L’influence des religieux sur les politiques dans la sous-région est palpable à divers degrés d’un pays à un autre. Au Sénégal, les khalifes des différentes confréries sont très souvent « courtisés » par les hommes politiques. En Côte d’ivoire et en Guinée, leaders chrétiens et musulmans interviennent également souvent dans la sphère politique.
En 2000, au lendemain de sa victoire à la présidentielle, le Président Abdoulaye Wade s’était prosterné en signe d’allégeance devant Serigne Saliou Mbacké, alors khalife général des Mourides, la plus grande confrérie musulmane du pays.
Quelques années plus tard, en 2019, c’est l’un de ses successeurs, Serigne Mountakha Mbacké, qui a non seulement facilité la réconciliation entre Abdoulaye Wade et l’actuel Président Macky Sall, mais également joué un rôle de premier plan dans la libération de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar. Candidat malheureux à la présidentielle sénégalaise de 2019, Me Madické Niang a par ailleurs renoncé à la politique sur ordre de ce même chef religieux.
Réalité de longue date
Cette présidentielle de 2019 avait d’ailleurs vu, dès l’ouverture de la campagne, les cinq candidats à la conquête du pouvoir se bousculer dans les villes saintes du pays afin d’obtenir « l’onction » des chefs religieux des confréries soufies, mourides et tidjanes.
Une pratique ancrée dans la tradition sénégalaise depuis des lustres, comme le souligne Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institue. « Ce rapport entre chefs religieux et politiques existe depuis l’époque coloniale. Le général de Gaulle, en 1958, s’appuyait déjà sur les deux plus puissantes confréries soufies de l’époque, les tidjanes et les mourides, afin que le « oui » au référendum pour rester dans la communauté franco-africaine l’emporte », rappelle-t-il.
« Abdou Diouf, en 1988, fut le premier Président à avoir bénéficié d’une consigne de vote religieuse, un ndigel », précise l’enseignant-chercheur, soulignant que le khalife général d’alors des Mourides avait dit que quiconque ne voterait pas pour Diouf trahirait l’enseignement de Cheikh Amadou Bamba, le fondateur du mouridisme.
Avec l’élection de Laurent Gbagbo en 2000 à la tête de la Côte d’Ivoire, ce pays a vu une intrusion du Pentecôtisme dans l’arène politique. Selon un rapport de l’ISS publié en juin 2015, le couple présidentiel avait ouvert les portes des arcanes du pouvoir aux pasteurs pentecôtistes, une situation qui alla jusqu’à « l’implication de conseillers spirituels dans la gestion politique et même sécuritaire de l’État ».
Plus récemment, l’année dernière, en Guinée, l’archevêque de l’église catholique et le grand imam de Conakry étaient montés au créneau pour demander publiquement au Président Alpha Condé de repousser l’organisation des élections législatives pour dénouer la crise politique d’alors.
Germain Kenouvi
Source: journaldumali