Le premier gouvernement au Soudan depuis la chute en avril du président Omar el-Béchir doit être annoncé d’ici jeudi par le Premier ministre Abdallah Hamdok qui a appelé mardi Washington à retirer son pays de la liste des « Etats soutenant le terrorisme ».
Après avoir vécu trois décennies sous la coupe d’Omar el-Béchir, le Soudan est en plein processus de transition avec la mise en place d’institutions devant mener à un pouvoir civil, principale revendication d’un mouvement inédit de contestation ayant secoué le pays pendant des mois.
Les nouveaux dirigeants espèrent pouvoir faire revenir leur pays sur la scène internationale et relever son économie exsangue, attirant notamment des investissements étrangers.
Economiste chevronné qui a prêté serment il y a deux semaines, M. Hamdok devait annoncer un gouvernement le 28 août, mais les Forces pour la liberté et le changement (FLC), fer de lance de la contestation ayant mené à la chute de Béchir, ne lui ont communiqué la liste de leurs « ministrables » que la veille, retardant cette annonce.
« L’annonce du gouvernement aura lieu dans un délai maximum de 48 heures », a déclaré dans un communiqué le Conseil souverain, instance à majorité civile mais dirigée par un militaire qui doit superviser la période de transition.
– « Equilibre » –
Lors d’une rencontre mardi avec le Conseil, le Premier ministre a expliqué vouloir former « un gouvernement plus représentatif des différents Etats du Soudan », a indiqué le Conseil.
Il a dit aussi vouloir garantir « un équilibre » entre le nombre d’hommes et de femmes au gouvernement, poursuit le Conseil, qui précise qu’une nouvelle rencontre est prévue mercredi avec M. Hamdok.
Le Soudan s’est doté du Conseil souverain après la signature d’un accord le 17 août entre le Conseil militaire de transition, qui avait succédé à M. Béchir, et les meneurs de la contestation.
Cet accord trace les grandes lignes d’une période de transition qui doit durer un peu plus de trois ans et ouvrir la voix à des élections démocratiques.
L’un des premiers défis du gouvernement sera de relever l’économie d’un pays ayant notamment souffert de deux décennies de sanctions américaines.
Washington a levé l’embargo en 2017 tout en maintenant le Soudan sur sa liste noire des « Etats soutenant le terrorisme » qui, pour les dirigeants soudanais, a nui au développement économique, décourageant les investisseurs étrangers.
« Nous pensons que la situation permet d’enlever le Soudan de la liste », a déclaré mardi M. Hamdok lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, en visite à Khartoum.
Le Soudan est « en négociations avec les Américains et on s’attend à ce qu’il y ait des progrès » sur ce sujet, a-t-il ajouté.
M. Maas a souligné de son côté l’importance d’intégrer le Soudan dans l’économie mondiale.
« J’ai confiance dans le fait que nous (…) établirons des fondations afin que le Soudan puisse obtenir le soutien international dont il a besoin lors de cette étape importante », a-t-il dit.
– « Développement et réformes » –
Il a ajouté que la décision américaine d’enlever le Soudan de la liste noire « dépendrait largement du développement et des réformes lors des prochaines semaines et des prochains mois ».
Le Soudan est l’un des pays les plus pauvres au monde. L’économie s’est écroulée après la sécession du Sud en 2011, Khartoum ayant été privé des trois quarts de ses réserves de pétrole.
Le pays fait face à une inflation galopante, des pénuries chroniques de biens de première nécessité et un manque criant en devises étrangères.
Ces problèmes économiques ont été la cause principale des manifestations déclenchées en décembre 2018 après le triplement du prix du pain. Elles s’étaient transformées rapidement en contestation de M. Béchir, au pouvoir depuis 1989.
Plus de 250 personnes ont péri dans la répression du mouvement, selon un comité de médecins proche de la contestation.
Le futur gouvernement devra aussi composer avec un autre défi de taille: la conclusion d’accords de paix dans les six mois avec les groupes rebelles dans les régions du pays en conflit.
Plusieurs de ces groupes, situés dans des Etats marginalisés ont combattu les forces de M. Béchir pendant des années. Des centaines de milliers de personnes ont ainsi été tuées au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan-sud, et des millions d’autres déplacées.
La rencontre de mardi entre le Conseil souverain et M. Hamdok s’est aussi penchée sur la création d’une commission chargée de pourparlers de paix avec ces groupes.
Journal du mali