Rien ne sert de procéder à une rentrée solennelle des Cours et Tribunaux avec tambour et trompette, si la justice devait rester passive et hésitante au moment où les deniers publics font l’objet de détournements à la pelle. Cela au vu et au su des autorités chargées de veiller, à travers une saine et bonne gestion, sur les maigres ressources de l’Etat. Aujourd’hui, après la publication du rapport du Vérificateur Général, ces mêmes autorités judiciaires et politiques ne pourront plus se murer derrière un silence de cimetière. Il y va de la crédibilité de notre État et de ses institutions. En tout cas, c’est toute la nation qui attend avec beaucoup d’impatience le message que le président de la République, président du Conseil Supérieur de la Magistrature, va livrer lors de la rentrée solennelle des cours et tribunaux qui aura lieu ce matin au CICB.
C’est une lapalissade de dire que le peuple malien veille et attend que les personnalités suspectées de collusion avec la mafia internationale soient traînées devant la justice dans le cadre de l’acquisition du Boeing 737« présidentiel » et du contrat d’achat des matériels et équipements militaires d’un coût cumulé de quelque 90 milliards FCFA. Après la publication du rapport définitif du Vérificateur Général sur ces deux dossiers qui continuent de défrayer la chronique depuis le mois de mai dernier, le contribuable malien est en droit de savoir maintenant si des sanctions administratives seront prises à l’encontre des personnalités suspectées dans cette affaire qui exhale une forte odeur de magouille. Cela en attendant que le procureur de la République ne se saisisse du même dossier dans le but de faire éclater toute la vérité quand on sait qu’il s’agit là de la plus grosse affaire de « détournement de fonds publics, faux et usage de faux, trafic d’influence, fraudes fiscales… »que le Mali ait jamais connue en cinquante quatre ans d’indépendance.
Il est impardonnable et incroyable qu’on continue à nous dire que l’avion « présidentiel » du Mali, qui a coûté la bagatelle de 19 milliards FCFA au Trésor public, n’est pas la propriété de l’Etat du Mali.
L’avion « n’est pas la propriété du Mali » mais celle d’une mystérieuse société « Mali BBJ Ltd »
En effet, selon le Rapport du Vérificateur Général, au terme de la Convention de Chicago, qui réglemente l’immatriculation des aéronefs, le Boeing 737 « présidentiel » censé appartenir au Mali est en réalité la propriété d’une mystérieuse société dénommée «Mali BBJ Ltd». Pour des raisons non justifiées, d’après le BVG, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga à l’époque des faits, a donné mandat, le 5 mars 2014, à un avocat afin de constituer cette société. Dans le but de procéder à l’immatriculation du Boeing « présidentiel » du Mali sur le registre de l’aviation civile d’Aruba au nom de ladite société et d’autre part, d’établir un contrat de bail pour son exploitation.
Suite à la constitution de cette société, le 7 mars 2014 à Anguilla, territoire britannique d’outremer, l’avion « présidentiel » du Mali fut immatriculé le 25 mars 2014 pour le compte de « Mali BBJ Ltd » pour une période de deux ans. C’est dire que, malgré le paiement dans les conditions que l’on sait de la bagatelle de 19 milliards FCFA au titre de l’acquisition d’un « aéronef de commandement », l’avion « présidentiel » du Mali n’est toujours pas la propriété de l’Etat du Mali. Pire, c’est comme si le Mali continuait à le louer tout ce temps, suite au contrat passé avec cette société dont le BVG n’a pas été capable de percer le mystère qui entoure ses actionnaires. Maliens ou étrangers ? Ou les deux à la fois. Le temps le dira.
L’implacable verdict du BVG qui incrimine Guo Star avec ses 29 milliards FCFA de bénéfice sur un seul marché
Par rapport au dossier relatif au contrat d’acquisition de matériels militaires, il a été révélé par le BVG une surfacturation de 29 milliards FCFA. Ce qui représente un gigantesque bénéfice pour la petite SARL GUO STAR au capital de 3 millions FCFA. Pour réaliser ce bénéfice introuvable même dans le Guiness des records mondiaux, un gilet pare- balles qui coûte 257 000FCFA a été livré au ministère de la Défense et des anciens combattants à 650 000FCFA. Il en est de même pour un béret qui coûte 3 000FCFA mais qui a été facturé audit ministère à 9 000FCFA. Calculez vous- mêmes la marge bénéficiaire réalisée par GUO STAR !
Avec toute cette situation, il se trouve des gens pour dire qu’il n’y a pas eu de surfacturations. Voire que la surfacturation n’est même pas une infraction!!! Il appartiendra à la justice de trancher cette question, une fois les suspects conduits devant elle. Mais, pour le moment, le contribuable malien a besoin de la réaction des autorités politiques et judiciaires sur ces deux dossiers dont le montage et l’exécution ont été dénoncés dans le rapport d’audit du Vérificateur Général rendu public la semaine dernière.
A cet égard, le citoyen lambda, qui voit les maigres ressources de son pays dissipées et dilapidées, attend avec empressement la réaction du président de la République, président du Conseil Supérieur de la Magistrature, sur cette affaire de « détournement et complicité de détournement de deniers publics, de faux et usage de faux, de délit de favoritisme….de fraude fiscale ». Le procureur près la Cour Suprême ne saurait, lui-aussi, dans son intervention au cours de cette rentrée solennelle des Cours et Tribunaux, passer sous silence cette scandaleuse affaire qui va, pour longtemps encore, alimenter la rubrique « grosses magouilles » dans la presse nationale et internationale.
Après donc le travail remarquable réalisé par le Bureau du Vérificateur Général, IBK est appelé à démettre tous les suspects des postes de responsabilité qu’ils occupent présentement. Le président de la République laissera ainsi la balle dans le camp de la justice pour faire éclater toute la vérité dans ces affaires sulfureuses dont le grand malade qu’est le Mali d’aujourd’hui n’avait point besoin.
Des ministres devant la HCJ
C’est, en tout cas, l’occasion pour le régime d’actionner notamment la Haute Cour de Justice pour un éventuel procès « crimes économiques » si, toutefois, des membres du gouvernement Moussa Mara doivent être appelés à la barre. Le slogan « Personne n’est et ne sera au-dessus de la justice » est aujourd’hui plus jamais d’actualité. Encore une fois, il y va de la crédibilité même de l’Etat du Mali qui a pris des engagements à cet effet devant la communauté nationale et internationale. Seront-elles tenues au moment où l’on chuchote que ce sont des tenants du régime qui tirent les ficelles dans ces deux sales affaires qui constituent de véritables crimes pour un Etat en guerre contre une rébellion occupant toute une région du pays ?.
Mamadou FOFANA