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Rupture dans la gouvernance politique : Quand le Sénégal fait rêver un Mali pris en otage par la même génération de politiciens

L’alternance politique est aujourd’hui plus que jamais une réalité au Sénégal. Après l’échec des maintes tentatives de proroger son mandat, Macky Sall a été contraint par le Conseil constitutionnel à organiser la présidentielle le 24 mars 2024. Et les Sénégalais lui ont fait payer dans les urnes ce qu’ils reprochaient à son régime dans la rue en hissant à la présidence l’un de ses pires adversaires, Bassirou Diomaye Faye. A défaut d’Ousmane Sonko, c’est son ami et allié qui succède à Macky Sall. Une belle leçon d’alternance qui fait sans doute rêver au Mali. Malheureusement, nos jeunes leaders manquent de conviction réelle dans leur engagement, devenant du coup des proies faciles pour le système.

Finalement, Macky Sall a réussi à barrer la route de la présidence du Sénégal à Ousmane Sonko (comme il l’avait réussi avec Khalifa Sall, il y a cinq ans) pour le prochain quinquennat. Mais, il n’a pas réussi à priver le Sénégal d’une vraie alternance. Au finish, le dernier mot est revenu à Dieu et au mouvement des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) qui a remporté la présidentielle du 24 mars 2024 à travers la Coalition «Diomaye 2024 Bassirou Diomaye Faye». Un revers électoral pour le président sortant même si son poulain Amadou Bâ s’est débattu comme un beau diable pour faire gagner la continuité. Mais, comme en 2012, les Sénégalais ont opté pour une vraie alternance sur fonds de rupture générationnelle.

Joker de luxe de Ousmane Sonko (écarté de la course à cause de ses démêlées judiciaires), Bassirou (qui a quitté la prison pour se lancer aussitôt dans la campagne à une dizaine de jours de la présidentielle) symbolise pour beaucoup de croyants l’essence divine du pouvoir. Les mandings disent (littéralement) que la mort de la chèvre (ou du bouc) de quelqu’un permet à un autre d’assaisonner sa sauce. Il a fallu que Ousmane soit écarté de la course pour que Bassirou sorte définitivement de l’ombre. Pour les observateurs, sa rencontre avec Ousmane Sonko à la Direction générale des impôts et domaines en 2007 a marqué le début d’une «collaboration politique fructueuse». En intégrant le noyau des sept inspecteurs des impôts autour de Sonko, Faye s’est engagé dans une lutte pour la justice et l’éthique… Des valeurs fondatrices du mouvement des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF), créé en 2014. Un engagement qui l’a propulsé aujourd’hui, à 44 ans, dans le fauteuil présidentiel suite à une large victoire dès le premier tour.

Pour les analystes politiques, Bassirou Diomaye Faye incarne «une trajectoire singulière, de la lutte politique à la victoire présidentielle, traversant les épreuves de l’opposition jusqu’à sa consécration démocratique». Né en 1980 à Ndiaganiao (région de Thiès), Faye se distingue par son parcours académique exemplaire. Il est titulaire d’une maîtrise en droit et diplômé de l’École nationale d’administration (ENA), gage de sa compétence et de son expertise dans les affaires publiques. Avec le Pastef et grâce en partie à la popularité de Sonko, il a su surfer sur les mécontentements des Sénégalais par rapport à la gestion du régime de Macky Sall.  Son élection est le symbole de l’espoir d’une jeune génération qui aspire à une meilleure gouvernance du Sénégal, à l’égalité des chances dans tous les domaines…

Dévorés par le système pour avoir dansé avec le diable

Résistera-t-il longtemps à l’usure du temps ? Sa coalition va-t-elle résister à la gestion du pouvoir ? Saura-t-il toujours se mettre au-dessus de la mêlée pour incarner l’espoir de tous les Sénégalais (de tous les bords politiques) comme le lui a conseillé l’ancien président Me Abdoulaye Wade ? Le défi est énorme pour celui qui dit à qui veut l’entendre, «Dieu est ma force» ! Sauf qu’il ne sera pas jugé selon les préceptes religieux, mais à la lumière des actes qu’il va poser dans les prochains jours, les prochains mois et années.

Comme le dit Me Mamadou Ismaïla Konaté (avocat et ancien Garde des Sceaux du Mali), «en politique, les déceptions sont toujours proportionnelles aux attentes et espoirs suscités. Si le dégagisme sanctionne, il n’est pas nécessairement synonyme de rupture ou de changement positif. Tant d’exemples dans le monde, de situations récentes qui illustrent ce postulat».

Mais, en attendant, l’élection de Bassirou Faye fait rêver dans de nombreux Etats africains, notamment au Mali, un pays pris en otage par une génération de politiciens qui se succèdent dans le partage de gâteaux en changeant juste de vestes. Deux jeunes inspecteurs des impôts radiés pour dénonciation des accords et contrats mal ficelés au détriment de leur pays se mettent ensemble et prennent le pouvoir grâce au langage de vérité tenu au peuple.

Un véritable success story qui ne peut que faire rêver ceux qui espèrent une rupture intergénérationnelle dans la gouvernance de notre  pays. Malheureusement, les Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye… maliens de ces dernières années ont tous déçu et ont fini par être dévorés par le système. Confondant souvent l’engagement politique et désir d’ascension sociale, ils n’ont pas réussi à résister à la tentation du gain facile faisant d’eux des proies faciles pour le système qui garde la mainmise sur la gouvernance de notre pays au gré des mues et des alliances politiques  souvent contre nature. Ils ont monnayé leur popularité chaque fois que l’occasion s’est présentée. A la longue, cela leur a coûté leur crédibilité et même aujourd’hui la liberté à certains.

Ce qui fait que, au Mali, cette rupture intergénérationnelle n’est pas pour demain. En tout cas, tant que nos jeunes leaders vont manquer de conviction réelle dans leur engagement pour le pays !

Moussa Bolly

Source: Le Matin
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