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Soudan : une « réélection » pleine de dangers

Le Nigeria n’a pas été suivi par le Soudan dans son exemple d’alternance de pouvoir. Avec un score de tyran se prêtant à l’exercice électoral, soit 94,5 % des votes, Omar Al-Bachir, au pouvoir depuis 1989, a été « réélu » sans surprise à la présidence du Soudan. Il était le candidat du parti islamiste, sans aucun challenger crédible contre lui. L’impossibilité de s’exprimer pour les électeurs dans les régions en guerre et l’appel au boycott des partis traditionnels et des ONG de la société civile ont concouru à la faible participation au scrutin.

omar al bechir president soudanais

Et maintenant ? Loin d’offrir une solution pour apaiser les conflits qui ensanglantent le pays, cette élection contestée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ne résout rien. Pire, elle mène l’aspiration au changement directement vers une réactivation des conflits.

L’opération de « dialogue national » mise en avant par Omar Al-Bachir pour donner quelque crédibilité à sa campagne électorale n’a entraîné que redoublement des bombardements dans les zones périphériques du pays, arrestation d’opposants, fermetures de journaux… La multiplication pendant ce temps des réunions tant au Soudan qu’à Addis Abeba avec l’opposition semble n’avoir été qu’une opération de communication destinée à faire avaliser une élection qui d’avance ne s’annonçait ni libre, ni transparente.

L’Union Européenne, les États-Unis et la Norvège ont d’ailleurs dénoncé le manque de crédibilité du processus électoral. Seule l’Union Africaine, pleine de mansuétude comme à l’accoutumée avec Bachir, s’estime « satisfaite » de ces élections, et ce malgré qu’un rapport interne préliminaire, ait mis en garde sur la fiabilité du scrutin.

Risque de « somalisation »

Ces résultats vont avoir des conséquences redoutables. Les groupes rebelles du Darfour, du Nil Bleu et du Sud-Kordofan y voient la confirmation que seule la lutte armée pourrait faire émerger un nouveau régime. La guerre est cantonnée pour le moment loin de la vallée du Nil, « le centre utile » du pays. Mais réunis dans un Front Révolutionnaire, ces groupes pourraient décider de porter maintenant le fer à Khartoum, là où ils comptent de nombreux partisans.

De son côté, l’opposition traditionnelle, dont les dirigeants sont habitués à fréquenter les geôles du pouvoir islamiste, ne peut offrir aucune perspective politique dans le cadre institutionnel actuel. Le rapprochement de secteurs importants de cette opposition avec les groupes rebelles a déjà commencé.

Le renchérissement du coût de la vie quotidienne, en raison de la dette, de la perte des revenus pétroliers avec la sécession du Soudan du Sud a entraîné une agitation sociale violemment réprimée par le pouvoir, faisant plus de 200 morts parmi les manifestants en septembre 2013. Les restrictions de tous les budgets sociaux alors que l’armée et les différents services de sécurité absorbent 70 % des ressources disponibles, ne peuvent que conduire au désespoir.

La communauté internationale est inquiète. Et elle a de sérieuses raisons de l’être. Sa crainte est que si le pays s’enfonce dans la violence, il puisse conduire à une véritable « somalisation ». De ce point de vue la situation au Soudan du Sud voisin, qui depuis son indépendance en 2011, est en proie au chaos et à la violence n’est guère encourageante.

Bras de fer contre la CPI

Cependant, loin d’être un facteur de stabilité, le régime de Khartoum est une plaque tournante du soutien aux groupes islamistes dans la région. Les appuis financiers, logistiques et militaires à la Séléka en République Centrafricaine, aux djihadistes maliens, aux milices islamistes en Libye, aux Shebabs somaliens… sont bien documentés. Les liens du régime avec l’Iran sont également inquiétants : usines d’armements en joint-venture, mouillage des navires de guerre iraniens à Port Soudan, trafic d’armes en direction du Moyen-Orient… Tout cela est connu.

La Cour pénale internationale (CPI) qui lancé un mandat d’arrêt international à l’encontre de Bachir pour génocide et de plusieurs dirigeants soudanais pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis sous leurs ordres au Darfour, n’a obtenu pour l’instant aucun résultat. Au contraire les violences n’ont fait que redoubler dans plusieurs régions du pays.

Au point que lors de son audition devant le Conseil de sécurité en décembre dernier, Fatou Bensouda, le procureur de la CPI a « jeté l’éponge » et décidé de geler toute nouvelle investigation sur le Soudan, si des signes tangibles de coopération internationale et des propositions stratégiques pour arrêter Bachir et ses complices n’étaient pas données par l’instance suprême des Nations Unies.

Bachir s’est aussitôt présenté comme le vainqueur de son bras de fer engagé contre la CPI. Conclusion hâtive car dans sa communication à New York, le procureur a mentionné que « les atrocités contre les civils innocents continuaient, de même que les viols de masse » et que les crimes contre l’humanité étaient imprescriptibles.

L’impasse est totale, les risques sont immenses. Les pays démocratiques devraient pour une fois anticiper au lieu de subir. Ils devraient œuvrer à susciter l’unité de l’opposition, à la soutenir afin qu’elle incarne une alternative crédible au pouvoir islamiste. En effet la nocivité du Soudan sur le plan régional peut-être contenue en l’obligeant à se concentrer sur ses problèmes internes et en maintenant une pression continue en faveur d’une ouverture démocratique du régime et de réelles négociations pour faire cesser les violences et donner accès à l’aide humanitaire pour des millions de Soudanais. Pour cela les sanctions économiques doivent être renforcées, la CPI soutenue, et l’isolement diplomatique de la dictature élargi.

 

Source: lemonde.fr

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