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Reprise du procès Sanogo : La justice, enfin?

Détenus depuis 2013 dans l’affaire dite des Bérets rouges et après un premier report du procès en décembre 2016 à Sikasso, le Général Amadou Haya Sanogo et ses co-accusés vont de nouveau comparaitre devant le juge le lundi 13 janvier prochain. Un procès très attendu, non seulement par les prévenus et les familles des victimes, mais également par le peuple malien tout entier, qui s’impatiente depuis des années pour connaitre l’épilogue de cette triste affaire. Si tous les regards seront donc tournés vers le Palais de la culture, ce procès continue de susciter de nombreuses interrogations.

 

« Il  est urgent et impérieux que la prochaine session d’assises soit consacrée à l’affaire Amadou Haya Sanogo et autres, car leur délai de détention dépasse tout entendement. Le dossier actuel est en état d’être jugé», déclarait Idrissa Arizo Maiga, Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, le 20 novembre dernier, à la fin des travaux  de la 2ème session de la Cour d’assises de Bamako au titre de l’année 2019.

Dans la foulée de cette déclaration, une première date, le 27 décembre 2019, avait circulé pour la reprise du procès, avant d’être finalement fixée au 13 janvier 2020. Cette date devrait être maintenue, sauf changement de dernière minute, et, à en croire une source proche du dossier, toutes les personnes concernées ont effectivement reçu leur notification de la part du Parquet.

Détenus depuis 2013 pour les chefs d’accusations d’enlèvement et assassinat et de complicité d’enlèvement et d’assassinat  de 21 éléments du régiment des Bérets rouges, le Général Amadou Haya Sanogo et ses 16 co-accusés devraient enfin connaitre leur sort.

Une reprise très attendue

« Nous accueillons l’annonce de la reprise du procès avec beaucoup de satisfaction, parce que, d’une part, nous sommes en train d’accompagner des victimes qui attendent  depuis 2012, et, d’autre part, en tant que militants des droits de l’Homme, nous sommes aussi pressés que les accusés puissent connaitre leur sort », indique Maitre Moctar Mariko, Président de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et avocat des familles des victimes constituées parties civiles dans le procès.

« Les familles des victimes vont peut-être dire leur vérité pendant ce procès. EIles demanderont certainement des réparations pour la perte de leurs proches et ensuite, ce procès va surtout nous permettre de sortir de cet imbroglio juridique », ajoute-t-il.

Pour Khalid Dembélé, chercheur au Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES), l’annonce de la reprise de ce procès reste à « prendre avec des pincettes », vu la longue attente qui l’a caractérisé.

« Nous espérons que cette fois ce ne sera pas juste une annonce de plus parce que des deux côtés tout le monde est pressé. Les prévenus veulent connaitre leur sort et les familles endeuillées veulent également que la vérité soit dite », relève-t-il.

Une vérité que ses familles et proches des militaires assassinés attendent depuis des années pour enfin faire le deuil  de leurs proches disparus et surtout pour que justice soit enfin rendue.

« Nous voulons que le procès se passe dans le calme. Que le jugement se fasse dans la transparence et qu’on nous donne les corps de nos maris, afin que nous leur fassions des funérailles nationales », déclare Mme Sagara Bintou Maiga, Présidente de l’Association des épouses et parents des militaires bérets rouges assassinés.

« Si jamais les autorités décident de politiser ce procès, en prenant partie pour un camp ou l’autre, le monde entier verra ce qu’il en sera. L’exemple raté du premier procès à Sikasso témoigne de l’inacceptation d’un tel jugement », prévient celle qui par ailleurs se dit prête à pardonner quel que soit le verdict final.

Même son de cloche chez le colonel-major à la retraite Sounkalo Coulibaly, dont le fils fait partie des militaires assassinés. « Nous aimerions que le procès se passe dans des conditions normales et que la bonne justice soit rendue. Nous ne voulons surtout pas d’un procès avec des ingérences politiques », souhaite-t-il.

Rapports d’expertise repris ?

Principal motif du report en 2016 du procès à Sikasso, la reprise du rapport d’expertise des tests ADN effectués sur les restes des corps des militaires assassinés, est , semble-t-il, maintenant effective.

« Ce rapport est une pièce capitale dans le dossier, parce que s’il n’est pas bon ou s’il est déclaré non fiable, cela remet tout en cause. Il a  été donc repris. Quelque chose de nouveau a été produit, sur lequel nous avons des observations que nous ne pouvons pas dévoiler maintenant », confie Maitre Cheick Oumar Konaré, l’un des avocats du Général Sanogo.

« Il y a des tests ADN dans le dossier. Un deuxième test  a été versé après le premier. Si aujourd’hui la justice veut organiser ce procès et que l’annonce a été faite par un accusateur, en l’occurrence le Procureur général, cela veut dire que ce dernier a tous les tenants et les aboutissants du dossier », souligne également Maitre Mariko.

Quant à la santé du principal accusé, le Général Amadou Haya Sanogo, Maitre Cheick Oumar Konaré affirme qu’il va bien et n’a jamais perdu le moral, malgré sa très longue détention.

« Chacun peut afficher en de pareilles circonstances une certaine sérénité, mais quand vous devez être jugé pour des faits de ce genre, que vous soyiez coupable ou pas, vous êtes assez marqué », répond-il concernant l’état d’esprit de son client à l’approche de la reprise du procès.

« L’intrigue Dembélé »

Parmi les 17 accusés qui doivent répondre à la barre se trouve le Général Ibrahima Dahirou Dembélé, actuel ministre de la Défense et des anciens combattants et chef d’état-major de l’armée lors des faits en 2012.

Même s’il a entretemps bénéficié de la levée de son contrôle judiciaire, il n’est pas pour autant disculpé et devrait être entendu par le juge lors du prochain procès. Sauf qu’avec son étiquette de ministre, il sera quasiment impossible pour lui de se mettre à la disposition de la justice, du moins lors d’une audience publique.

Sa comparution est donc pour l’heure incertaine et demeure une véritable énigme, quand on sait également que le même jour se tiendra en France le sommet de Pau, lequel sommet devrait normalement enregistré la participation du ministre de la Défense et des anciens combattants aux côtés du Chef de l’État Ibrahim Boubacar Keita.

« Cela fera certainement  l’objet d’une gestion politique. Mais nous considérons qu’il est accusé et que la loi exige que tous les accusés soient traités sur le même pied d’égalité. Du coup, il n’y a pas de raison pour qu’il ne comparaisse pas », soutient Maitre Cheick Oumar Konaré.

« Pour être raisonnable et objectif, je trouve que la meilleure option pour le ministre Dembélé, c’est de démissionner pour se défendre. Il ne peut pas être dans l’Exécutif et être en même temps poursuivi par la justice. Le principe même de la séparation des pouvoirs voudrait qu’il quitte l’Exécutif pour se mettre à disposition du service judiciaire », analyse Khalid Dembélé.

Pour rappel, opposés au putsch du 22 mars 2012 dirigé par Amadou Haya Sanogo contre le Président ATT, des membres du 33ème Régiment des Commandos parachutistes (RCP), les  Bérets rouges, chargés de la garde présidentielle, avaient tenté un contre coup d’État les 30 avril et 1er mai 2012 pour chasser du pouvoir les putschistes, les Bérets verts, avec des combats qui avaient fait plusieurs morts.

C’est à la suite de ces affrontements que des Bérets rouges avaient été enlevés, puis portés disparus. Pendant plus d’une année, des recherches avaient été menées pour tenter de les retrouver, sans résultat jusqu’en décembre 2013, où un charnier avait été découvert dans le village de Diago, proche de la ville-garnison de Kati, à 15 km de Bamako, où Amadou Haya Sanogo avait son quartier général.

Les corps retrouvés avaient été suspectés d’être ceux des 21 Bérets rouges portés disparus et 28 personnes avaient été inculpées, dont Amadou Haya Sanogo. 18 seront finalement mises en accusation, parmi lesquelles le magistrat militaire Amassongo Dolo, décédé en 2016.

Journal du mali

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