Trois sortes de voleurs sont recherchés par la police : les bandits qui attaquent la nuit, les commerçants qui font du trafic et les clients des trafiquants. Toi, quelle sorte de voleur es-tu ? » Citation du président Modibo Kéita. En 1967 au temps de la révolution active on ne jonglait pas comme un saltimbanque avec les deniers publics. L’opération taxi organisée au stade omnisports à l’époque a permis de parquer plus de 700 vieux tacots en situation irrégulière permettant ainsi de renflouer les caisses du trésor public. Que l’opinion nationale sache une fois pour toutes qu’au moment du coup d’Etat du 19 novembre 1968 le président Modibo Kéita n’avait en tout et pour tout que 150 000 francs maliens dans son compte BDM et le docteur Seydou Badian Kouyaté 80 000 francs maliens.
C’est après eux que les prédateurs ont eu partout pignon sur rue. A telle enseigne que la question n’est même plus de savoir quelle sorte de voleur es-tu mais qui vole quoi et qui vole qui ? Feu le doyen Boubacar Kéita a passé toute sa vie à dénoncer dans »la Roue », la République des voleurs et des escrocs au temps de Moussa. Le hic maintenant, est que ce sont les voleurs eux-mêmes qui crient aux voleurs.
La situation est devenue l’illustration comique de l’humour anglais enseigné dans les petites classes et intitulé : the robber robbed (le voleur volé). Scène dans laquelle un quidam en pleine lune enjambe la fenêtre d’un homme qui apparemment dormait les poings fermés. Il fouilla la chambre de fond en comble mais n’ayant rien trouvé décida de faire le voyage retour. Le dormeur retrouva instantanément ses sens et lui piqua à son tour son portefeuille. Une fois au dehors le pick-pocket se rendit compte de la mauvaise opération qu’il venait d’effectuer, il maudit le jour où il est né mais médita longuement sur la grande sagesse des leçons de Voltaire à savoir que le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin.
Le petit voleur de Cardiff en Angleterre est un inconscient pris dans les mailles de ses propres turpitudes. A des niveaux de responsabilités plus élevés d’autres ont des soucis plus grands. C’est le cas du royaume de Balandougou, une petite royauté du delta du Niger qui passait tout son temps à guerroyer contre ses voisins mais qui disposait d’une immense fortune. Justement c’est pour gérer tout ce trésor que son roi décida de recruter un grand argentier pour le royaume. Cinq candidats se présentèrent au poste. Le règlement voulait que chaque candidat traverse séparément et sans témoin un énorme vestibule où était exposée la fortune royale pour ensuite aboutir dans une énorme cour où étaient assis le roi, ses courtisans et tous les dignitaires du régime, les nobles, les griots, les forgerons pour esquisser des pas de danse au son du tam-tam, du balafon, de la flute, du dabara. Ainsi le meilleur danseur sera désigné comme le grand argentier du royaume. On dansa ce jour là à Ballandougou au son d’une danse endiablée. Mais le cliquetis du métal lourd dans les poches remplies à ras bord et les grosses goutte de sueur qui perlaient du visage des danseurs indiquaient que la cérémonie allait être de courte durée.
Ils étaient tous éreintés, ils bavaient tous, s’écroulaient sur le sol n’en pouvant mais, le roi fut triste de constater que ses sujets étaient aussi malhonnêtes les uns que les autres.
Le Mali n’est-il pas aujourd’hui comme le royaume de Ballandougou qui cherche désespérément preneur ? On nous avait annoncé en grandes pompes et avec tambours et trompettes que l’année 2014 sera l’année de la lutte contre la corruption.
Au lieu de cela, on est tombé dans l’année du grand pillage des ressources publiques, du vampirisme de l’économie nationale, de la flibuste. De la lutte contre la corruption, 2014 est devenu l’année de la lutte contre Ebola. Quel chapardage ! Une lutte en vaut-elle une autre ou est – ce encore la main de la mafia ?
Mamadou Lamine DOUMBIA MLD