Ce hors-série de L’Essor sacrifie à la tradition, désormais établie par le Quotidien national d’information, de marquer chaque date symbolique de l’évolution de notre pays par un numéro qui sort de l’ordinaire. Le Mali a 60 ans cette année. Si pour une personne, la soixantaine est une borne qui signale le seuil du troisième âge, pour un Etat, il s’agit de l’entame d’un parcours au long cours. Dans notre pays, ces 60 dernières années furent jalonnées de nombreux événements, desquels nous pouvons, en y jetant un regard rétrospectif, tirer des enseignements pour éclairer notre chemin vers l’avenir.
Relater par le menu toutes les péripéties de la vie d’une nation, durant six décennies, serait une ambition difficile à réaliser dans un ouvrage. Nous n’avons nullement cette prétention. Surtout que notre projet avait une allure quelque peu téméraire, eu égard au contexte de crise. Malgré les écueils, nous ne pouvions pas manquer ce rendez-vous avec les lecteurs. Ce numéro s’inscrit donc dans la lignée des ouvrages « Mali 2000 » consacré aux 40 ans de notre pays et « Notre Mali » publié à l’occasion du Cinquantenaire de l’indépendance nationale.
Au-delà du rappel historique, nous nous focalisons dans cet ouvrage surtout sur la crise qui marque notre quotidien depuis le début des 10 dernières années.
La crise. Le Mali semble se la coltiner comme une maladie chronique. La République du Mali a été proclamée dans le contexte de la crise de l’éclatement de l’éphémère fédération qui nous unissait au Sénégal. Cette crise fut un stimulant pour le jeune État parce que les dirigeants de l’époque avaient chevillé au corps le patriotisme et les citoyens en avaient pris de la graine.
Plus tard, le Mali n’a pas échappé à la crise qui s’est répandue comme une épidémie à travers l’Afrique, affectant nombre des jeunes États au cours de la première décennie des indépendances.
Il s’agit des coups d’Etat militaires. Des bruits de bottes ont résonné dans les palais présidentiels de nombre de pays africains, mettant un coup d’arrêt brutal au pouvoir des pères de l’indépendance et, par la même occasion, aux entreprises de développement.
L’irruption des militaires sur la scène politique de notre pays, en 1968, a ouvert un cycle de crises politico-militaires avec son lot de troubles et de règlements de compte à coups de procès permettant au pouvoir de se débarrasser des opposants. La révolution de Mars 1991 a nourri l’espoir, pendant un temps, que le pays était entré définitivement dans l’ère de la dévolution du pouvoir uniquement par les urnes. Les deux mandats du premier président démocratiquement élu, en l’occurrence Alpha Oumar Konaré, furent marqués par des troubles politiques plus ou moins violents. Mais il a réussi à passer la main dans le respect des principes démocratiques. A la fin du second mandat d’Amadou Toumani Touré, patatras ! Ce fut le retour des vieux démons qui avaient résisté à l’instauration d’un système politique pluraliste ouvrant la voie au choix des dirigeants par les urnes.
Parallèlement aux crises politico-militaires qui agitent épisodiquement les rues de Bamako, l’irrédentisme dans les régions du Nord, tel un serpent de mer, empoisonne la vie publique du pays. Entrée en sommeil après les épisodes de 1963 et 1990, la crise irrédentiste s’est réveillée, de façon éruptive, sous Amadou Toumani Touré. Depuis 2012, ce volcan continue de répandre des laves déstabilisatrices sur l’ensemble du pays. A la crise sécuritaire qui en résulte s’est greffée une autre, consécutive à la pandémie du coronavirus. Comme si cela ne suffisait pas, une crise sociopolitique a conduit à une nouvelle rupture de l’ordre constitutionnel et lestant un peu plus la barque déjà chargée. Face à ces crises multiformes, la résilience du pays a de quoi surprendre aussi bien les citoyens que nos amis étrangers. Le Mali d’aujourd’hui renvoie l’image d’un cycliste engagé dans une ascension sur un sol argileux qui colle à ses roues.
Bréhima TOURE
Directeur Général amap