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Sa Sainteté le Pape François lors de son accueil officiel ce samedi à l’esplanade de la mosquée Hassan à Rabat : «Pour moi, cette visite est une opportunité pour promouvoir le dialogue interreligieux et la connaissance réciproque entre les fidèles de nos deux religions»

Arrivé ce samedi aux environs de 14 h à Rabat pour une visite officielle de 48 heures, Sa Sainteté le Pape François a été accueilli avec tous les honneurs de son rang par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, accompagné de Son Altesse Royale le Prince Héritier, Moulay El Hassan et Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid. Il s’est adressé pour la première fois au peuple du Royaume du Maroc lors de l’accueil officiel qui s’est déroulé à l’esplanade de la mosquée Hassan en présence de plus de 12 000 personnes.

Ensuite, le Pape François et sa délégation ont visité le Mausolée Mohammed V en compagnie de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Là, les deux personnalités ont procédé à la pose des gerbes de fleurs sur les tombes de Feu Mohammed V et de Feu Hassan II.

Après une rencontre privée au Palais royal, les deux personnalités ont rendu visite à l’Institut de formation des imams, des mourchidines et des mourchidates.

Nous vous livrons en intégralité le discours du Pape François lors de son accueil à l’esplanade de la mosquée Hassan à Rabat.

 «Je suis heureux de fouler le sol de ce pays riche de beautés naturelles multiformes, gardien de vestiges de civilisations antiques et témoin d’une histoire fascinante.Je voudrais avant tout exprimer ma sincère et cordiale gratitude à Sa Majesté Mohammed VI, pour son aimable invitation et pour le chaleureux accueil qu’au nom de tout le peuple marocain, il m’a réservé tout à l’heure, en particulier pour les aimables paroles qu’il m’a adressées.

Cette visite est pour moi un motif de joie et de gratitude parce qu’elle me permet tout d’abord de découvrir les richesses de votre terre, de votre peuple et de vos traditions. Gratitude qui se transforme en une importante opportunité pour promouvoir le dialogue interreligieux et la connaissance réciproque entre les fidèles de nos deux religions, alors que nous faisons mémoire – huit cents ans après – de la rencontre historique entre saint François d’Assise et le Sultan al-Malik al-Kamil. Cet évènement prophétique manifeste que le courage de la rencontre et de la main tendue est un chemin de paix et d’harmonie pour l’humanité, là où l’extrémisme et la haine sont des facteurs de division et de destruction. Aussi, je forme le vœu que l’estime, le respect et la collaboration entre nous contribuent à approfondir nos liens de sincère amitié, afin de permettre à nos communautés de préparer un avenir meilleur pour les nouvelles générations.

Ici sur cette terre, pont naturel entre l’Afrique et l’Europe, je souhaite redire la nécessité d’unir nos efforts, pour donner une nouvelle impulsion à la construction d’un monde plus solidaire, plus engagé dans l’effort honnête, courageux et indispensable d’un dialogue respectueux des richesses et des spécificités de chaque peuple et de chaque personne. C’est là un défi que nous sommes tous appelés à relever, surtout en ce temps où on risque de faire des différences et de la méconnaissance réciproque des motifs de rivalité et de désagrégation.

Il est donc essentiel, pour participer à l’édification d’une société ouverte, plurielle et solidaire, de développer et d’assumer constamment et sans faiblesse la culture du dialogue comme chemin à parcourir; la collaboration comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère (cf. Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019). C’est ce chemin que nous sommes appelés à parcourir sans jamais nous fatiguer, pour nous aider à dépasser ensemble les tensions et les incompréhensions, les masques et les stéréotypes qui conduisent toujours à la peur et à l’opposition ; et ainsi ouvrir le chemin à un esprit de collaboration fructueux et respectueux. Il est en effet indispensable d’opposer au fanatisme et au fondamentalisme la solidarité de tous les croyants, ayant comme références inestimables de notre agir les valeurs qui nous sont communes. Dans cette perspective, je suis heureux de pouvoir visiter dans un moment l’Institut Mohammed VI pour les Imams, les prédicateurs et prédicatrices, voulu par Votre Majesté, dans le but de fournir une formation adéquate et saine contre toutes les formes d’extrémisme, qui conduisent souvent à la violence et au terrorisme et qui, en tout cas, constituent une offense à la religion et à Dieu lui-même. Nous savons en effet combien une préparation appropriée des futurs guides religieux est nécessaire, si nous voulons raviver le véritable sens religieux dans les cœurs des nouvelles générations.

Ainsi donc, un dialogue authentique nous invite à ne pas sous-estimer l’importance du facteur religieux pour construire des ponts entre les hommes et pour affronter avec succès les défis précédemment évoqués. Dans le respect de nos différences, la foi en Dieu nous conduit, en effet, à reconnaître l’éminente dignité de tout être humain, ainsi que ses droits inaliénables. Nous croyons que Dieu a créé les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité et qu’il les a appelés à vivre en frères et à répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix. Voilà pourquoi, la liberté de conscience et la liberté religieuse – qui ne se limitent pas à la seule liberté de culte mais qui doivent permettre à chacun de vivre selon sa propre conviction religieuse – sont inséparablement liées à la dignité humaine. Dans cet esprit, il nous faut toujours passer de la simple tolérance au respect et à l’estime d’autrui. Car il s’agit de découvrir et d’accueillir l’autre dans la particularité de sa foi et de s’enrichir mutuellement de la différence, dans une relation marquée par la bienveillance et la recherche de ce que nous pouvons faire ensemble. Ainsi comprise, la construction de ponts entre les hommes, du point de vue du dialogue interreligieux, est appelée à se vivre sous le signe de la convivialité, de l’amitié, et plus encore de la fraternité.

La Conférence internationale sur les droits des minorités religieuses dans le monde islamique, qui a eu lieu à Marrakech en janvier 2016, s’est penchée sur cette question. Et je me réjouis qu’elle ait permis de condamner toute utilisation instrumentale d’une religion pour discriminer ou agresser les autres, en soulignant la nécessité de dépasser le concept de minorité religieuse, au profit de celui de citoyenneté et de la reconnaissance de la valeur de la personne, qui doit revêtir un caractère central dans tout ordonnancement juridique.

Je considère aussi comme un signe prophétique la création de l’Institut Œcuménique Al Mowafaqa, à Rabat en 2012, par une initiative catholique et protestante au Maroc, Institut qui veut contribuer à promouvoir l’œcuménisme ainsi que le dialogue avec la culture et avec l’Islam. Cette louable initiative traduit le souci et la volonté des chrétiens vivant dans ce pays de construire des ponts pour manifester et servir la fraternité humaine.

Ce sont tous des parcours qui arrêteront «l’instrumentalisation des religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et mettront fin à l’utilisation du nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression» (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019).

Le dialogue authentique que nous voulons développer nous conduit aussi à tenir compte du monde dans lequel nous vivons, notre maison commune. Ainsi la Conférence internationale sur les changements climatiques, COP 22, qui s’est tenue ici même au Maroc, a témoigné, une fois encore, de la prise de conscience par de nombreuses Nations de la nécessité de protéger la planète sur laquelle Dieu nous a placés pour vivre et de contribuer à une véritable conversion écologique pour un développement humain intégral. Je salue toutes les avancées accomplies dans ce domaine et je me réjouis de la mise en œuvre d’une véritable solidarité entre les Nations et les peuples, afin de trouver des solutions justes et durables aux fléaux qui menacent la maison commune, ainsi que la survie même de la famille humaine. C’est ensemble, dans un dialogue patient et prudent, franc et sincère, que nous pouvons espérer trouver des solutions adéquates, pour inverser la courbe du réchauffement global et pour réussir à éradiquer la pauvreté (cf. Encyclique Laudato Si’, n.175).

Egalement, la grave crise migratoire à laquelle nous sommes affrontés aujourd’hui, est pour tous un appel pressant à rechercher les moyens concrets d’éradiquer les causes qui obligent tant de personnes à quitter leur pays, leur famille, et à se retrouver souvent marginalisées, rejetées. De ce point de vue, toujours ici au Maroc, en décembre dernier, la Conférence intergouvernementale sur le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière a adopté un document qui entend être un point de référence pour toute la communauté internationale. En même temps, il est vrai que beaucoup reste encore à faire, surtout parce qu’il faut passer des engagements pris avec ce document, au moins au niveau moral, à des actions concrètes et, spécialement, à un changement de disposition envers les migrants, qui les considère comme des personnes, non comme des numéros, qui en reconnaisse dans les faits et dans les décisions politiques les droits et la dignité. Vous savez combien j’ai à cœur le sort, souvent terrible, de ces personnes, qui, en grande partie, ne laisseraient pas leurs pays s’ils n’y étaient pas contraints. J’espère que le Maroc, qui avec une grande disponibilité et une délicate hospitalité a accueilli cette Conférence, voudra continuer à être, dans la communauté internationale, un exemple d’humanité pour les migrants et les réfugiés, afin qu’ils puissent être, ici, comme ailleurs, accueillis avec humanité et protégés, qu’on puisse promouvoir leur situation et qu’ils soient intégrés avec dignité. Quand les conditions le permettront, ils pourront décider de retourner chez eux dans des conditions de sécurité, respectueuses de leur dignité et de leurs droits. Il s’agit d’un phénomène qui ne trouvera jamais de solution dans la construction de barrières, dans la diffusion de la peur de l’autre ou dans la négation de l’assistance à tous ceux qui aspirent à un légitime mieux-être pour eux-mêmes et pour leurs familles. Nous savons aussi que la consolidation d’une véritable paix passe par la recherche de la justice sociale, indispensable pour corriger les déséquilibres économiques et les désordres politiques qui ont toujours été des facteurs principaux de tension et de menace pour l’humanité tout entière.

Majesté et Honorables Autorités, chers amis ! Les chrétiens se réjouissent de la place qui leur est faite dans la société marocaine. Ils ont la volonté de prendre leur part à l’édification d’une nation solidaire et prospère, en ayant à cœur le bien commun du peuple. De ce point de vue, l’engagement de l’Église catholique au Maroc, dans ses œuvres sociales et dans le domaine de l’éducation à travers ses écoles ouvertes aux élèves de toute confession, religion et origine, me semble significatif. Aussi, en rendant grâce à Dieu pour le chemin parcouru, permettez-moi d’encourager les catholiques et les chrétiens à être ici, au Maroc, des serviteurs, des promoteurs et des défenseurs de la fraternité humaine. Majesté, Distinguées Autorités, chers amis ! Je vous remercie une fois encore, ainsi que tout le peuple marocain, pour votre accueil si chaleureux et pour votre aimable attention.

Shukran bi-saf ! Que le Tout-Puissant, clément et miséricordieux, vous protège et qu’il bénisse le Maroc ! Merci».

 

El Hadj A. B. HAIDARA depuis Rabat, au Maroc

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