Après le scandale de la vente de logements sociaux en cash, pour faire face à un problème de ‘’liquidité financière’’, voilà que le gouvernement du Mali s’embourbe encore. Dans un monde en quête de terres arables propices à l’agriculture et dans un contexte d’insécurité alimentaire, le Conseil des ministres de ce 28 août vient d’adopter une décision aussi impopulaire que contrastée en changeant la vocation agricole de plusieurs hectares de champ qui seront destinés à la construction de logements sociaux.
Plus de 80 pour cent de la population du Mali exercent des activités agricoles, ce qui en fait un secteur essentiel pour la croissance économique du pays. Cependant, dans les communes environnantes de Bamako, les ressources naturelles, particulièrement les terres agricoles, sont soumises à une forte pression.
Celle-ci se manifeste par une augmentation croissante du nombre de titres fonciers (TF) pendant ces dernières années. Les communes périurbaines de Bamako comptaient en décembre 2010, 43 694 TF avec une superficie de 56 164 hectares, 83 ares et 59 centiares.
Cette augmentation significative des TF profite peu ou pas à la production agricole. Les usages de la terre étant constamment modifiés, les terres acquises par les nouveaux acquéreurs (les Bamakois) sont utilisées dans la plupart des cas comme un moyen de thésaurisation foncière pour de futurs terrains d’habitations. C’est ainsi qu’environ 70 % des TF ont vocation d’habitation. Selon plusieurs observateurs, l’approvisionnement des populations bamakoises en céréales et légumes que les paysans assuraient tant bien que mal se détériore, anéantissant les effets bénéfiques d’une sécurisation foncière par voie d’immatriculation.
Voilà que le gouvernement du Mali en rajoute à cette tension en puisant dans les réserves foncières de Samanko, dans la commune du Mandé, une zone réputée par la richesse de ses terres, au point qu’elle abrite une station de recherche agricole de l’Institut d’économie rurale (IER). Depuis ce 28 août 2019, la vocation d’une importante partie de ces réserves foncières a été modifiée au profit de la réalisation des logements sociaux.
« Sur le rapport du ministre de l’Habitat de l’Urbanisme et du Logement social, le Conseil des ministres a adopté un projet de décret portant changement de vocation des parcelles de terrain, objet des titres fonciers n°156 892, n°156 893, n°156 894, n°156 895, n°156 896, n°156 897, n°156 898 et n°156 899, tous issus du morcellement du Titre foncier n°1 209 du 26 novembre 1936 sise à Samanko dans le Cercle de Kati, Région de Koulikoro », indique le communiqué du Conseil des ministres.
Selon le même communiqué, ces les parcelles de terrain, suivant le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Commune rurale du Mandé approuvé par Décret n°2014-0870/P-RM du 26 novembre 2014, sont assujetties à la vocation agricole. Ainsi, c’est le projet de décret du conseil des ministres de ce 28 août qui change cette vocation en celle ‘’d’habitat dans le cadre de la réalisation des orientations du Président de la République sur le plan des logements sociaux’’.
Cette décision est l’œuvre d’un gouvernement qui s’illustre de jour en jour par des scandales. Alors qu’il est incapable de finaliser des chantiers de milliers de logements sociaux, à N’Tabacoro, Kati, Samaya, lancés depuis plusieurs années, le régime vient de s’attaquer à des terres à vocation agricoles pour implanter des constructions. Il s’agit non seulement d’une perte importante pour l’agriculture, mais aussi un gros risque d’exposer la zone aux prédateurs fonciers qui ne tarderont plus à faire main basse sur le reste de ces réserves. Puisque ce gouvernement est incapable de mettre en place une politique de sécurisation du patrimoine foncier qu’il soit privé ou public.
La réalisation d’un cadastre polyvalent tant chanté sur tous les toits, depuis 2013, peine à se concrétiser et le foncier devient une véritable source de tensions sociales au Mali.
Par Sidi DAO
Source: Info Matin