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Salif Keita : “A chaque élection au Mali, les sacrifices d’albinos reprennent”

En Afrique, c’est encore très dur d’être “blanc de peau et noir de sang”. A l’occasion de ses deux concerts parisiens, le chanteur raconte son combat contre les violences faites aux albinos, et sa plus belle victoire.

L’“autre Blanc”, celui du titre de votre disque, c’est vous ?
Oui, c’est moi, blanc de peau et noir de sang. Je suis différent, et je l’ai souvent mis en avant dans ma musique [les disques Folon en 1995, La Différence en 2009, ndlr], mais ma vision de l’Afrique reste celle d’un Africain, et c’est bien de le rappeler aussi.

La situation des albinos n’a-t-elle pas évolué en Afrique ?
Les albinos se fédèrent, les associations agissent, mais, dans certains pays d’Afrique, dans certaines régions du Mali, les mentalités n’ont pas évolué. A chaque élection, pour des questions de superstition, les sacrifices humains reprennent : les albinos sont arrachés à leur maman et assassinés. En novembre, j’ai chanté à Fana, une grosse ville du Mali, à la mémoire d’une petite fille de 5 ans enlevée chez elle, dans son lit, juste avant la présidentielle. On l’a retrouvée décapitée, la tête posée à côté de son corps.

Avez-vous été discriminé ?
Pas dans ma famille, où il y a des albinos du côté de ma mère — mon arrière-grand-père et mon grand-père étaient roux… Mon père a eu un choc à ma naissance, mais il a fini par s’y faire. C’est à l’école que les enfants se moquaient de moi et m’insultaient. C’était aussi certaines personnes au village, comme un féticheur que ma mère était allée consulter, qui lui a dit : « Si tu veux sauver ton mariage, tu dois me donner ton enfant. » Elle a refusé…

“Etre célèbre m’a protégé.”
L’albinisme a-t-il été un handicap ?
Etre célèbre m’a protégé. C’était plus difficile avant. Quand je suis arrivé à Bamako, en 1968, mon rêve était d’être instituteur. A la fin de mes études, le médecin de mon centre de formation m’a pris à part pour me dire que je ferais peur aux enfants. Et il m’a déclaré inapte à l’enseignement, officiellement à cause de problèmes de vue, alors que je voyais très bien. C’est ce qui m’a décidé à devenir chanteur.

Comment œuvre la Fondation Salif Keita ?
Sa mission est d’améliorer les conditions de vie des enfants albinos au Mali et en Guinée. On a distribué 50 000 tubes de crème solaire depuis 2006. On prend en charge les frais de consultation ophtalmologique ou dermatologique, on informe, on forme à un métier. La fondation recense, aussi : dix mille albinos rien qu’au Mali.

“Ma fille est albinos et championne olympique ! ”
N’est-ce pas le rôle de l’Etat ?
L’Etat ne fait pas grand-chose ; les affaires ne sont même pas traduites en justice. Les sacrifices sont commandités par les gens riches et les hommes politiques sont les premiers à avoir recours aux sacrifices.

Que vous inspire votre fille, Nantenin ?
Quand elle était petite, j’étais très inquiet pour elle. Elle était albinos et malvoyante, j’avais peur qu’elle subisse des maltraitances. Mais elle a grandi dans l’amour. Vers ses 5 ans, je l’ai inscrite dans un institut spécialisé à Paris. Et maintenant, elle est championne olympique [médaille de bronze sur 400 mètres aux Jeux paralympiques de 2016, ndlr]. Je suis tellement fier d’elle !

telerama.fr

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