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Situation sécuritaire au Sahel : L’appel « pressant » des conférences épiscopales Burkina-Niger, du Mali, de la Côte-d’Ivoire et du Ghana

Fidèles du Christ, hommes et femmes de bonne volonté, épris de justice et de paix,

  1. Face à la gravité de la situation sécuritaire et humanitaire à laquelle sont confrontées les populations de leurs pays respectifs, les évêques, prêtres et laïcs délégués des Conférences épiscopales Burkina-Niger, du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Ghana se sont retrouvés pendant deux jours à Ouagadougou, dans un climat de prière et de réflexion, les 12 et 13 novembre 2019, en vue d’évaluer l’ampleur de cette crise et d’apporter davantage leur contribution aux efforts déjà fournis pour venir en aide aux populations touchées.
  2. La crise qui dure depuis déjà quelques années au Mali, au Burkina Faso et au Niger trouve ses racines dans une diversité de causes aussi bien endogènes qu’exogènes : historiques, identitaires, culturelles, religieuses, économiques, territoriales, idéologiques, politiques ou géostratégiques.
  3. Cette crise se manifeste essentiellement par les violations quotidiennes des droits fondamentaux de la personne humaine : violation du droit à la vie caractérisée par les massacres des populations, violation du droit à la liberté religieuse se traduisant par les attaques des lieux de cultes, les attaques ciblées visant des responsables religieux ou des membres de confessions religieuses déterminées, la violation du droit à l’éducation pour tous se traduisant par la fermeture des écoles, la violation du droit à la propriété caractérisée par les expropriations forcées, la violation du droit de vivre dans un environnement sécurisé et paisible.

Ainsi, de nombreux civils tout comme les Forces de Défense et de Sécurité ont payé un lourd tribut dans ce déferlement de violence. De telles violations ont pour conséquences l’atteinte à la dignité humaine, des tensions intercommunautaires, la dégradation du vivre ensemble, la psychose au sein des populations, le déplacement massif des populations, toutes choses qui ont fini par engendrer une crise humanitaire sans précédent dans les pays concernés.

  1. Cette crise est favorisée ou alimentée par de nombreux facteurs : la pauvreté et l’ignorance des populations, la mauvaise gouvernance, la corruption, la radicalisation et l’intolérance religieuse, les trafics d’armes et de stupéfiants, la prédation des ressources naturelles par des acteurs aussi bien internes qu’externes, privés ou étatiques, l’affaiblissement des Etats du Sahel et l’annihilation des initiatives locales de développement par ces mêmes acteurs.
  2. De nombreuses initiatives ont été déjà entreprises par les Etats, par la communauté internationale, par des structures privées ou publiques, confessionnelles ou de la société civile, de même que par des personnes physiques de bonne volonté, pour soulager les souffrances des populations. Malheureusement, bien que louables, celles-ci restent en deçà des attentes, d’autant plus que la crise humanitaire ne cesse de s’amplifier et l’insécurité de se proposer.
  3. Fidèle à la mission reçue de son Divin Fondateur, Jésus Christ, mission dont l’expression ultime est de manifester à tout homme l’amour incommensurable de Dieu qui ne veut que la joie et le bonheur de l’homme et aussi d’œuvrer à rassembler tous les hommes dans une fraternité universelle fondée sur notre identité commune qui est notre humanité, l’Eglise ne saurait rester insensible à l’ampleur et aux conséquences du drame dans lequel sont plongées les populations.

En effet, ainsi que l’enseigne le Concile Vatican II, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (Gaudium et Spes, 1).

  1. C’est pourquoi, nous, archevêques et évêques, prêtres et laïcs délégués des Conférences épiscopales Burkina-Niger, du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Ghana, lançons un appel pressant :

Aux auteurs des attaques et des massacres, à y mettre fin au nom du respect de la vie qui est un don sacré de Dieu dont personne ne saurait disposer, quelle que soit son ambition, son appartenance ethnique, culturelle, politique ou religieuse ;

Aux pouvoirs publics, à faire de la protection des populations la priorité des priorités, à promouvoir la bonne gouvernance, à traduire par des actes concrets, la lutte contre la corruption et la juste répartition des richesses ;

Aux leaders des communautés religieuses, à éduquer au respect de la vie humaine, à préserver la liberté religieuse, les valeurs humaines et spirituelles communes à tous les hommes créés par Dieu et à promouvoir le dialogue interreligieux ;

Aux acteurs internationaux, à respecter le droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles locales pour leur propre développement, à arrêter les activités de prédation ou de pillage des ressources naturelles, à mettre fin aux accords inéquitables qui plombent le développement des Etats et à la vente des armes qui alimente les conflits, déstabilise les Etats et incite aux attaques qui sèment la désolation au sein des populations ;

Aux représentations diplomatiques dans les pays du Sahel, à promouvoir un partenariat vrai et respectueux du droit international et une franche coopération entre les peuples ;

Aux Conférences épiscopales sœurs, à entendre l’appel des plus pauvres et des plus vulnérables, à promouvoir une plus grande solidarité dans le combat pour la protection de la vie et la défense de la dignité humaine dans les pays touchés par les conflits, par des actions de conscientisation, de plaidoyer et à développer des initiatives de solidarité concrète avec tous ceux qui sont affectés par les crises ;

Aux populations touchées, afin qu’elles sachent rester dignes et garder confiance sans céder ni à la haine ni à la vengeance ;

Aux ONG et à toutes les personnes de bonne volonté, physiques ou morales, afin qu’elles œuvrent pour un monde de justice et de paix ;

  1. Nous réaffirmons notre engagement à collaborer avec toutes les personnes de bonne volonté pour que, dans l’urgence, l’on mette fin aux tueries et aux déplacements des populations, que leurs causes soient éradiquées, que les populations victimes ne soient pas abandonnées à elles-mêmes, mais que leur prise en charge matérielle, physique, psychosociale et spirituelle soit assurée, et qu’un travail soit engagé pour une prévention efficace des conflits et pour une paix et un vivre ensemble durables, notamment par la pratique du dialogue, de la justice et de la réconciliation.

Sur vous et sur les populations du Sahel, nous implorons la bénédiction de Dieu.

Que Marie, Notre Dame de la Paix, nous vienne en aide.

Pour les participants

+ Monseigneur Laurent B. DABIRE

+Monseigneur Jonas DEMBELE

Président de la Conférence Episcopale.

Président de la Conférence Episcopale du Mali

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