Le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres vient de publier son rapport trimestriel sur la situation au Mali. Ce rapport alerte sur la dégradation de la situation sécuritaire, humanitaire, juridique… Il y’a eu 58 attaques terroristes faisant 287 morts, plus de 5000 déplacés durant les 3 derniers mois et 735 écoles fermées.
Application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ? Le secrétaire général des Nations-Unies a indiqué que le 25 juin 2018, le Comité de suivi de l’Accord a tenu sa vingt-sixième session, lors de laquelle il a notamment évalué les progrès accomplis dans l’application de la feuille de route adoptée le 22 mars. « Les participants ont exprimé leurs préoccupations quant à l’absence de progrès dans l’établissement d’autorités intérimaires au niveau des cercles et dans la mise en service d’unités mixtes du Mécanisme opérationnel de coordination à Kidal et Tombouctou en amont de l’élection présidentielle du 29 juillet, et ils ont demandé aux parties de créer des conditions propices à la tenue d’opérations électorales crédibles », a souligné M. Guterres. Il ajoute que comme l’avait demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2423 (2018), le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, s’est rendu au Mali du 31 août au 5 septembre 2018 et s’est entretenu avec les hauts responsables de la Mission de l’avant-projet de « pacte pour la paix », qui avait été élaboré après consultation avec le gouvernement et les parties signataires : « Le pacte pour la paix repose sur la feuille de route du 22 mars et les critères de suivi de l’application de l’Accord. Il vise à renouveler l’engagement des parties signataires, accélérer l’application de l’Accord, appuyer les efforts de paix actuels et adopter des objectifs à plus long terme »…
Au-delà, le texte rendu public comptabilise toutes les attaques perpétrées dans le Centre et le Nord du Mali. « Au cours de la période considérée, les conditions de sécurité sont demeurées très préoccupantes. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans a lancé des attaques contre la MINUSMA, les Forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales dans le Centre et le Nord du Mali, les régions de Gao et de Mopti ayant été les plus touchées. Dans le centre du pays en particulier, les actions d’intimidation, les enlèvements et les assassinats ciblés, à la fois de civils et de membres de groupes armés signataires, ont augmenté, de même que les cas présumés de violence sexuelle et sexiste ».
Spirale de violences…
Ainsi, durant la période considérée, 42 explosions produites à l’aide d’engins explosifs artisanaux ont été recensées, dont 38 % dans les régions centrales du pays. « Depuis janvier 2018, le nombre des explosions déclenchées par de tels dispositifs a considérablement augmenté, atteignant 133 contre 78 au cours de la même période en 2017. Il faut toutefois noter une baisse de 5 % du nombre de victimes de ces explosions durant cette même période », explique Antonio Guterres. Aussi, les groupes armés ont mené 58 attaques, dont 21 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes ; 16 contre la MINUSMA et 1 contre un organisme des Nations Unies ; 17 contre des groupes armés signataires… Les attaques les plus nombreuses ont eu lieu à Mopti (16) et à Gao (15), et en moins grand nombre à Kidal (10), Tombouctou (10), Ménaka (5) et Ségou (2).
Dans le Centre du Mali, poursuit-il, les conditions de sécurité ont continué de se dégrader considérablement, principalement du fait des attaques ciblées et des affrontements intercommunautaires opposant des groupes d’autodéfense et des groupes extrémistes violents.
En trois mois : 58 attaques, 287 morts
«Au cours de la période considérée, le bilan de 287 morts parmi la population civile, dont 14 femmes et 10 enfants, 38 blessés et 67 personnes enlevées est le plus élevé qui ait été enregistré depuis le déploiement de la MINUSMA. Plusieurs communes situées dans les cercles de Djenné et de Koro ont été prises dans une spirale de violences et de représailles qui a conduit à des massacres et au déplacement de plus de 5 000 civils », a déclaré M. Guterres.
Par ailleurs, il a déploré le retard dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, alors que plusieurs zones de cantonnement ou de casernement sont prêtes à recevoir des combattants depuis 2016 : «J’engage le Gouvernement à procéder au désarmement des groupes armés, à promouvoir la réconciliation et à trouver des solutions pérennes pour protéger les civils ».
Violation des droits de l’homme et situation humanitaire
Pour le secrétaire général de l’ONU, la situation sur le plan des droits de l’homme est restée très préoccupante. « Au cours de la période considérée, la MINUSMA a recensé 129 cas de violence et de violation des droits de l’homme impliquant 518 victimes, dont 68 femmes et 32 enfants, contre 344 cas et 475 victimes au cours de la période précédente », indique-t-il. Et d’ajouter : « On a dénombré, entre autres, 54 cas d’exécution extrajudiciaire ou autres exécutions arbitraires, 15 cas d’enlèvement ou de disparition forcée, 18 cas de torture ou de mauvais traitements et 8 cas de détention illégale. Les Forces de défense et de sécurité maliennes ont été impliquées dans 18 violations, dont 4 cas d’exécution extrajudiciaire. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et d’autres groupes similaires ont porté la responsabilité de 47 cas d’atteinte aux droits de la personne, les groupes locaux d’autodéfense, de 49 cas, et les groupes signataires, non signataires ou dissidents, de 15 cas ». Ainsi au total, 64 % des violences et des violations des droits fondamentaux ont été commises dans les régions de Mopti et de Ségou ; 13 %, dans la région de Tombouctou ; 7 %, à Bamako ; 6 %, dans la région de Gao ; 5 %, dans la région de Kidal ; 4 %, dans la région de Ménaka. De janvier à juin 2018, on a dénombré 1 115 cas de violence sexiste, dont 758 cas d’agression sexuelle. Dans 68 % des cas, les victimes étaient des filles âgées de moins de 18 ans. Elles ont reçu 150 trousses de santé procréative, dont des trousses médicolégales pour les cas de viol.
Situation humanitaire ? Il ressort de ce rapport que la situation humanitaire a continué de se détériorer en raison de l’insécurité dans les régions du Nord et du Centre et des effets d’une mauvaise saison des pluies en 2017. Plusieurs régions et quelque 25 000 personnes ont été touchées par d’importantes inondations. Par ailleurs, les affrontements intercommunautaires ont contribué à faire grossir le flux des déplacés, le nombre de ces personnes ayant presque doublé entre janvier et juillet. Dans l’ensemble, 5,2 millions de personnes, contre 3,8 millions en 2017, ont actuellement besoin de protection et d’une aide pour échapper à la mort. « En conséquence, le plan d’aide humanitaire pour 2018 a été revu en juillet afin de prendre en compte l’augmentation des besoins, et il est prévu que le nombre de personnes bénéficiant du plan de secours passe de 1,56 million à 2,9 millions. Les besoins de financement sont passés de 263 à 330 millions de dollars, mais 32 % seulement de ce montant (soit 106 millions de dollars) ont été reçus au 6 septembre », a-t-il souligné.
À la fin de l’année scolaire, en raison de l’insécurité résultant des menaces et des attaques de groupes extrémistes violents, 735 écoles sont restées fermées dans les régions de Mopti (464), de Tombouctou (88), de Gao (67), de Ménaka (60), de Kidal (42) et de Ségou (14). « Il a été établi en juin, grâce à la collaboration des autorités régionales de l’éducation avec le module humanitaire Éducation en place dans le pays, que 1 108 écoles avaient fermé leurs portes au moins une fois (pendant 20 jours d’affilée) durant l’année scolaire 2017-18, ce qui avait privé 332 400 enfants de scolarité… », précise le rapport.
Par ailleurs, le secrétaire général a invité les parties concernées à achever de définir une stratégie nationale de reconstitution et de redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes et de la police territoriale, dont le rôle est primordial pour instaurer une stabilité durable et assurer la protection de la population. « La situation en matière de droits de l’homme est alarmante. Il est absolument impératif que le Gouvernement prévienne les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits, y compris celles commises par les Forces armées maliennes pendant leurs opérations de lutte contre le terrorisme. Toutes les allégations de violation doivent donner lieu rapidement à une enquête exhaustive et à des mesures visant à ce que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes… », estime Antonio Guterres.
Mohamed Sylla
Source: L’ Aube