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Réunion de Kidal autour l’Accord d’Alger: Une étape importante sur le chemin du retour de la paix entre les maliens

Longtemps attendue et maintes fois compromise, la première réunion du Comité de suivi des accords d’Alger (CSA) censés sortir le Mali de la crise, s’est enfin tenue à Kidal.

Le drapeau du Mali qui flotte de nouveau sur le gouvernorat de la région de Kidal ; la ville éponyme qui a reçu la visite de 6 ministres du gouvernement central ; le chef de la Minusma qui salue les relations décomplexées des acteurs du processus de paix ; un leader de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA) qui souligne « une grande avancée » vers la normalisation pendant que le ministre français des Affaires étrangères y voit «un symbole positif». À l’évidence, la réunion du Comité de suivi des accords d’Alger (CSA), tenue le jeudi 11 février 2021, rend euphoriques presque tous les protagonistes de la crise malienne.

Un accouchement certes difficile, mais porteur d’espoirs puisqu’il aura fallu attendre pratiquement 6 ans pour voir les frères ennemis maliens s’asseoir autour d’une table pour se pencher sur la feuille de route tracée et signée de commun accord dans la capitale algérienne en 2015. La délégation venue de Bamako et qui ne comptait pas moins de six ministres dans ses rangs, était conduite par le Colonel Ismael Wagué, ministre de la Réconciliation nationale du gouvernement de Transition.   Le moins que l’on puisse dire,  c’est qu’au-delà de la symbolique de la ville rebelle du Nord qui a accueilli cette réunion des protagonistes de la crise malienne,  cette réunion a été d’importance parce que non seulement la plupart des observateurs s’accordent à présenter l’Accord d’Alger, en panne d’application depuis sa signature, comme la voie de sortie de crise au Mali, mais aussi, comme le dit l’adage, « le plus long voyage commence toujours par un premier pas ».

Depuis la dernière réunion avortée du CSA  de septembre 2019 pour des « raisons d’État impératives », beaucoup d’eau a coulé sous les ponts à Bamako, emportant au passage le pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Voilà donc le gouvernement de transition soucieux de créer la rupture avec le dilettantisme des gouvernements précédents sur la suite à donner à ces accords d’Alger. Dans cette perspective, le colonel major Ismaël Wagué, le ministre malien de la Réconciliation nationale, n’est pas venu à Kidal les mains vides. Il a annoncé au CSA un nouveau plan de désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR) qui devrait concerner plusieurs centaines d’anciens combattants des Mouvements de l’Azawad.

Une rencontre au lendemain de la visite d’une forte délégation gouvernementale

On peut déjà se féliciter de la tenue effective de cette réunion à Kidal qui se présente comme une étape importante sur le chemin du retour de la paix entre les maliens en espérant que cela permettra de briser le mur de la méfiance qui a souvent fait capoter, de par le passé,  les retrouvailles entre protagonistes autour de cette feuille de route. En tout cas, avec ces premières assises, il y a lieu de se demander si l’on va enfin vers le bout du long tunnel de la guerre qui a transformé le Mali en un véritable champ de bataille depuis qu’il est entré dans l’œil du cyclone djihadiste, il y a près de dix ans. C’est tout le mal que l’on puisse souhaiter à notre pays, surtout aux populations qui souffrent le martyre, prises qu’elles sont entre plusieurs feux sans véritablement savoir… à quel protecteur se vouer.  Il est à noter que cette rencontre de Kidal se tient au lendemain de la visite d’une forte délégation gouvernementale, en fin janvier dernier, à Kidal longtemps une zone interdite pour les autorités de Bamako. Elle se tient aussi au moment où des accords sont signés par-ci par-là sur le territoire national, entre groupes communautaires antagoniques, dont l’un des plus récents et des plus emblématiques reste encore celui entre Peuls et Dogons, dans un souci d’apaisement des tensions intercommunautaires qui viennent en rajouter à la complexité d’une situation sécuritaire délétère. Enfin, cette réunion de Kidal s’est tenue à quelques jours de l’ouverture du sommet du G5 Sahel à N’Djamena, ce lundi 15 février, et où la question de la lutte contre le terrorisme a une fois de plus été au cœur des échanges entre les têtes couronnées de la bande sahélo-saharienne et leur partenaire français en plein spleen et au bord de l’essoufflement, au point, pour Paris, de chercher une nouvelle stratégie d’approche de la question. Autant de signaux qui ont convaincu, si ce n’est déjà le cas,  les «conclavistes » de Kidal de la nécessité de souffler ensemble le calumet de la paix, dans l’intérêt supérieur du Mali.

Les agendas personnels et partisans doivent faire place à l’application stricte et au respect de la feuille de route d’Alger

Par ailleurs, en l’absence d’un ordre du jour connu de cette réunion, les observateurs avancent qu’outre ce nouveau DDR, le CSA aurait discuté du statut de la ville de Kidal et des questions du renforcement de la décentralisation et de la déconcentration de l’État.

Quoi qu’il en soit, cette première réunion du CSA est véritablement un début de dépoussiérage des accords d’Alger qui, s’il venait à consolider la cessation des hostilités entre les Mouvements de l’Azawad et le pouvoir central malien, qui permettrait à cette dernière de se concentrer sur la lutte contre les groupes terroristes.

À ce propos, les attaques simultanées du 24 janvier 2021 contre les camps militaires de Boukessi et de Mondoro indiquent bien que l’État islamique au grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont encore des capacités de nuisance dans le Sahel. Alors, si dépoussiérer les accords d’Alger peut éviter aux FAMA d’avoir à combattre sur 2 fronts vivement le dépoussiérage, mais gare aux revendications maximalistes des rebelles sur la partition du Mali ou la remise en cause de la laïcité de l’État ! N’est-ce pas que la mise en avant de ces questions qui font plus que fâcher à Bamako et ailleurs est la cause des déboires sans fin du Mali sur le plan sécuritaire ? Alors, les mouvements de l’Azawad vont-ils mettre de l’eau dans leur vin et se saisir de la nouvelle donne politique à Bamako pour sceller une paix durable avec le pouvoir central du Mali ? On attend de voir !

Va-t-on vers le bout du tunnel ?

Après 9 ans de tiraillements au rythme du sifflement saccadé des balles des terroristes, la lassitude se lie à tous les niveaux au sein des populations. C’est pourquoi il faut espérer que cette réunion de Kidal autour de l’Accord de paix d’Alger qui se présente à bien des égards comme la thérapie au mal malien, en appellera d’autres. Car, aujourd’hui plus que jamais, seul le dialogue semble en mesure de sortir notre Mali de la profonde crise qu’il traverse depuis bientôt une décennie. Les forces en présence ayant pratiquement fini de marquer leurs territoires, avec un Sud essentiellement maîtrisé par Bamako, un Nord encore fortement sous contrôle des groupes armés, et le Centre du pays largement disputé par les terroristes. Mais ce dialogue demande de la franchise et surtout de la sincérité dans les négociations, si l’on veut mettre fin à la danse du tango qui a jusque-là rythmé et rendu difficile, la mise en œuvre de cet accord. C’est dire s’il est temps que les agendas personnels et partisans fassent enfin place à l’application stricte et au respect de la feuille de route d’Alger. Et personne, mieux que les Maliens eux-mêmes, ne semble en mesure d’administrer cette thérapie de cheval au malade « Mali » pour lui permettre de se remettre de ses déchirures. Encore faudrait-il, pour cela,  que cette rencontre de Kidal qui ne pousse visiblement pas certains observateurs à l’optimisme, ne soit pas de la poudre de perlimpinpin destinée à donner le change, plutôt qu’une volonté réelle d’aller de l’avant dans la recherche de la paix. En tout cas, après l’échec de la tentative de réunion de 2019, on peut légitimement s’interroger si cette fois-ci encore, les choses ne vont pas finir par partir en vrille au point de renvoyer une fois de plus l’application de cet accord censé sortir notre pays de l’impasse, aux calendes…maliennes. C’est une perte de temps et en somme, un luxe que le Mali ne peut pas se permettre.

Jean Pierre James   

SourceNouveau Réveil

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