Le gouvernement sud-soudanais a accusé samedi l’ex-vice président Riek Machar de mobiliser des milliers de jeunes miliciens pour attaquer ses positions, alors que la communauté internationale presse les deux parties d’entamer des discussions pour stopper les combats.
« Dr Riek mobilise ses jeunes lou nuer, jusqu’à 25.000, (…) et veut les utiliser pour attaquer le gouvernement » dans l’Etat du Jonglei (est), a affirmé à l’AFP le porte-parole du gouvernement, Michael Makuei.
« Ils peuvent attaquer à n’importe quel moment », a-t-il ajouté. « Nous sommes en état d’alerte pour protéger les populations civiles ».
Moses Ruai Lat, porte-parole des rebelles, a cependant rétorqué que l’ex-vice président « ne mobilisait pas sa tribu ». Selon lui, ces jeunes sont des soldats de l’armée qui ont décidé de se retourner contre le gouvernement sans que Riek Machar ne les mobilise.
Le Soudan du Sud est déchiré depuis le 15 décembre par d’intenses combats qui menacent de dégénérer en guerre civile. Au coeur de ce conflit : une rivalité entre le président Salva Kiir et son ex-vice président, limogé en juillet.
Le premier accuse le second de tentative de coup d’Etat. Riek Machar nie et reproche à Salva Kiir de chercher à éliminer ses rivaux. Les forces rebelles ont pris en quelques jours le contrôle de capitales régionales comme Bentiu, dans l’Etat pétrolier d’Unité (nord), et Bor, dans celui du Jonglei, reprise par l’armée mardi.
Le porte-parole de l’armée sud-soudanaise, Philip Aguer, avait auparvant assuré samedi que la situation était pour l’instant calme dans les principaux foyers de tensions des derniers jours : Malakal, capitale de l’Etat du Haut-Nil (nord-est), riche en pétrole, Bor ou encore l’Etat d’Unité, où l’armée dit avoir repoussé vendredi des attaques de rebelles.
Salva Kiir et Riek Machar sont sous pression internationale pour entamer des pourparlers et arrêter l’escalade de la violence dans leur pays né il y a moins de deux ans et demi et maintenant au bord de la guerre civile.
Vendredi, les dirigeants de pays de la Corne de l’Afrique et d’Afrique de l’Est réunis dans l’organisation régionale Igad (Autorité intergouvernementale sur le développement) ont donné jusqu’au 31 décembre aux rivaux pour se parler et arrêter les combats.
Les deux hommes ont accepté le principe des pourparlers, sans fixer de date.
Salva Kiir se dit aussi prêt à un cessez-le-feu « immédiat » mais Riek Machar refuse pour l’instant de s’engager : dans un entretien à la BBC, il a réclamé la supervision de toute trêve et la libération de tous ses alliés actuellement détenus.
Premiers renforts onusiens
Samedi, le porte-parole de l’armée sud-soudanaise a aussi affirmé que ses troupes mettraient en oeuvre tout accord que le gouvernement scellerait avec les rebelles. Mais il a promis de répliquer en cas d’attaque : « Si vous êtes attaqués, vous devez répondre, » a-t-il dit.
Moses Ruai Lat a lui insisté sur la nécessité de libérer les proches de Riek Machar, notamment Pagan Amum, secrétaire général suspendu du parti au pouvoir (SPLM), désigné, selon lui, pour « mener l’équipe » de négociations par l’ex-vice président.
Le récent conflit au Soudan du Sud, indépendant du Soudan depuis juillet 2011, est alimenté par une vieille rivalité politique qui utilise et exacerbe la dimension ethnique: les Dinka de Salva Kiir contre les Nuer de Riek Machar.
Depuis plusieurs jours, des informations émergent sur des violences entre communautés: meurtres, viols, massacre.
Le bilan est déjà de plusieurs milliers de morts et l’ONU a annoncé la découverte d’au moins un charnier. Toujours selon les Nations unies, plus de 120.000 personnes ont aussi été déplacées.
Selon une source au Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés des centaines de Sud-Soudanais auraient aussi fui au Soudan voisin les combats.
Au-delà des dirigeants régionaux, d’autres pays tentent d’enrayer la crise.
Les Etats-Unis, parrains de l’indépendance du Soudan du Sud et son principal soutien économique et politique, sont en constante discussion avec les deux parties et les ont menacées d’un arrêt de leur aide.
La Chine, qui possède des intérêts dans le secteur pétrolier sud-soudanais, a annoncé l’envoi d’un émissaire.
Les Nations unies ont, elles, commencé à envoyer des renforts.
Débordée aux premiers jours des combats, l’ONU a décidé de doubler à 12.500 ses Casques bleus et d’envoyer des moyens aériens supplémentaires pour mieux protéger les civils.
Un premier contingent de 72 policiers du Bangladesh est arrivé vendredi, a indiqué un porte-parole à New-York.