devra décloisonner les cadres institutionnels d’orientation et servir d’outil d’aide à la prise de décisions des hautes autorités
D’une nécessité avérée, la Politique nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PolNSAN) a été validée hier, à l’issue d’un atelier national qui a réuni durant deux jours (24 et 25 janvier) par près de 200 acteurs du secteur.
La sécurité alimentaire prévaut lorsque, selon la FAO, «toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels pour leur permettre de mener une vie active et saine ». Définie comme telle, la sécurité alimentaire reste dès lors un défi à relever pour le Mali où plusieurs contraintes majeures subsistent encore, malgré un taux de couverture satisfaisant des besoins alimentaires et un niveau de sécurité alimentaire satisfaisant en année de bonne pluviométrie.
Dans notre pays, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle revêt deux formes : conjoncturelle et structurelle. En effet, un Malien sur cinq se trouve en insécurité alimentaire chronique, et plus d’un enfant de moins de cinq ans sur quatre souffre d’un retard de croissance (29.3% SMART mai 2015).
Les causes sont liées, entre autres, à des facteurs affectant la disponibilité alimentaire, l’accessibilité alimentaire et des facteurs aggravant comme les chocs.
Pourtant, le Mali dispose d’un potentiel de développement important pouvant contribuer à réduire considérablement ce fléau. Et, ce ne sont pas les initiatives qui ont manqué pour assurer à notre pays une souveraineté alimentaire durable. Faut-il le rappeler, les gouvernements successifs ont toujours mis l’accent sur les politiques et stratégies nationales d’amélioration de la gouvernance institutionnelle et financière de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Combler la lacune. Cependant, « les acquis obtenus en matière d’amélioration des conditions de vie des populations ont souffert de l’absence d’une politique globale nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle », concède Oumar Ibrahim Touré, ministre commissaire à la sécurité alimentaire. Aussi, plusieurs audits réalisés par les partenaires techniques et financiers (la FAO en 2011 et l’Union européenne en 2013) ont conclu à la nécessité de combler cette lacune, renchérit la représentante résidente de la FAO au Mali et non moins coordinateur du sous-groupe « Sécurité alimentaire et nutritionnelle » des PTF, Fatouma Seid. Qui précise que « des moyens considérables sont mobilisés chaque année par les PTF afin de venir en appui au gouvernement et aux populations vulnérables pour résoudre les situations d’urgence alimentaire ».
Il est donc de la plus haute importance que le Mali se dote d’une Politique nationale de référence, devant servir de creuset à des initiatives et énergies pour faire face de manière durable à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, en particulier les plus vulnérables.
C’est sur recommandation du Conseil national de sécurité alimentaire, que le gouvernement a entamé l’élaboration de cette Politique nationale, il y a 14 mois. Son élaboration a « suivi une démarche participative et itérative comportant plusieurs étapes et impliquant tous les acteurs concernés », assure le ministre commissaire Touré. Le caractère multidimensionnel, multisectoriel de la sécurité alimentaire et nutritionnelle l’exigeait.
Les participants à l’atelier national achevé hier n’avaient donc plus qu’à conclure le processus de formulation, en validant le document et son plan d’actions. Occasion pour eux également de s’approprier effectivement cette politique qui s’inscrit dans les priorités de développement économique et social du Mali, définies par le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable du Mali (CREDD).
La finalité poursuivie à travers le PolNSAN est de réduire structurellement la pauvreté et les inégalités, en « assurant l’accès de tous les Maliens, à tout moment, aux aliments nécessaires pour mener une vie saine et active ». À cet égard, elle devra relever un certain nombre de défis et d’enjeux. Il s’agit d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population en forte croissance et de plus en plus urbaine, affectée par des chocs et des crises alimentaires récurrentes ; de développer des stratégies cohérentes prenant en compte les intérêts des producteurs et des populations rendues vulnérables par l’instabilité des prix ; de développer des mesures de politique agricole (subvention des intrants) et commerciales (suppression des taxes à l’importation de produits alimentaires de base, restrictions des exportations agricoles) cohérentes.
Aussi, elle devra mettre en place des systèmes de stockage plus performants sur l’incidence des prix des céréales pour réduire les flambées de prix lors des crises alimentaires ; améliorer l’environnement commercial des filières céréalières ; améliorer la compétitivité des filières agricoles porteuses sur le marché sous régional, régional et international ; et contribuer à la prévention de la malnutrition et à la réduction des prévalences des différents types de malnutrition.
Quatre axes d’orientation. Toutes ces dimensions sont prises en compte dans les quatre axes d’orientation stratégiques de la PolNSAN. L’axe stratégique 1 est relatif à l’amélioration de l’incidence de la production agricole et rurale sur la disponibilité, la stabilité, l’accessibilité et l’utilisation des aliments pour ajuster durablement l’offre alimentaire à la demande des populations. L’axe 2 a trait à la prévention des chocs et des crises, et comment atténuer leurs effets sur les populations vulnérables. Le troisième axe concerne la prévention et la réduction des différentes formes de malnutrition. Et enfin, le dernier axe permettra d’améliorer la gouvernance institutionnelle et financière de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Avoir une telle politique, qui intègre aussi la protection sociale et la nutrition, exige de décloisonner les cadres institutionnels d’orientation qui, actuellement, régissent séparément ces différentes dimensions, à savoir le Conseil national de sécurité alimentaire (CNSA), le Conseil national de nutrition (CNN) et le Conseil national d’orientation stratégique de la protection sociale (CNOS-PS). La PolNSAN aura donc un seul cadre : le Conseil national de sécurité alimentaire nutritionnel et de la protection sociale (CNSANPS).
Domicilié à la Primature, ce cadre de résultats sera l’outil d’aide à la prise de décisions sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des hautes autorités.
Les attentes du gouvernement sont fortes quant à la PolNSAN, a souligné le ministre commissaire Oumar Ibrahim Touré, lors de la cérémonie d’ouverture des travaux. Aussi, appellera-t-il les PTF à soutenir la mise en œuvre du plan d’actions de cette politique. « Cela en vue de réduire les disparités régionales, vaincre la faim, la malnutrition, la pauvreté et contribuer ainsi à l’accélération de l’atteinte des Objectifs du développement durable ».
De leur côté, les PTF, selon Fatouma Seid, comptent sur « la détermination du ministre commissaire à rendre opérationnels les organes du dispositif pour permettre à tous les partenaires à mieux collaborer pour apporter une réponse adéquate aux besoins des ménages vulnérables et exposés à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Mali ».
Issa Dembélé
Source: essor