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Sans Tabou: Grève des enseignants, le coup de bluff du PM ?

Après l’annonce faite lors de la deuxième journée des travaux sur les grandes orientations politiques du Dialogue National Inclusif au CICB, la semaine dernière, le Premier ministre vient de mettre en exécution sa menace en procédant au lancement du processus de recrutement de 15 300 enseignants volontaires pour, dit-il, suppléer les grévistes dans les établissements publics. Une décision qui sonne comme une déclaration de guerre faite aux syndicats enseignants signataires du 15 octobre 2016. Tous les ingrédients sont désormais réunis pour la compromission de l’année scolaire au grand dam des enfants qui ne demandent qu’à reprendre le chemin de l’école.

C’est désormais le bras de fer qui s’engage entre le gouvernement et le Collectif des syndicats enseignants signataires du 15 octobre 2016, suite à l’appel à candidatures pour le recrutement de 15 300 enseignants des écoles spécialisées.

« Quand deux éléphants se battent, l’herbe en souffre », dit-on. Tout porte à croire que dans le bras fer engagé entre le PM et les syndicats enseignants, depuis quelque temps, c’est, sans conteste, l’école malienne et les écoliers qui en sont les grands perdants.

Alors que les enseignants demandent à être mis dans leurs droits, le chef du gouvernement, n’a pas trouvé mieux que de tenter de les remplacer dans les classes, faute d’accord. Et cela, en lançant une opération de recrutement d’enseignants, dont le timing et les capacités de ces nouveaux enseignants à assurer pleinement les cours dans les écoles suscitent des interrogations.

L’obligation aujourd’hui pour l’État d’assurer la continuité du service public de l’éducation peut-il justifier une telle mesure dont la légalité parait, du reste, très douteuse en ce qu’elle porterait atteinte au droit de grève qui est un droit et une liberté fondamentale garantis par notre constitution ?

Après le dépôt des dossiers, ces enseignants seront-ils déployés directement sans test compte tenu de l’urgence ? Cette décision en elle-même n’est-elle pas le début d’un autre problème dans le futur ? Pense-t-il réellement que ces menaces vont faire revenir les grévistes à de meilleurs sentiments ?

Au-delà des interrogations, nous estimons que le Premier fait fausse route. Premièrement, parce que les 15 300 ne peuvent ne pas remplacer numériquement l’effectif des enseignants concernés dont le nombre est estimé à plus de 63 000 enseignants. La deuxième raison est que cette tentative maladroite risque de pousser les enseignants qui se disent ouverts au dialogue à tourner le dos à la table de négociation.

Aussi, la question qu’on se pose à la suite de cette annonce est de savoir comment l’État, qui évoque les contraintes budgétaires pour refuser application de l’article 39 de la loi n° 007 du 16 janvier 2018, parvient à avoir les moyens de recruter ?

En tout état de cause, après la démonstration de force du jeudi dernier, il n’est pas souhaitable de voir à nouveau ces enseignants dans la rue au risque de voir la marche pacifique dégénérée.

En somme, il serait difficile de casser une grève d’une telle ampleur en recourant au remplacement systématique des enseignants grévistes par de nouvelles recrues généralement inexpérimentées. Le gouvernement serait dans son droit et dans son rôle, s’il avait tout simplement réquisitionné certains enseignants pour assurer le service minimum dans les écoles pendant le temps des négociations avec les syndicats représentatifs d’enseignants. Car, la loi autorise en effet la réquisition de certains personnels sous certaines conditions.

Pourtant, à regarder de près, sans faire de partie pris, on constate que la situation se résume au fait que le gouvernement s’appose sa propre signature sur un accord avec les enseignants.

Par Abdoulaye OUATTARA

Info-matin

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