Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont aujourd’hui incontournables dans le développement de l’agriculture. Dans le souci d’améliorer la distribution des intrants subventionnés , notre pays utilise ce système pilote basé sur l’utilisation des bons électroniques.
«L’objectif de e-voucher, c’est d’améliorer la transparence dans la distribution des intrants agricoles ; d’améliorer le ciblage des bénéficiaires dans le cadre de la distribution de ces intrants ; de faire participer plus activement le secteur privé dans la distribution des intrants de bonne qualité. C’est aussi pour améliorer le suivi et l’évaluation de l’utilisation des subventions agricoles et de leur impact sur la productivité agricole». Amadou Ba, économiste agricole à la Banque mondiale, donne ainsi un éclairage sur cette solution numérique qui vise à mettre en place un programme de distribution électronique fonctionnel d’intrants. La plateforme numérique permet de distribuer de manière visible toute subvention dans le domaine agricole. Au Mali, le système e-voucher a été lancé au moment où le système traditionnel de distribution d’intrants avait relevé de nombreuses limites.
En effet, le système de délivrance des subventions agricoles à base de bons électroniques, s’appuie sur une plateforme numérique pour la distribution d’intrants agricoles et envoie instantanément des bons électroniques par SMS aux terminaux mobiles d’une base de données d’agriculteurs. Ces SMS informent les bénéficiaires que les subventions leur ont été accordées et le lieu où ils peuvent les récupérer.
La technologie e-voucher est fondée sur une meilleure identification des bénéficiaires et de leurs besoins et l’implication du secteur privé. Elle vise aussi à assurer le suivi-évaluation des opérations et des résultats. Selon l’économiste de la Banque mondiale, la toute première expérience du système e-voucher, a démarré en 2015 au Mali dans les régions de Tombouctou, Gao et Kidal.
Ce premier test a principalement visé les petits producteurs qui ont moins de poids. Par la suite, la solution numérique a été étendue aux régions de Sikasso et Ségou en ciblant les producteurs de riz, de maïs, de mil et de sorgho. Une expérimentation placée sous l’égide du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO/WAAP), financé par la Banque mondiale.
Economie de temps- Cette technologie vise à faciliter la distribution des intrants agricoles subventionnés.
Elle permet, à cet effet, d’accroître la productivité agricole, le revenu des exploitants et, par la même occasion, de favoriser des économies appréciables pour les pays concernés.
L’économiste de la Banque mondiale explique que le système e-voucher est une plateforme électronique qui met en relation une base de données d’agriculteurs, qui ont été recensés à travers des enquêtes exhaustives, et une base de données des distributeurs d’intrants agricoles sélectionnés par le ministère de l’Agriculture à travers un processus compétitif.
Le spécialiste ajoute également que la plateforme numérique permet aussi de mettre en relation les agriculteurs avec les distributeurs d’intrants en utilisant des technologies de l’information et de la communication.
Le système e-voucher est piloté par une plateforme du Comité national de la recherche agricole (CNRA). «C’est comme Orange Money et tout dépend d’un recensement des bénéficiaires, ciblés selon des critères bien identifiés. Cette subvention est comme l’ancien système, mais cette fois-ci c’est avec le téléphone pour assurer l’envoi des messages contenant la quantité d’engrais que le paysan doit recevoir», précise Yaya Traoré, responsable du CNRA. «Puisque dans la plupart des cas, les bénéficiaires ne sont pas instruits, le comité les met en contact avec des fournisseurs au niveau de chaque commune où, il y a également un contrôleur qui les aide à déchiffrer leurs codes des bons électroniques», explique le technicien.
Avec cette plateforme numérique, les agents de l’Etat qui passaient tout leur temps sur des papiers n’auront plus à faire ce travail, car celui-ci est remplacé par le téléphone. Ils vont s’occuper désormais de leur tâche régalienne: la vulgarisation. «Avec le système e-voucher on gagne en temps, en main d’œuvre et le paysan, au lieu de venir au secteur, reste dans sa commune et prend ses intrants. L’autre avantage de la solution numérique, c’est la transparence dans la distribution. Elle évite la monétisation de la subvention. Et comme vous le savez, il y a beaucoup de bruits autour de la subvention des intrants. Avec le téléphone, on ne peut pas valider une commande, si le quota est atteint, donc la transparence est là», assure le patron du CNRA.
Quant à Boubacary Timbo, consultant au CNRA, il fait remarquer que la technologie e-voucher est un test en cours de validation que notre gouvernement a accepté de faire avec la Banque mondiale par rapport à l’appui budgétaire. «Nous avons formé les agents qui s’occupent du système, les fournisseurs en passant par les magasiniers et les contrôleurs. Chacun d’eux a été formé dans son rôle en rapport avec la plateforme», indique le consultant.
Pour la campagne 2018-2019, au total 24.583 bénéficiaires ont été ciblés pour la distribution des engrais dans quatre cercles retenus : Bla (11.263 bénéficiaires), Niono (1062 bénéficiaires), Koutiala (7.637 bénéficiaires) et Yanfolila (4.621 bénéficiaires). La quantité d’engrais distribuée par le système est estimée à 10.207.180 kg.
Babba B. COULIBALY
Une garantie de transparence
Le développement du Net et de la téléphonie mobile contribue à l’autonomisation des agriculteurs. Le monde paysan a accès à presque tous les besoins nécessaires à ses activités.
Aujourd’hui, dans certaines zones agricoles, le numérique est en passe de changer les habitudes dans la conduite des activités et de la commercialisation des produits agricoles en supprimant les intermédiaires. C’est le cas dans le cercle de Koutiala avec le programme des bons électroniques e-vouchers qui y est déployé depuis 2017.
Ici, les acteurs du secteur agricole sont en train d’abandonner l’ancien système de la subvention des engrais, notamment la caution technique. L’objectif recherché dans cette démarche, c’est de supprimer les intermédiaires dans le processus de la subvention des intrants et d’instaurer la transparence à l’aide des Technologies de l’information et de la communication.
Selon Fousseyni Traoré, président de la délégation de la Chambre d’agriculture de Koutiala, les TIC sont aujourd’hui d’une importance capitale dans l’agriculture. «Avant le système numérique e-vouchers, la subvention était liée à la caution technique qui a montré toutes ses limites. En plus, il y avait moins de transparence et le paysan perdait assez de temps avant d’avoir ses intrants. Mais avec les nouvelles technologies, c’est rapide et transparent. Cela a été prouvé ici par la solution numérique», témoigne ce paysan qui exploite 10 hectares de coton dans la Commune de Basso, à 19 km de Koutiala.
Pour lui, la plateforme e-voucher est bénéfique aux paysans, car elle permet d’éviter le détournement des intrants et de combattre la corruption dans le milieu rural. Sans compter le gain en temps. «Depuis que nous avons commencé avec le système des bons électroniques, les producteurs ne font plus la longue file devant les magasins», se réjouit Fousseyni Traoré, ajoutant que, dans le temps, «ici (il pointe du doigt un espace), les paysans s’alignaient pour retirer leurs intrants pendant des heures. Et cela après des jours d’attente pour être sur la liste des bénéficiaires». En 2016 par exemple, la cour de la Chambre d’agriculture de Koutiala était noire de monde. Mais maintenant avec le téléphone, chaque bénéficiaire (paysan) reçoit ses intrants par SMS.
Ressortissant de Karagansso, localité située à 45 km de Koutiala, Issa Dembélé n’a pas, lui aussi, oublié les difficultés d’accès à l’engrais à temps. Il est donc un fervent défenseur du système e- voucher qui a tout changé. «Depuis l’arrivée du programme des bons électroniques, nous avons l’engrais à temps et près de nous. Le système permet d’autonomiser l’agriculteur», souligne-t-il, tout sourire.
Il convient de rappeler que, dès que la campagne de subvention d’engrais s’ouvre, aucun message téléphonique n’est supprimé dans les villages agricoles bénéficiaires du programme de délivrance des bons électroniques.
Babba B. COULIBALY
Source: L’Essor-Mali