“Les deux délégations sont tombées pleinement d’accord sur la déclaration constitutionnelle”, a déclaré le médiateur mauritanien à la presse samedi à l’aube.
Peu après cette annonce, une foule s’est rassemblée à l’extérieur de la salle de négociation à Khartoum en brandissant des drapeaux soudanais aux cris de “civils, civils”, a rapporté un correspondant de l’AFP. Des femmes lançaient des youyous et un concert de klaxons retentissait dans les rues de la capitale.
“Nous voulons un Etat civil qui nous obtienne une juste réparation pour les meurtres de nos enfants”, a déclaré à l’AFP une manifestante, Somaiya Sadeq.
L’accord, qui sera signé au cours d’une cérémonie, est intervenu après deux jours de pourparlers à Khartoum sur la transition politique au Soudan entre l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, et le Conseil militaire mis en place après la chute du président Omar el-Béchir le 11 avril.
Au terme de très difficiles négociations, les deux camps s’étaient déjà mis d’accord début juillet sur la création d’un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans.
Les points encore en suspens portaient sur les pouvoirs de ce Conseil souverain, sur le déploiement des forces de sécurité et l’immunité de généraux impliqués dans la répression de la contestation, notamment la dispersion meurtrière du sit-in devant l’armée le 3 juin à Khartoum.
Au moins 127 manifestants avaient alors été tués, selon le comité de médecins proches de la contestation. Une enquête officielle a conclu à l’implication de membres des redoutées Forces de soutien rapide (RSF), lesquelles ont nié toute responsabilité et dénoncé une manipulation.
Questions sensibles
“Nous nous sommes mis d’accord sur des questions sensibles relatives à la sécurité, à l’indépendance de la justice et sur les pouvoirs du gouvernement, de même que sur le Conseil souverain”, a décalaré à l’AFP un des leaders de la contestation, Ibrahim al-Amin.
“Les Forces de soutien rapide seront placées sous l’autorité du chef des forces armées”, a ajouté un autre responsable protestataire, Monzer Abu al-Mali.
La délégation militaire, pour sa part, a quitté la salle des négociations sans faire de déclaration.
Les pourparlers entre militaires et contestation, initialement prévus mardi, avaient été repoussés après la mort de six personnes dont quatre lycéens à Al-Obeid (centre) lundi lors d’une manifestation contre les pénuries de pain et de carburants.
Ces décès ont suscité une vague de réprobation dans le pays. Jeudi, quatre personnes réclamant justice lors d’un rassemblement à Omdourman, près de Khartoum, ont été tuées.
Neuf paramilitaires arrêtés
Le Conseil militaire a annoncé vendredi l’arrestation de neuf paramilitaires des RSF accusés d’être impliqués dans la mort des lycéens.
“Une enquête a été ouverte sur les événements d’Al-Obeid et sept membres des RSF ont été limogés et remis à la justice civile pour être jugés”, a déclaré le général Chamseddine Kabbachi, porte-parole du Conseil militaire. Jeudi, “deux autres membres des RSF ont été arrêtés, donc ils sont neuf au total”.
Dirigées par Mohammed Hamdan Daglo, aujourd’hui numéro deux du Conseil militaire, les RSF étaient un pilier du régime du président Béchir, avant de contribuer à sa chute. Elles sont accusées de terribles exactions, notamment pendant le conflit du Darfour (ouest) déclenché en 2003.
Mercredi, le général Jamal Omar, membre du Conseil militaire, avait accusé des paramilitaires des RSF d’avoir “tiré sur les manifestants” à Al-Obeid sans recevoir d’ordres en ce sens, après avoir essuyé des jets de pierres.
“Nous avons identifié ceux qui ont tiré à balles réelles et entraîné la mort des six” manifestants, avait-il affirmé.
En décembre 2018, des manifestations ont éclaté au Soudan contre le triplement du prix du pain dans un pays à l’économie exsangue. Elles se sont ensuite transformées en contestation du pouvoir. La répression de ces manifestations a fait plus de 250 morts, selon un comité de médecins proche des protestataires.
Ce mouvement de révolte inédit a entraîné la destitution et l’arrestation le 11 avril par l’armée du président Omar el-Béchir, porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1989 et réclamé par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour.
Inculpé de corruption, M. el-Béchir doit être jugé au Soudan à partir du 17 août.