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Sténose caustique de l’œsophage : Fréquente, mais négligée

L’ingestion d’un produit caustique est un accident fréquent et grave chez les enfants. La sténose caustique de l’œsophage, qui en résulte, constitue la complication la plus redoutable et pose des problèmes de prise en charge qui varient du traitement conservateur au remplacement œsophagien.

 

Pr Sadio Yena, chef du service de chirurgie thoracique à l’Hôpital du Mali et enseignant à la Faculté de médecine et d’odonto-stomatologie (FMOS) souligne que la prévalence nationale de la maladie n’est pas connue.Par contre,il y a des éléments potentiels au Mali et d’ailleurs qui montrent que c’est un grave problème de santé publique négligé. La preuve est que son service a enregistré cette année 50 cas. Et de 2012 à maintenant, il y a eu plus de 200 cas. Ce chiffre ne concerne que les cas déclarés.

La sténose caustique est le rétrécissement du calibre de l’œsophage (le second segment du tube digestif). Elle représente toute brûlure caustique. Elle est une maladie fréquente, une pathologie négligée grave qui tue mais qui n’est pas déclarée, sa fréquence est sous-estimée. Cela s’explique par le fait qu’on est en contact permanent avec la soude caustique.

Cette soude caustique intervient dans tout ce qui est industrie, dans les activités génératrices de revenus (coiffure, teinture, tatouage) mais aussi dans les maisons (nettoyage et cuisine). Les accidents avec cette substance ne sont pas du tout déclarés et les enfants peuvent en mourir. L’origine des ingestions chez les enfants peut être accidentelle ouvolontaire. La cause accidentelle a deux volets : accidentelle sans intention de nuire et avec intention de nuire (ici l’intention est criminelle). Le plus grand problème est que ces produits sont exposés à la portée des enfants.Ce qui fait que ces produits ressemblent souvent à du sucre (la soude en cristal). En pâte, elle prend toutes les couleurs. Mais quand c’est en liquide, elle prend la couleur du jus d’orange.

La tranche d’âge susceptible d’avoir ces accidents est de 1 à 9 ans et la moyenne d’âge est de 6 ans. L’ingestion caustique chez les enfants est provoquée par deux grandes phases : aiguë et séquelle. La phase aiguë qui survient quand l’enfant boit le produit dure environ deux ou trois semaines. La brûlure va provoquer la fragilisation de la paroi du tissu (l’œsophage).Une fois fragilisée, cela crée la douleur chez la personne. Il sera dans ce cas difficile pour l’enfant d’avaler. Et d’ajouter que cette paroi fragilisée peut être nécrosée. Il peut avoir un orifice, ce qui va créer une fistule ou une perforation. Le spécialiste dit que cette complication est la plus grave et peut être mortelle.«C’est une véritable urgence médico-chirigucale» soutient-il, avant de préciser que si on n’intervient pas dans les heures qui suivent, l’enfant peut mourir.

La phase de séquelle est celle de cicatrisation et de rétrécissement de l’œsophage. Pr Yena précise que lorsqu’il y a un rétrécissement de cet organe, il y a une difficulté à passer le bol alimentaire. Il y a des cas qui deviennent une obstruction totale (l’enfant ne pourra ni boire ni manger). Dans ce cas, l’enfant va mourir par la faim parce que celle-ci va entraîner une dénutrition qui fragilise l’organisme de l’enfant.

Le diagnostic se fait en deux phases différentes. Les premiers signes qui alertent à la phase aiguë sont les cris et les signes de brûlures dans la bouche de l’enfant. Il y a également la salive qui sort et de la douleur. Parfois, l’enfant arrive dans un tableau d’urgence chirurgicale. «L’enfant arrive complètement empoisonné avec des problèmes respiratoires et de perforations», explique le chirurgien.

Dans ce cas, il précise qu’on peut perdre l’enfant si la quantité du produit ingeré est grande ou si elle est très corrosive.à la phase de séquelle, l’enfant va se plaindre du blocage de ses aliments. En ce moment, on opacifie l’œsophage et on fait une endoscopie ou une fibroscopie pour voir les lésions. Il est important de souligner que l’œsophage n’est pas le seul organe touché. La brûlure peut concerner toute la sphère de l’ORL. Le produit peut également passer dans l’estomac et le perforer dans la phase aiguë ou se rétrécir dans la phase de séquelle.

Pr Yena révèle que souvent c’est tout le circuit digestif qui est touché. Ce qui le pousse à dire que le traitement de cette maladie est difficile et coûteux. En plus, dit-il, il faut une collaboration de plusieurs acteurs. La famille ainsi que la communauté y participent (sur le plan prise en charge psychologique).

Le traitement coûte cher et peut aller en moyenne d’un à deux millions de Fcfa. Selon le chirurgien, c’est une situation qui peut disloquer toute une famille. Sur le plan médical, la prise en charge se fait dans 80% des cas par la dilatation et 20% par la chirurgie. Il explique que cette dilatation consiste à endormir le patient et faire passer des bougies dans l’œsophage des calibres pour libérer la voie.

Cette dilatation se fait toutes les deux semaines, durant une année. En moyenne, il faut 6 à 7 dilatations par malade. Avec la chirurgie, on remplace l’œsophage par le gros intestin. Cette intervention dure 4 à 5 heures de temps. Mais, il faut préparer le patient qui souffre de dénutrition et d’infection. On procède à une gastrotomie pendant deux mois (une opération chirurgicale qui consiste à pratiquer une ouverture dans l’estomac reliée à un orifice pratiqué dans la peau au moyen d’une sonde ou d’un cathéter).

Pour éviter tout cela, la seule solution, selon notre spécialiste, c’est la prévention. Il recommande de faire en sorte que ces produits ne soient pas à la portée des enfants et qu’ils ne soient surtout pas transvasés dans des bols alimentaires. Mieux, qu’il y ait une législation qui gère la vente de ces produits et des brigades pour la surveillance de la vente de ces produits dans les normes.

En plus, intensifier la sensibilisation tout en éduquant la population par rapport à l’usage de ces produits dangereux pour notre santé. D’après Pr Sadio Yena, l’ONGla Chaîne de l’espoir, depuis 3 ans, apporte une aide aux enfants souffrant de sténose caustique de l’œsophage. Il recommande aux autorités à faire de cette maladie une déclaration obligatoire et à élaborer une politique de prise en charge des cas. Les conséquences de la maladie sont économiques, sociales, médicales, psychologiques.

Fatoumata NAPHO

Source : L’ESSOR

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