Nul doute aujourd’hui que la déclaration de soutien au président de l’Union pour la République et la démocratie (URD) de Youssouf Mohamed Bathily connu sous le nom de Ras Bath a été un coup de tonnerre dans les cœurs et dans les esprits. Cela n’est pas sans raison quand on sait que l’émission que le rasta malien anime sur les antennes de Renouveau FM et relayée par plusieurs autres radios de la place a fini par conquérir l’estime de bien de Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur.
Indéniablement, l’émission ‘’Carte sur table’’ a permis aux Maliens de savoir bien de comportements des tenants du pouvoir. Par cette émission, l’on se rend à l’évidence que le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a échoué dans sa gestion des affaires de la République.
En tout cas, le président élu avec 77,66% des suffrages exprimés lors du deuxième tour de la présidentielle de 2013 n’a pas comblé les attentes, loin s’en faut. Par l’émission ‘’Carte sur table’’, les Maliens dans leur majorité ont adhéré à l’esprit de changement pour le mieux être des masses laborieuses.
Il faut dire à ce niveau que le changement à l’avantage des masses travailleuses s’impose car, contrairement à toutes attentes, IBK en cinq (05) ans a toujours reconduit à des postes différents des femmes et des hommes qui ont participé avec les régimes passés à la gestion des affaires publiques. Lorsque le peuple s’était mobilisé, en 2013, pour l’élire, il incarnait l’espoir de millions de Maliens notamment par rapport à la crise du Nord, à la problématique de la corruption et de la délinquance financière et aux remous sociaux.
Le constat aujourd’hui c’est qu’aucun de ces domaines n’a trouvé de répondant véritable: la misère devient plus criarde au sein de la population, l’insécurité s’étend chaque jour davantage et de façon de plus en plus inquiétante.
Quant à la lutte contre la corruption, la situation ne connaît aucune amorce de solution. Il y a donc ici de reconnaître que Ras Bath a permis a bien de Maliens de savoir des comportements illicites de ceux du régime qui se servent du peuple au lieu de le servir.
De là, il faut le dire, beaucoup de Maliens se sont engagés dans la lutte politique pour le changement jusqu’à promettre au rasta Bath qu’ils sont avec lui. Mais l’espérance dominante, il faut s’en convaincre, est et reste un système nouveau de gestion des affaires que certains pourraient entendre par alternance.
Tout compte fait, les Maliens ne croient plus pratiquement aux hommes politiques qui ont le même dénominateur: la recherche effrénée du profil personnel aux dépens de l’intérêt général. Cela se manifeste constamment par le changement de parti politique dont certains se rendent coupables au rythme et au gré du vent. C’est bien cette transhumance politique pour des intérêts sordides qui a prouvé au citoyen lambda que la politique au Mali se résume en un jeu d’escrocs sans foi ni loi.
Ainsi, il n’est pas rare d’entendre que tous les politiciens sont les mêmes: ils disent ce qu’ils ne font pas et ne font pas ce qu’ils disent, faisant ainsi croire au citoyen ordinaire que la politique c’est du mensonge, quand bien même la décence doit en être le guide.
Sans vouloir parier sur les étoiles, l’on n’imagine mal les Maliens porter Soumaïla Cissé dans leur cœur dans leur majorité. Cela s’attend si l’on sait que cet homme a participé directement et indirectement à la gestion des affaires de l’Etat malien.
Pourtant, c’est bien cette même gestion que les Maliens mettent en cause. Point n’est besoin que la décadence du Mali n’a pas débuté avec IBK. Les arguments avancés par le Collectif pour la défense de la République (CDR) de Ras Bath pour accorder son soutien au candidat de l’URD sont entre autres:
– Le parti de Soumaïla Cissé est implanté dans le pays profond jusque dans le grand Nord mieux que quiconque.
– L’URD a accepté le contenu du Manifeste du CDR (qui reste à signer par les parties).
– C’est l’URD qui pourrait faire peur au président IBK lors de la présidentielle.
Que tout cela soit ! Mais en premier lieu, un sondage auprès des Maliens auraient mieux éclairé la lanterne du CDR quand à la personnalité de Soumaïla Cissé et le jugement que les Maliens se font de l’homme.
L’argument de l’implantation de l’URD n’est pas convaincant, bien au contraire ! il serait plus judicieux de faire le moindre recul dans le temps pour comprendre que les politiciens ‘’de la démocratie à la malienne’’ ont forgé de toutes pièces un type d’homme malien prêt à vendre son âme au diable pourvu qu’il ait de l’argent.
Le sens de l’honneur, de la décence politique et de la responsabilité n’est plus à l’ordre du jour au Mali. Il est bon de rappeler ici les dépenses colossales consenties par le candidat Soumaïla Cissé lors des joutes électorales de 2013 et l’aura qui l’entourait. Nous avons encore en mémoire la forte mobilisation de la ‘’jeunesse malienne’’ au meeting du stade Modibo Keïta contre le candidat du RPM Ibrahim Boubacar Keïta, en 2013.
Plus de 400 associations de jeunes, disait-on, vibraient et chantaient pour la victoire de Soumaïla dès le premier tour. On imagine encore les dépenses consenties par celui- ci pour le besoin de la cause.
Toujours par rapport à l’implantation de l’URD, il faut encore faire un simple recul sur les années politiques que le Mali a connues avec ATT. Celui fut le président du Comité de transition pour le salut du peuple pendant quatorze mois de transition.
Il a facilement remis le pouvoir à Alpha Oumar Konaré au terme de cette transition. Celui-ci a remis le même pouvoir à celui- là à la fin de son deuxième mandat. Les non dits de cette transaction politicienne resteront toujours hors de portée du citoyen lambda éduqué pour applaudir et se contenter des bribes des politiciens.
Lorsque ATT revenait aux affaires en 2002, il n’avait pas de parti politique. Pourtant, il a été élu contre IBK pratiquement sans surprise. L’on ne peut donc retenir l’argument de l’implantation pour justifier le soutien du CDR à Soumaïla Cissé.
Rappelons qu’à deux (02) mois et poussière de la fin de son second mandat, un coup d’Etat militaire fortement salué par le peuple a éjecté ATT du fauteuil de Koulouba. La marrée humaine qui avait marché pour soutenir la junte de la place de la Liberté au monument de l’Indépendance était l’expression d’un ras-le-bol de notre peuple. Les putschistes ne l’ont pas bien saisi pour éviter de reculer !
Il fut aussi dire que les partis politiques qui n’ont pas donné de réponse par rapport au Manifeste du CDR ne peuvent pas tous être contre le changement et deux exemples suffisent pour le comprendre:
– D’abord, il faut dire que partout où le Dr Oumar Mariko est passé, on ne retient de lui qu’une seule chose: il s’est battu et se bat toujours sans ambigüité pour la cause de nos masses laborieuses et cela depuis l’ère Moussa Traoré. Certes, il ne s’associe pas pour s’associer. Cela est tout à fait compréhensible car certaines unions prennent l’allure de la compromission avec son cortège d’effets pervers pour le changement.
– Aussi en passant, il faut dire qu’il est absolument illusoire de croire que les hommes acquis à la cause du changement réel peuvent brasser des milliards de franc CFA pendant que le peuple au nom duquel on parle trime dans la misère humiliante.
La caution a payé pour être candidat à l’élection présidentielle de 2018 (25 millions de F CFA) écarte déjà bien d’hommes politiques connus pour leur sens élevé de la patrie de la patrie et de la décence en politique. Le premier combat à cette étape de notre histoire politique est d’abord de ne pas cautionner la faramineuse caution à payer pour prétendre à la magistrature suprême du Mali.
– Le passage de Cheick Modibo Diarra à la Primature, en 2012, a permis au citoyen lambda de comprendre qu’on peut gérer autrement les affaires du pays. A notre connaissance, il n’a posé aucun autre acte qui l’éloignerait de la probité morale qui doit nous guider en toute circonstance. Pourquoi il n’a pas donné son accord pour le Manifeste du CDR ? Il sait pourquoi !
– Enfin, celui qui peut faire peur à IBK c’est le vote sanction de notre peuple. Il a déçu toutes les attentes de tous ceux qui croyaient en lui et croient encore en ce pays longtemps laminer par le syncrétisme politique à l’œuvre au Mali depuis la chute de Moussa Traoré. Il semble de plus en plus affirmé le soutien du rasta malien à Soumaïla Cissé a pris de cours bien de ses auditeurs.
La décadence du Mali ne peut être saisie sans toucher à la responsabilité de cet homme qui était un membre influent de l’ADEMA (son parti d’origine). Allez savoir les postes que monsieur Cissé a occupés dans ce pays et dites qu’il n’a pas participé à la désagrégation du tissu socioéconomique et politique national.
– En réponse au coup d’Etat contre ATT, un embargo a été négocié et voté par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre notre peuple. Peut-on affirmer sans hésiter que le Front uni pour la démocratie et la République (FDR) fut étranger à ce comportement macabre et apatride ? Le FDR de Soumaïla Cissé doit éclairer l’opinion publique à ce sujet.
– Le 30 avril 2012, des mercenaires sont guidés par certains de nos soldats (bérets rouges) pour s’attaquer à notre armée. Un vrai Malien peut-il donner sa caution pour un tel acte ? Le changement exige que l’on sache qui des Maliens a fait quoi dans cette affaire puisqu’elle a nécessairement mobilisé des fonds. Payer des étrangers pour tuer nos propres enfants c’est tout simplement effarant !
Enfin, pour la conquête du pouvoir, il convient de retenir que bien d’affaires se traitent dans les coulisses. Notre rasta a maintes fois affirmé qu’il aime bien IBK mais que celui-ci n’a personne pour le servir. Il lui demande donc d’abandonner le pouvoir.
Oui, il doit abandonner le pouvoir parce que sa mandature a été un échec cuisant, mais pour laisser la place à qui ? A Soumaïla ? Cette question doit être étudiée par le CDR s’il veut le changement réel et nous osons croire qu’il se bat pour cela ! Aussi, il est judicieux de se rendre à l’évidence que la crise du Mali ne peut se résoudre par un simple changement d’hommes à la tête de l’Etat.
Indubitablement, c’est le système politique lui-même qui ne peut servir utilement la cause de notre peuple qui doit être purement et simplement remplacé et cela pour un nouveau départ. Il faut donc ce changement si nous voulons changer. Ce qui ne peut s’opérer avec les mêmes hommes qui gèrent les affaires du pays depuis la chute de Moussa Traoré.
Nous rappelons à ce propos le Pr Issa N’Diaye. Il a dit dans le journal Aurore, N°119 de mars 1992: «On ne peut pas opérer certains changements en gardant les mêmes hommes qui, depuis, ont été habitués aux mêmes méthodes de travail.»
Le CDR doit se ressaisir pour le changement auquel tout patriote aspire pour ce pays qui n’a que trop souffert. Mais même à l’inverse, les Maliens ont déjà compris que Soumaïla Cissé et IBK ne peuvent incarner le changement à l’avantage des plus démunis au nom desquels ils s’expriment.
Lénine nous conseille que pour réussir le pari du changement il faut reculer pour mieux sauter. Ces deux hommes, à quelques exceptions près, sont une seule et même personne la substitution de l’un à l’autre est une façon détournée d’éviter de faire face à la problématique du changement qui se pose avec acuité.
Le soutien du CDR profite à Soumaïla Cissé profite bien à IBK au moins pour deux raisons:
– L’appel de Ras Bath pour Soumaïla fait déjà grincer beaucoup de dents: si par cette allégeance les populations venaient à refuser de suivre le mot d’ordre, elles pourraient être récupérées par IBK au cas où ce sont les deux qui arriveraient au deuxième tour.
– Si l’appel est suivi, Cissé protégera les arrières d’IBK.
Dans les deux cas, il ne peut y avoir de changement à l’avantage de notre peuple travailleur.
Frantz Fanon disait: «Chaque génération, dans une relative opacité, doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir.»
Fodé KEITA
Source: Inter De Bamako