Les phénomènes ont des répercussions sur les uns sur les autres. Tel est le cas du changement climatique, du terrorisme et de l’insécurité alimentaire. La plupart des pays du Sahel connaissent une situation d’insécurité alimentaire due soit à l’instabilité climatique soit au terrorisme. Sans des solutions immédiates à cette situation, nous pensons qu’aucune sortie de crise ne pourra être espérée en matière de terrorisme.
Le changement climatique et l’insécurité alimentaire
La campagne agricole 2018 s’est bien déroulée dans l’ensemble, notamment dans la zone ouest-africaine. On estime à 70 millions de tonnes de céréales cette année en production agricole. Cela dénote de la qualité de la pluviométrie qui a été assez abondante et souvent avec quelques perturbations dues essentiellement aux fortes pluies torrentielles, provoquant des inondations massives de part et d’autre et surtout au Mali. Une situation qui a engendré des déplacements massifs de populations abandonnant ainsi leurs cultures agricoles à la merci des eaux pour abriter des zones hors dangers. Ce qui fait craindre une forte insécurité alimentaire cette année. D’ailleurs, c’est ce qui ressort du bulletin humanitaire d’OCHA Mali de la période septembre-mi-novembre : « L’insécurité alimentaire est persistante malgré une campagne agricole globalement satisfaisante ». À se rapporter à ce bulletin, on se rendra compte qu’ils seront 2,5 millions de personnes à vivre en situation d’insécurité alimentaire au cours de cette année. Une situation qui s’aggravera davantage durant la période de soudure de juin-août. Dans tout le Sahel, on estime que près de 4,5 à 9 millions de personnes vivront dans une situation d’insécurité alimentaire cette année.
En tous cas, c’est ce qui ressort de la rencontre de plusieurs décideurs d’Afrique de l’Ouest réunis en Gambie jusqu’à hier mercredi 5 décembre 2018 pour tabler sur le sujet. Ce premier aspect expliquant ce drame auquel nous faisons face cette année relève en grande partie de cette « bête » ignorée par la plupart des populations du Sahel. Le changement climatique est essentiellement responsable de cette atrocité. Ce phénomène instaure une forme d’instabilité du climat et fait que tantôt nous sommes victimes de grande sécheresse et tantôt des inondations. Plus moyens de se prémunir puisque toutes les prévisions seront faussées.
Expliquant ainsi les choses, nous sommes alors amenés à soutenir que l’humain devient son propre ennemi dans la mesure où ces effets du changement climatiques auxquels ils se trouvent confrontés relèvent de son entière responsabilité de par ses activités incontrôlées sur la nature. Pour remettre en cause René Descartes, intellectuel français, qui soutenait que « la raison a permis à l’homme de devenir maitre et possesseur de la nature », il faudrait se précipiter d’ajouter « et l’ennemi de lui-même et de toutes les autres espèces ». Il est le seul à posséder une raison devant lui permettre de poser de bons actes, mais c’est ce qui fait de lui le pire de tous. Donc, l’insécurité alimentaire, un effet du changement climatique, constitue une conséquence de l’irrationalisme de l’homme dans ses actions sur la nature.
Le terrorisme, source d’insécurité alimentaire
Outre cet aspect menant à l’insécurité alimentaire, nous ne pouvons pas ignorer le terrorisme qui constitue également une ruse de l’être humain avide de possessions. La plupart des pays du Sahel étant victimes de mouvements terroristes sans foi n’ont pas pu mener une campagne agricole convenable. Beaucoup de populations ont fui les exactions de ces groupes barbares. Dans ces propos de Soumaila Sanou, président du Réseau ouest-africain des céréaliers, recueillis par le Studio Tamani à l’occasion de la rencontre des représentants des pays ouest africains dans le cadre de la Semaine de l’Afrique et de l’Afrique de l’ouest, on peut comprendre l’apport du terrorisme dans cette question de l’insécurité alimentaire. « Quand on prend la zone du Burkina, le Niger, le Mali, une partie aussi du Nigeria, à cause de l’insécurité, les gens n’ont pas pu faire la production agricole comme ça se devait », indique M. Sanou. À Youwarou, dans la région de Mopti au Mali, nous savons que plus de 60% des récoltes n’ont pas donné cette année.
La crainte des terroristes a fait fuir bon nombre de populations de ces zones durant la campagne agricole dernière. Or, l’agriculture constitue la principale activité dans la majeure partie de ces pays. Selon le rapport 2018 de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH), plus de 15 000 personnes ont fui cette année les persécutions terroristes uniquement dans le centre. Qu’en est-il des régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni ? Ce qui expose davantage nos territoires à l’insécurité alimentaire avec ses conséquences désastreuses.
Le temps est à l’action
Des actions urgentes doivent être posées par nos États afin de contrer les conséquences désastreuses de ce phénomène d’insécurité alimentaire. Mais faudrait-il soigner la plaie sur le pus ? Cela constitue un effort vain parce qu’on ne peut pas espérer à ce titre arriver à une solution pérenne. Un bon soin est celui qui cherche la source du mal, la déracine et la décime avant de faire face au mal qu’elle a engendré. Les décideurs de nos États doivent songer à des actions de ce genre, s’ils ne veulent pas voir l’insécurité terroriste s’aggraver par l’insécurité alimentaire.
Victimes de la famine, des épidémies de tous genres, une bonne partie de ces populations ne tarderont pas à élargir le rang des terroristes. La migration irrégulière ira crescendo et de façon plus violente car plus rien ne pourra contrecarrer ces « migrants de la famine » qui seront plus déterminés que jamais. En plus de cet aspect, une étude réalisée aux États-Unis en 2017 révèle les conséquences de l’insécurité sur la croissance des enfants à bas âge par le fait qu’ils seront en manque d’énergie nécessaire pour assurer leur croissance.
Vu toutes ces effets de ce phénomène, nos États doivent agir au « coup par coup » pour résoudre ces phénomènes en partant à la racine tout en préconisant au préalable des actions d’urgences sociales comme vient de faire preuve la France, à travers son ambassade au Mali, en signant le mardi 4 novembre 2018 une convention de financement de 200 millions de FCFA destinée aux populations des régions de Ségou et de Mopti victimes d’insécurité de tous genres. Les dirigeants doivent agir de la sorte. Il ne suffit plus d’organiser des rencontres à hauteur de banquets autour de ces problèmes, il convient d’agir hic et nonc (ici et maintenant).
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays