Ségou, 03 février (AMAP) Il est 18 heures, nous sommes à « Médine » à Ségou. Moussa et ses amis se réunissent chaque jour. Ces jeunes et adolescents se retrouvent après l’école pour discuter et prendre du thé. Cependant, le spectacle que nous offre leur regroupement est saisissant. Chacun est assis, téléphone en main, occupé à discuter avec le « monde » sur la toile. Au lieu d’échanger sur des sujets de société ou des préoccupations des uns et des autres, tout leur débat se focalise sur l’actualité de « Facebook ». Et, souvent, que des futilités, rien de bien sérieux.
Hélas ! Les jeunes et adolescents maliens sont « accros » aux réseaux sociaux. Le virus n’épargne même pas nos campagnes. L’utilisation de ces moyens de communication n’a pas que des avantages, malheureusement. Ces jeunes et adolescents le savent-ils ? « Nous ne faisons rien de bien grave. On se fait de nouveaux amis, un peu partout dans le monde. On fait des découvertes passionnantes. Bref, on s’amuse », explique Moussa, dans un éclat de rire.
La discussion du jour, de ce « grin », portait sur les clashs entre les jeunes rappeurs maliens. Chacun supportait son artiste, rien d’éducatif, que des vulgarités. Soudain, arriva le tonton d’un des jeunes. Il s’est arrêté pour prendre du thé. Il a réussi à attirer l’attention des jeunes sur les dangers auxquels ils s’exposent sur les réseaux sociaux. « Ce que de nombreux jeunes et adolescents ne savent pas, c’est qu’ils sont exposés à toutes sortes de dérives sur les réseaux sociaux », a-t-il lancé avant de prendre congé du groupe.
L’intervention du tonton a eu le don d’alerter les uns et les autres. Ainsi, commença un débat houleux et intéressant au cours duquel chacun a exposé un exemple d’utilisation dangereuse de ces outils qui font, désormais, partie de leur quotidien. Des outils qu’ils ne sont pas près d’abandonner.
Le jeune Moussa, visiblement concerné par le sujet, explique la raison, jusque-là inavouée, qui l’a poussé à changer d’école. « Vous vous souvenez que j’ai passé une année sans aller à l’école et que j’ai dû changer d’école pour pouvoir poursuivre mes études ? Et bien ! La raison était toute simple : j’ai été piégé par un groupe d’amis qui m’ont dissuadé de m’adonner à des pratiques malsaines» raconte-t-il.
Le groupe se proposait de se masturber les uns et les autres. Et la scène était filmée. « C’était une compétition. On voulait juste savoir qui était le meilleur d’entre nous. Sauf qu’un beau jour, un d’entre nous, pour une histoire de fille, a décidé de balancer nos vidéos sur un groupe Whatsapp de la classe. Le lendemain, j’étais la risée de toute l’école. Tout le monde se moquait de moi. Heureusement, la direction a vite réagi, en limitant les dégâts. Toutes les images ont été supprimées », dit-il.
Son inquiétude était maintenant de savoir quelle conduite tenir si ces images venaient à refaire surface ? Malheureusement pour lui, il n’a plus de prise sur les développements possibles. Il ne lui reste plus qu’à prier pour que cela ne soit le cas.
La déclaration de Moussa a provoqué un silence dans le groupe. Chacun venait de réaliser les risques encourus. Un autre jeune garçon a rompu le silence. Abdoul a indiqué qu’il échange avec un ami blanc depuis deux ans. Ce dernier lui a même promis de lui faire découvrir son pays. Le hic, c’est que son ami blanc l’a aussi mis en contact avec une fille qui veut des relations intimes avec lui. Notre jeune étudiant s’est attaché à cette fille et ils échangent des photos et vidéos osées. « Ce que je ne comprends pas, c’est le fait qu’elle m’envoie, souvent, des vidéos pornographiques gay. Maintenant que l’on parle des risques, je me demande si je parle avec un homme ou une femme », s’interroge-t-il, le regard inquiet.
Il n’est pas exclu qu’Abdoul parle avec un homme. En effet, les réseaux sociaux sont infestés des pédophiles, de pervers, bref de prédateurs sexuels de tout acabit. Pour la plupart de ces individus, ces espaces sont des lieux de chasse pour attirer et piéger leurs cibles. Ils ont plusieurs stratégies et se donnent, généralement, les moyens pour atteindre leur objectif.
Autre cas, autre histoire. Ce n’est plus un secret que la prostitution et l’exploitation sexuelle sur internet sont répandues. La stratégie des proxénètes est de cibler leurs proies, à travers les réseaux sociaux et, surtout, de les rendre dépendants soit de l’alcool ou de la drogue pour, ensuite leur faire faire ce qu’ils veulent.
Idrissa a raconté le cas d’une cousine dont la vie a, malheureusement, basculé. Très brillante à l’école, mais issue d’une famille modeste, la jeune fille a fait la connaissance, sur internet, d’un homme aisé qui voulait la prendre comme épouse. « Elle a vite changer de look. Elle avait des habits et accessoires à la mode. Jusque-là, on ne soupçonnait rien, d’autant plus qu’elle a un prétendant qui peut lui offrir ce train de vie », dit notre interlocuteur.
L’alerte a été donnée le jour où elle est rentrée complètement ivre à la maison. Alors, ses parents ont décidé de prendre leurs responsabilités. Le futur époux a été appelé à concrétiser ses intentions. Grande a été la surprise de la famille ! Le prétendu gendre a laissé entendre que leur fille ne leur a pas dit toute la vérité. Il a révélé que cette dernière travaille pour lui et leur a expliqué le genre de métier qu’elle exerçait. « Les parents ont essayé d’agir mais c’était trop tard, ma cousine avait pris goût à la vie mondaine et à l’alcool. Pour mieux s’adonner à sa pratique malsaine, elle a quitté le domicile parentale et a abandonné l’école », a expliqué Idrissa.
Aujourd’hui, la jeune fille est complètement versée dans l’alcool et la prostitution. « Elle est méconnaissable et est toujours en mauvaise compagnie », a indiqué Idrissa.
MAT/MD (AMAP)