La halite, couramment appelé sel gemme de Taoudénit dans le langage minier, est une espèce minérale solide composée de chlorure de sodium de formule brute (NaCi). Ce sel gemme se trouve dans le sous-sol de Taoudénit, une localité située à 1225 km de Gao. Actuellement, elle est érigée en Région.
Alpha Cheick Cissé, originaire de Tombouctou, est considéré comme un fin connaisseur du sel gemme pour ne pas dire un spécialiste averti. Selon lui, la zone de Taoudénit était une zone où, la mer avait existé et au fil des siècles, elle s’est transformée en désert à la suite de changements survenus. Selon lui, l’extraction du sel gemme se fait en creusant parfois à seulement cinq mètres de profondeur. Il a expliqué que les cristaux blancs salés extraits sont de 4 qualités de sel gemme, dont les deux dernières sont appelées respectivement en arabe «Albèza» et «Alkansa». Elles sont les deux meilleures qualités de sel gemme, a assuré le spécialiste. Alpha Cheick Cissé relève que sur le site du sel gemme, il y a plusieurs catégories de travailleurs : ceux qui creusent, ceux qui taillent le sel pour lui donner la forme de barre et ceux qui le transportent sur les lieux de commercialisation. « Jusqu’aux années 1982 et 83, le sel gemme de Taoudénit se transportait à dos de chameaux. Et chaque chameau pouvait transporter 4 barres de sel de 25 à 35 kg et le voyage pouvait durer jusqu’à 80 jours. Les trois grandes destinations du sel gemme étiaent Tombouctou, Bamba et Gao. Chacune de ces localités ravitaillait les autres zones. Par exemple, les gens de Tombouctou coulaient leurs marchandises sur les marchés de Nioro qui, à son tour, ravitaillait Bamako», a rappelé Cissé, précisant qu’à cette époque, la barre de sel gemme coûtait 2000 à 3000 Fcfa selon sa qualité.
Mohamed El Béchir est vendeur grossiste de sel gemme de Taoudénit sur le marché de Gao. «Depuis 30 ans, je suis dans le commerce du sel gemme que j’ai hérité de mon père. C’est un travail très dur, mais qui appartient à tout individu qui ne veut pas vivre aux crochets des autres. Sur les mines du sel gemme de Taoudénit, je peux faire parfois un mois avant d’atteindre le sel brut avec l’aide des amis. Nous soulevons ensemble les masses brutes pour les sortir du sous sol et ensuite d’autres les taillent.
C’est avec les revenus tirés de ce travail que je me suis marié», dit-il. En un mois, Mohamed El Béchir ne peut extraire que quatre barres. «L’activité est comparable à l’orpaillage parce qu’on creuse jusqu’à 1 km de longueur et 6 mètres de profondeur. Parfois les galeries s’effondrent sur des êtres humains et c’est la dé solation totale.
Auparavant, le transport des barres de sel se faisait à dos de chameaux mais aujourd’hui ce sont les propriétaires de gros porteurs qui font le trajet de Taoudénit jusqu’ici à Gao en quelques jours seulement. Mais ce transport nécessite évidemment du carburant, des bons pneus et un moteur en bon état parce que la voie n’est pas carrossable, ce sont plutôt des dunes de sable qu’il faut dompter », explique notre interlocuteur.
Avec les camions, le transport d’une barre de sel gemme coûte 5000 Fcfa et elle est vendue sur le marché de Gao à 7500 Fcfa, a affirmé Mohamed El Béchir. « Toutes les Régions du nord ne consomment que du sel gemme de Taoudénit et même certains pays. C’est avec la crise de 2012 que nous avons constaté la présence du sel iodé sur nos marchés», a constaté le vendeur. « Lorsqu’une femme a des maux de ventre dus à son cycle menstruel, on lui fait boire de l’eau tiède contenant un peu de sel gemme pour apaiser ses douleurs», a-t-il ajouté
Mahamar Maïga est aussi un vendeur grossiste de sel gemme depuis 20 ans. Selon lui, la caravane des chameaux peut transporter 250 barres de sel pour un voyage de 6 mois tandis qu’aujourd’hui un seul camion peut transporter la même quantité en quelques jours. Mes clients viennent de Hombori, Gossi et Gao. «Au temps des chameaux, nous vendons le kg de sel gemme à 125 Fcfa, mais aujourd’hui avec les camions nous cédons le même kg à 200 Fcfa et parfois je peux vendre de 100 à 200 kg par jour », explique-t-il.
La secrétaire générale du gouverneur de Gao, Mme Maïga Inna Yanoga, a assuré que depuis 30 ans, elle et sa famille ne consomment que du sel gemme qui aurait plus bon goût que le sel iodé. Mohomoune Haïdara, chauffeur au gouvernorat de Gao, a, lui aussi, confié qu’il ne consomme que le sel gemme depuis son arrivée à Gao. Cependant, le médecin de santé publique à la Direction régionale de la santé de Gao et point focal nutrition, Boubacar Traoré, explique que le sel gemme à l’état naturel ne contient pas de qualité suffisante d’iode pour la consommation. Alors que la consommation d’iode est recommandée, car elle permet de corriger les carences. Son insuffisance provoque notamment le crétinisme et le goitre.
Quant au médecin nutritionniste de la Direction régionale de santé de Gao, Isaac Kodio, il précise que le sel gemme est constitué en grande partie de chlorure de sodium. Le sel contient jusqu’à 95% du chlorure de sodium. Selon la provenance du sel gemme, il peut contenir du fer, du calcium, du bronze et du magnésium. «À l’état brut, le sel gemme peut contenir une fine quantité d’iode qui est insuffisante pour les besoins de l’organisme et d’autres sels gemmes n’en contiennent même pas, dû à leur origine. Une fois raffiné à l’usine, on extrait le sel de cuisine, alimentaire ou sel de table. Ce sel est fortifié en iode et en fluor. L’iode est une matière qui permet de lutter contre des maladies notamment les troubles mentaux et le fluor aussi lutte contre les caries dentaires, explique le nutritionniste.
Et en matière de santé, nous sommes en train de mener toute une campagne pour que les populations cessent de consommer ce sel gemme », détaille-t-il, ajoutant que tous les 5 ans, le ministère de la Santé organise une campagne dénommée « Enquête démographique et de santé du Mali (EDSM) pour connaître, entre autres, le taux des ménages qui consomment le sel iodé.
Abdourhamane TOURÉ
AMAP-Gao
Source: Essor