Bamako le 02/01/2018. En marge de la présentation des vœux aux militants de son parti, le chef de file de l’opposition l’honorable Soumaïla Cissé nous a accordé une interview sur le projet de loi d’entente nationale. Projet annoncé dans le discours du président IBK lors de son adresse du nouvel an. Soumaïla Cissé nous livre ses impressions.
Quel commentaire faites-vous du projet de loi sur l’entente nationale ?
J’ai des remarques à plusieurs temps. La première chose c’est que depuis l’installation du président en 2013, il y a toujours eu un ministère chargé de la réconciliation nationale. Différents ministres. Je pense qu’ils auraient pu déjà, depuis 4 ans et demi, initier un projet de loi pour tenir compte de la nécessité de réconcilier les gens. La deuxième remarque c’est que la conférence d’entente nationale n’a pas été un réel succès. La preuve, la charte dite de réconciliation nationale a été rejetée le lendemain même par les groupes armés. Et pourtant, il fait référence à cette charte, comme étant un socle, une base pour réussir cette entente.
La troisième chose c’est que le processus d’élaboration d’une loi, c’est un processus qui est long, qui est participatif, qui nécessite des arbitrages et un minimum de consensus. Le gouvernement vient d’être formé, les passations ne sont pas faites, les ministres n’ont pas pris fonction dans les différents services. Il est évident que le projet de loi ne sortira pas immédiatement du chapeau.
L’Assemblée nationale est en congé à moins d’une Assemblée nationale convoquée de façon urgente, de façon extraordinaire. Et si on veut vraiment consulter les gens, faire une large discussion dans le pays, parce qu’il faut une large discussion auprès de la société civile, l’opposition et les différents partis politiques, et suivre le projet d’élaboration au niveau de l’Assemblée nationale, les différentes écoutes, les différentes commissions. J’ai bien peur que cette loi ne soit votée pendant la campagne ou à la veille des élections.
Partant de ce que vous venez dire, est-ce que ce projet de loi pourrait aboutir, surtout que 2018 est une année électorale ?
Mais ils peuvent toujours l’adopter au forceps parce qu’il y a une majorité mécanique au niveau de l’Assemblée nationale en sa faveur. Mais tout ça pour vous dire que cela relève manifestement de la manœuvre politicienne pour montrer aux électeurs que nous avons enclenché un processus de réconciliation. Moi, je crois que c’est une manœuvre politique liée à l’élection qui approche. Le temps n’est pas là, les éléments ne sont pas là à suffisance pour avoir une vraie négociation, et obtenir un document de consensus. Qui tienne compte des victimes, qui tienne compte de la nécessité de ne pas avoir de l’impunité et qui puisse poursuivre ceux qui ont fait des crimes de sang, ou, en tout cas, qui ont les mains tachées. C’est assez complexe et ça nécessite vraiment une large acceptation au niveau de notre pays.
À mon avis, ça nécessite beaucoup de discussions et la manière me paraît extrêmement grossière aujourd’hui. Donner l’impression que le président est sur la bonne voie de la réconciliation, alors qu’il a perdu 4 ans et demi sans s’occuper de ce problème, sans avoir le minimum de dialogue dans ce pays, ni avec la société civile, ni avec les différents partis politiques.
Vous ne craignez pas une contestation à la «Antè Abana» comme lors du projet constitutionnel ?
Je ne crains pas une contestation. Bien au contraire, je vais encourager. Je crois que tout simplement, le président serait bien avisé d’enclencher une vraie discussion. Et de ne pas donner l’impression et de ne faire croire aux gens, écoutez, je suis sur la bonne voie, élisez-moi, je vais finir le travail. Ce travail, il aurait dû le faire depuis le premier jour. Il a été bien inspiré à l’époque de créer un ministère chargé de la réconciliation nationale. Mais si on regarde le bilan aujourd’hui, on ne sait pas qui s’est réconcilié avec qui ? Et quelle zone s’est réconciliée avec quelle zone ? Nous sommes quasiment au point de part, et les accords qui ont été signés piétinent aujourd’hui. 24 mois étaient le délai normal, on est largement au-delà. Il n’y a aucun résultat dont on peut se glorifier.
Réalisée par Kassim TRAORE
Le Reporter