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Saisie par l’opposition de la Cour suprême en vue d’annuler le décret de nomination des membres du gouvernement: Soumi déraille

Véritable souci pour le respect de la légalité républicaine ou simple opération de charme envers l’électorat féminin ? A travers le prisme des élections qui profilent, la saisine de la Cour suprême par le principal adversaire du Président IBK ressemble, à s’y méprendre, à une désespérée jactance populiste pour juste racoler les déçus au lendemain de la mise en place d’un Gouvernement qui n’a pas fait que des heureux.

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Conjecture purement politico-juridique, la requête du Parti du Chef de file de l’Opposition, s’il pèche par son caractère solitaire (aucun autre parti de la mouvance n’est associé), constitue une grosse boulette juridique de sa part étant donné qu’il regorge d’éminents praticiens du Droit. C’est pourquoi, la requête de l’URD tendant à annuler le décret de nomination des membres du Gouvernement ne peut être qu’une manœuvre politicienne qui ne peut tenir en droit ni prospérer devant une Cour.

Fondement de la requête
Par requête déposée avant-hier mercredi 19 avril 2017, l’Union pour la République et la Démocratie (URD), a saisi la Cour constitutionnelle aux fins d’annuler le décret N°2017-0320 P-RM du 11 avril 2017 portant nomination des membres du Gouvernement. Une première au Mali.
A l’appui de sa singulière demande, le parti de l’honorable Soumaïla CISSE, Chef de file de l’Opposition dite républicaine et démocratique, allègue une violation de la loi N°2015-052 du 18 décembre instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.
L’article 1er de la loi N°‎2015-052 en date du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives prévoit en effet: ‘’à l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté́ ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inferieure à 30 %’’. L’article 3 dudit décret renchérit : ‘’ les mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives sont appliquées dans les Institutions de la République et dans les catégories de services…’’
Dans l’extrait de la requête que notre confrère de ‘’L’Indépendant’’ d’hier publie en exclusivité, l’URD se fonde sur le fait : ‘’que s’il est théoriquement évident que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement sur proposition du Premier ministre, il est tout de même incontestable que ce dernier, en proposant une liste de 35 personnes dont 8 femmes, soit moins de 30% de l’effectif, a méconnu la loi N°‎2015-052 en date du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives;

Que mieux, lors de la célébration de la fête du 8 Mars 2017, le Président de la République a solennellement déclaré qu’il respectera la loi précitée lors de la formation du prochain Gouvernement ;
Que c’était sans savoir que ni la loi encore moins cette promesse n’allaient pas être respectées;
Que dès lors cet excès de pouvoir doit être sanctionné par l’annulation du décret ‎2017-0320/P-RM du 11 avril 2017 PORTANT NOMINATION DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI ‘’.
Le Parti de la poignée de main qui cherche toujours des noises au Président IBK entonne encore le disque très rayé de la violation du serment pour n’avoir pas respecté les dispositions de la loi qui impose 30% de quotas aux femmes, y compris dans le gouvernement.
La requête du Parti de la poignée de main a-t-elle des chances d’aboutir ?

Sur la forme
C’est en bon droit que les conseils de l’URD ont adressé leur requête à la section administrative de la Cour suprême «compétente pour connaître en premier et dernier ressort des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés ministériels ou interministériels ».(article 41 de la Loi n° 96-071 Portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle).
Sans être d’une expertise à la hauteur des avocats de l’URD, en matière de contentieux administratif, son contentieux en annulation pour violation de la loi relève de contentieux pour excès de pouvoir. Donc l’URD fait bien de saisir la Cour suprême au lieu de la Cour constitutionnelle.

Sur le fond
Si le juge administratif est le juge compétent pour connaître du contentieux pour excès de pouvoir des actes administratifs, peut-il connaître de tous les actes administratifs ? Autrement est-ce que son contrôle s’étend à tous les actes administratifs ?
Le droit c’est la règle et l’exception à la règle. Donc, les éminents juristes de l’URD ne peuvent ignorer qu’il existe des actes administratifs qui échappent au contrôle du juge administratif ; des actes qu’on appelle fort à propos : ‘’les actes de gouvernement’’.
Il s’agit, selon la doctrine admise, des actes que le juge administratif reconnaît comme tels, en refusant qu’ils puissent être discutés par la voie contentieuse, tant par voie d’action (dans le cadre d’un recours direct pour excès de pouvoir) que par voie d’exception (dans le cadre d’une exception d’illégalité ou d’un recours en responsabilité).

Pour la doctrine et la jurisprudence, il s’agit, d’une part, des actes liés à la conduite des relations extérieures du pays et, d’autre part, des actes qui touchent aux rapports entre les pouvoirs constitutionnels.
Cette dernière catégorie d’actes se rapporte aux :

1°) Décisions prises par le pouvoir exécutif dans le cadre de sa participation à la fonction législative (refus de présenter un projet de loi au Parlement, décision de promulguer une loi, décision de déposer ou de retirer un projet de loi, refus de faire les diligences nécessaires à l’adoption rapide d’un projet de loi, refus de prendre l’initiative d’une révision constitutionnelle …)
2°) Décisions prises par le Président de la République dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels (nomination du Premier ministre, nomination des membres du Gouvernement sur proposition du Premier ministre, décision de soumettre un projet de loi au référendum, décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels prévus par la Constitution, décision de dissoudre l’Assemblée nationale…)
Parce que constitutionnels, sont qualifiés d’actes de gouvernement les actes concernant les rapports entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. C’est pourquoi, les décrets relatifs à la nomination du Premier ministre et celui relatif à la nomination des membres du Gouvernement qui mettent en cause les ‘‘rapports d’ordre constitutionnel institués entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement’’ sont des actes de gouvernement et sont donc indiscutablement insusceptibles de contentieux. En tout cas, c’est dans ce sens que s’est prononcé la jurisprudence française à laquelle nous nous référons comme verset de coran : CE, 16 septembre 2005, requête numéro 282171, requête numéro 282172, requête numéro 282173, Hoffer : JCPA 2005, act. 582.

Même si les conséquences d’un acte de gouvernement peuvent entraîner la responsabilité de l’Etat (toutefois, en la matière, la responsabilité pour faute de l’Etat est exclue), comme on le voit, les actes de gouvernement sont des actes pris par des autorités administratives dans différents domaines qui, en raison de leur nature, échappent à la compétence du juge administratif et plus généralement à tout contentieux de la légalité, par voie d’action ou par voie d’exception.

Sur le fondement
Si la notion d’acte de gouvernement est en perpétuel recul, les exigences de l’Etat de droit n’étant guère compatibles avec l’idée que certains actes pris par l’Etat sont ‘’au-dessus’’ de tout contentieux. Néanmoins, la catégorie des actes de gouvernement persiste et ces fondements restent encore solides tant dans la doctrine que dans la jurisprudence. Leur ‘’immunité’’ se justifie à trois niveaux :

1°) La Raison d’État :
L’intérêt national permet parfois de justifier des atteintes au droit et à la légalité. Les actes de gouvernement concernant les relations extérieures peuvent être ainsi justifiés par cette raison d’État, ce qui a permis en France pendant longtemps l’hégémonie de l’interprétation des traités par le Ministère des Affaires étrangères, et qui y justifiait toujours aussi la saisine du ministre des affaires étrangères afin qu’il constate si le traité est appliqué de manière réciproque.

2°) La séparation des pouvoirs :
Le problème des rapports de force entre les différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) pousse le juge à limiter son pouvoir afin de ne pas avoir un rôle prépondérant et limite le déséquilibre des pouvoirs par le biais des actes de gouvernement. Par exemple, le juge administratif français affirme ne pas pouvoir contrôler la qualité des personnes nommées comme membre au conseil constitutionnel (CE 1999 Madame Ba)).

3°) Le mobile politique :
De nombreux actes de gouvernement sont en réalité des actes ayant un caractère très politique. La limite entre la légalité et la politique devient ainsi très ténue : par exemple le président détient un pouvoir constitutionnel de nomination, mais si le juge contrôle ou censure ce pouvoir de nomination (qui ne manque point de motivation politique), cette censure ressemblera plus à une action politique du Juge qu’à une véritable décision de justice. Puisqu’en la matière, justice et politique se confondent, le Juge préfère alors ne pas contrôler au nom des actes de gouvernement.
Comme on le voit il n’y a aucune chance pour qu’aboutisse cette requête qui ne fera que distraire le gouvernement et sa Majorité et permettre à l’Opposition URD de ne pas se faire oublier.

Que retenir ?
Au regard de l’expertise avérée en la matière dans le Parti du Chef de file de l’Opposition, il s’agira beaucoup plus d’activisme motivé par une stratégie de racolage politique en vue des prochaines élections que d’une vraie bataille juridique lancée sur la base de convictions et de préoccupations républicaines. Un coup de bluff judiciaire, mais un véritable coup de Jarnac au plan de médias dont le but est d’entretenir, braquer sur la nomination du Gouvernement les feux de l’actualité. Avec bien sûr une arrière-pensée électoraliste. Soumi veut simplement plaire aux femmes en leur disant : regardez, IBK vous a promis 30%, il ne vous a pas donné, moi je vous le promets quand je serais élu.

Par Bertin DAKOUO

 

Source: info-matin

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