paysan, parce que l’agriculture ne peut prospérer que dans la paix.
Ils ne veulent pas de guerre, l’ouvrier, l’employé, le fonctionnaire, parce que la guerre entraîne le renchérissement du coût de la vie et le chômage.
Ils ne veulent pas de guerre, le savant, l’éducateur, l’artiste, parce qu’une guerre suffit à détruire le travail civilisateur de plusieurs siècles.
Il ne veut pas la guerre l’opérateur économique car les affaires s’accommodent mal du bruit des armes;
Elle ne veut pas la guerre, la femme, parce que les enfants élevés au prix de peines et de sacrifices infinis, pour en faire les artisans et les soutiens d’un avenir radieux, sont condamnés par la guerre aux infirmités et à la mort.
Le Mali, le Mali entier, ne veut pas la guerre pour cette raison simple et absurde que toutes les victoires sont des victoires à la Pyrrhus.
Mais le Mali a fait face à la guerre pour son DAMBE c’est‑à‑dire sa dignité et son honneur.
Mesdames, Messieurs
Maintenant que la paix est restaurée chez nous au Mali, grâce au concours de nos chefs religieux qui ont combattu les thèses des prétendus djihadistes, de la France de François HOLLANDE à travers l’opération SERVAL, de l’ONU par la MINUSMA, du Tchad et de la CEDEAO, le sacrifice des soldats morts doit nous rappeler à toute heure que de nouveaux devoirs aussi urgents les uns que les autres s’imposent à nous. C’est grâce à eux qu’il y a encore une nation malienne libre et que nous continuons d’y vivre en sécurité. Mais il ne suffit pas, pour les en remercier, que nous couvrions de lauriers, leur mémoire. Nous les en remercierions mieux en suivant le grand exemple qu’ils nous ont légué. lis se sont donnés complètement pour le salut du Mali: donnons‑nous sans réserve à son relèvement par l’exigence d’une justice internationale en leur faveur qui sanctionne jusqu’à la dernière rigueur leurs assassins, par le refus de la balkanisation de notre territoire au nom d’une quelconque autonomie prétendument et prétentieusement azaouadienne, enfin par la reconstruction du tissu économique de notre pays, notamment en sa partie septentrionale, qui donne aux filles et aux fils du Mali, des raisons de vivre et d’espérer en de lendemains meilleurs.
Ceux qui sont morts, ont triomphé par leur bravoure ; nous devrons triompher par le travail, pour plus de bonheur pour tous, pour plus de justice pour tous, pour plus d’éducation pour tous, pour plus de santé pour tous, pour plus d’emplois pour tous.
Mesdames, Messieurs
Comme vous le savez, j’ai perdu mon siège de député lors des dernières élections législatives. J’ai décidé, dès le lendemain du vote et avant toute proclamation officielle, d’accepter des résultats et de n’introduire aucun recours malgré les nombreuses irrégularités relevées.
C’est le lieu pour moi de souhaiter pour notre pays, l’avènement du droit régalien d’une justice électorale, les dernières législatives, n’ayant pas été exemptes d’irrégularités hautement dommageables à la démocratie et à la République. En effet les fraudes massives, achats de conscience, utilisation de bulletins de vote parallèles, nombre extraordinairement élevé de transferts d’électeurs, désignation partisane des Présidents de Bureaux de vote, triomphe de l’argent‑roi aux origines douteuses et autres combinazzione florentines et machiavéliques ont achevé de semer le doute sur la crédibilité des élections au Mali.
Il n’y a ni parti, ni candidat qui n’accuse ou qui ne soit accusé des pires pratiques électorales. La Cour constitutionnelle elle‑même, qui croule sous les recours, rend des arrêts, qui, quelque fois, rendent perplexes le plus indulgent des citoyens.
Les seuls à ne rien voir, à ne rien entendre, à ne rien savoir sont les observateurs, dont certains se comportent en proconsuls du Mali. Ils ne rendent aucun service à notre démocratie en taisant ‑ pour quels motifs? ‑ des insuffisances que nous devons corriger.
Mesdames, Messieurs;
Les citoyens maliens de 2014 devront voir l’institution judiciaire progresser vers plus d’équité, sinon d’égalité. Car une pratique judiciaire qui s’emberlificote dans une caustique où la confusion le dispute à l’imbroglio menace de faire s’effondrer la vertu, édifice intangible de la République.
Mesdames, Messieurs;
Dans le souci constant qu’est le mien de contribuer à la conception et à la réalisation d’une pratique institutionnelle essentiellement républicaine, mon vœu est que tous les citoyens maliens, qu’ils appartiennent à la garde prétorienne de la République ou qu’ils n’aient pas l’heur d’être détenteurs de pignons sur rue soient égaux devant la loi et qu’ils aient le droit de bénéficier de la présomption d’innocence.
François MITTERAND dans le Coup d’Etat permanent a cru mettre en garde contre le glissement de sens de la justice vers l’injustice: «A chaque recul de la souveraineté populaire, à chaque disparition de la République correspond un retour en force franc ou dissimulé de la justice régalienne».
La République fort heureusement est de retour au Mali et le nouveau Président de la République comme pour marquer sa détermination, réaffirme dans chacune de ses interventions, une justice égale pour tous.
Ainsi, cette sentence connue de la Fontaine: «Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de la cour vous rendront blanc ou noir» n’aura plus cours au Mali.
Cette démarche sera rudement mise à l’épreuve avec la lutte contre la corruption qui ne saurait aboutir qu’avec une volonté politique clairement affirmée comme c’est le cas aujourd’hui, des organes de contrôle performants et une justice déterminée.
Parce qu’il est noble et répond à une aspiration profonde du genre humain, nous serons de ce combat que nous n’avons cessé de réclamer depuis 1992.
Les procès des généraux Amadou Toumani TOURE et Amadou Haya SANOGO interpelleront fortement la Justice. L’honneur de notre justice serait qu’ils soient exemplaires en devenant des moments de vérité pour notre peuple qui doit savoir ce qui lui est arrivé.
Mesdames, Messieurs;
Le temps est venu qu’il n’y ait au Mali qu’une seule armée réconciliée avec elle-même et coiffée par un seul béret, qu’il soit rouge ou vert.
C’est ainsi que nous réunirons toutes les conditions pour la sécurité collective des Maliens afin qu’à l’intérieur de nos frontières territoriales, nous puissions nous réjouir du retour de la paix au Nord et de la reprise des actions de développement malgré quelques soubresauts spectaculaires de bandits armés.
Les travaux des assises nationales sur la décentralisation et les assises nationales sur le Nord nous semblent augurer de lendemains de paix et de développement qui seuls peuvent assurer et garantir le pouvoir d’achat des ménages fortement compromis aujourd’hui.
Mesdames, Messieurs
Notre école est une nostalgie d’école, laquelle doit nécessairement être investie de nouveau de la mission qui n’aurait jamais dû cesser d’être la sienne. L’école est et restera le creuset de la Nation, de la République et de la démocratie et notre génération court le risque d’être comptable devant l’histoire de l’avoir enterrée vivante, la rendant incapable de générer la relève dont la Nation a besoin pour assurer sa continuité. Si l’école échoue, ce qui semble se profiler à l’horizon, le danger d’une recolonisation planerait alors sur nos destinées.
Mesdames, Messieurs
Le CNID‑Faso Yiriwa Ton a tiré les leçons des dernières législatives qui ont vu une remontée spectaculaire du RPM au détriment des autres forces politiques. Ainsi les partis cités comme les plus importants de l’échiquier politique ont perdu plus que la moitié de leurs élus au moment où le RPM, bénéficiant de l’effet d’entrainement des présidentielles sextuplait ses résultats.
A travers la grille d’analyse‑ du premier tour qui détermine le poids réel des partis, nous nous classions en 4è` position juste après le RPM, l’ADEMA et l’URD. Le refus de voir consacrer notre victoire incontestable à Kolokani, sur une liste propre CNID nous pénalisent aujourd’hui.
Mais nous restons des démocrates et républicains et prenons acte des résultats tels que proclamés par la Cour constitutionnelle.
Foin donc de critiques et de matchs terminés à rejouer! Cap sur les municipales et les communales sur lesquelles nous nous concentrons désormais avec la farouche détermination de faire mieux et le souhait ardent d’un scrutin plus transparent que les législatives et des observateurs plus vigilants moins enclins au tourisme électoral.
Mesdames, Messieurs
La fin de la Transition avec l’organisation des élections présidentielles et législatives consacre le retour Mali sur la scène internationale et dans le concert des nations démocratiques. Nous nous en réjouissons et félicitons chaleureusement le Président de la République et les députés élus.
Ce « come back » du Mali voit aussi le resserrement de nos relations avec le Royaume du Maroc. Nous souhaitons vivement que ces retrouvailles aillent à leur terme logique avec au moins l’alignement du Mali sur les positions de l’Organisation des Nations Unies sur la question du Sahara.
Madiba Nelson MANDELA nous a quittés. Puisse la mémoire de celui qui a forgé la conscience de «l’Umkhonto We Siswe», la jeunesse – fer de lance de la Nation, inspirer la jeunesse du continent encore engluée dans des maux qui ont pour noms la guerre civile, la haine raciale, l’intolérance religieuse et l’aider à imaginer un nouvel arc-en-ciel dans le ciel assombri de l’Afrique.
Puissent les bruits de botte se taire enfin sur tout le continent au Soudan, en Centrafrique, en République Démocratique du Congo et que l’arbre à palabres succède enfin au couperet du sabre.
Et que le fragile processus de paix au Moyen Orient permette enfin de reconnaître les droits inaliénables du peuple palestinien et le droit d’Israël à la sécurité.
Bonne et heureuse année 2014 à toutes et à tous
Heureux Maouloud!
Maître Mountaga TALL