Dans un entretien exclusif, M. Sidi Brahim Ould Sidati, parle de la grande rencontre de Ber, dénommé le MINI DIALOGUE POLITIQUE, devant se tenir dans la ville forteresse de BER du 1 au 3 septembre prochain sous l’égide des seigneurs de guerre de la CMA, ses objectifs , l’application de l’accord d’Alger, la formation des unités des MOC, l’intégrité du territoire nationale, autant de sujets brulants sur lesquels, le charismatique et non moins un des hommes forts de la CMA, le Président Sidi Brahim OuldSidati a accepté se confier à nous. Une première, calme et précis, cette figure emblématique de la CMA livre ses impressions sur l’état du pays, notamment l’insécurité récurrente avec son cortège de braquages, d’attaques meurtrières contre les populations du nord, les forces onusiennes etc, ses drames journaliers, l’armée nouvelle espérée qui tarde à voir le jour, bref, tout ce magma volcanique qui bouillonne sous nos pieds, embrase nos esprits et empêche les maliens, l’ONU, l’union africaine, les Etats du sahel de dormir ; car tous voient quasi impuissants la crise malienne métastaser partout . Malgré des avancées notoires sur certaines thématiques de l’Accord pour la Paix d’Alger et mitigées sur d’autres, avec la formation en cours de plus 1000 ex-combattants sélectionnés à partir des MOC de Gao, Tombouctou et Kidal la situation de non droit et Farwest au Nord est loin de permettre d’espérer voir à court terme la paix, le développement et la sécurité s’installer durablement. Pour notre interlocuteur, les objectifs de la rencontre de Ber (Tombouctou) selon Ould Sidati, c’est, à travers un mini dialogue politique local, organiser une forte sensibilisation des populations sur la tenue du Dialogue National Inclusif, l’application de l’accord, la question de l’insécurité grandissante, la cohésion sociale et la réconciliation. Entretien réalisé par BokariDicko.
Présentez-vous à nos lecteurs ?
Sidi Brahim OuldSidati : Je suis Sidi Brahim OuldSidatti. Je suis le président en exercice de la CMA, chef de la délégation de la CMA au comité de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord.
La révision constitutionnelle prendra en compte certains éléments de l’accord…
A quel niveau se trouve la mise en œuvre de cet accord ? Comment voyez-vous son avenir ?
Sidi Ibrahim OuldSidatti : Aujourd’hui, pour la mise en œuvre de l’accord qui est basé sur quatre piliers: Le premier est la révision constitutionnelle assujettie au Dialogue National Inclusif inter maliens qui se prépare dont les résultats permettront de prendre en compte quelques éléments de l’accord tels que la création d’un Sénat, des éléments par rapport à la décentralisation, l’élection du Président de l’Assemblée régionale, sont tous assujettis à une révision constitutionnelle. Le deuxième aspect est la formation des premiers éléments la nouvelle armée constituée ; déjà nous sommes à plus de mille éléments (1000) formés ; d’autres suivent présentement leur formation. Ce qui n’est pas négligeable, une avancée importante. Nous espérons que le processus de DDR va se poursuivre. Ce qu’il faut signaler, c’est la zone de développement des régions du nord dont nous attendons la mise en œuvre puisque tous les éléments juridiques sont disponibles. Il reste sa mise en œuvre.
L’espoir est permis
Vous voyez, l’espoir est permis. Nous devons nous faire confiance mutuellement car sans cette confiance, rien ne sera possible. Et l’effectivité de cette zone de développement dont les travaux vont bientôt être relancés appuyé par cette stratégie de développement des régions du nord, ces paramètres vont vite permettre de s’occuper de ce troisième pilier de la mise en œuvre de l’accord, sans oublier le quatrième volet qui est humanitaire, la justice et la réconciliation sur laquelle, la CVJR est en train de travailler activement, d’ailleurs bientôt, une loi sera promulguée pour réparation des dommages causés. Voilà en quelque sorte là où se trouve l’application de l’accord.
Un mini dialogue local sur les conséquences de l’insécurité
Nous avons appris que vous vous apprêtez à organiser à Ber du 1au 3 septembre, une grande rencontre. Quant-est-il ?
Sidi Brahim OuldSidati : D’abord, la rencontre de Ber est faite pour la région de Tombouctou puisqu’à certain moment, il y a une insécurité résiduelle qui frappe cette partie du pays puisque toutes les personnes qui voyagent à Tombouctou, Goundam par exemple, sont assujetties à des fouilles, à des enlèvements, à des braquages sont des actes qui ne créent pas les conditions pour la mise en œuvre de l’accord. A Ber, nous avons invité les représentants du gouvernement, tous les mouvements signataires de l’accord d’Alger, tout bord confondu (plateforme par exemple) pour parler de sécurité, de paix et de cohésion sociale. En gros, toutes les sensibilités seront invitées car il s‘agit d’un mini dialogue local autour de la sécurité ; le projet de construction de la route Goma-Coura/Tombouctou puisque les fonds sont disponibles. Il faut que nous arrêtions de nous faire peur, aller vers la paix, main dans la main.
Retour effectif de l’état
De nos jours, la politique malienne dans cette partie du pays est beaucoup centrée sur le retour de l’état et des services sociaux de base. Ceci ne peut pas se faire sans ce climat apaisé qui permettra aux ONG de revenir, à l’état d’être présent.
Route Goma-Coura/Tombouctou, un réel espoir
Tout espoir rompu et toute tentative de développement tue comme le projet de construction de la route Goma-Coura/Tombouctou(Un projet très important qui suscite un réel espoir pour les populations du septentrion du Mali) la CMA dit ne pas rester insensible aux attentes des populations maliennes.C’est pour cela que nous avons décidé d’organiser cette rencontre préparatoire pour qu’il y ait plus de sécurité dans cette région de Tombouctou, sans oublier qu’il y a le projet de construction de la route Goma-Coura/Tombouctou qui permettra de créer les conditions de développement pour nos populations, surtout si cette route est réalisée, le voyageur quitte Bamako le matin et arrive dans l’après-midi à Tombouctou. Ce qui est une bonne chose puisqu’elle permettra un désenclavement de la région. Si ce projet n’a pas pu démarrer, cela est dû à l’insécurité avec son corolaire d’enlèvements de véhicules perpétrés par le petit banditisme pour lequel, les mouvements sont obligés de s’impliquer. C’est dans ce cadre, que nous nous rencontrons à Ber pour discuter de ce problème afin de faire prendre une prise de conscience communautaire pour que pour cette insécurité, il faut que les populations et les mouvements contribuent afin que nous préparions les conditions du retour de l’état et des services sociaux de base.
Est-ce la même chose pour un retour effectif de l’Etat à Kidal ?
Nomination des représentants de l’état et sécurisation par les unités reconstituées
M.Sidi Brahim OuldSidati : C’est la même chose, c’est la même vision, c’est le même procédé puisqu’à Kidal présentement, il y a presque tous les services régionaux implantés avec des bâtiments rénovés. Toutes les conditions sont réunies pour un retour effectif de l’état à Kidal. Ce qui manque, c’est la nomination des Préfets, des Sous-Préfets et comment programmer les ouvertures des écoles ? Mieux, nous pensons qu’avec les premières unités reconstituées, elles pourront sécuriser les symboles de l’état .Sans cela, il est impossible de penser à un retour de l’état.
Récemment, des symboles de l’état ont été saccagés puis brûlés. Qu’est-ce cela vous a fait en tant que malien ?
L’absence criarde de l’état y est pour beaucoup…
Sidi Brahim OuldSidatti : Cette situation est due au fait que les gens ont beaucoup discuté sur ce sujet qui ont créé ce problème. Aussi du fait de l’absence criarde de l’état, cela est un fait qui crée les conditions de tout débordement qui conduit à de tel agissement qui crée une insécurité par rapport aux symboles de l’état. Il n’était pas prévu d’en discuter tant que l’état n’est pas de retour.
Symboles de l’état à Kidal riment avec une armée nationale reconstituée
Pour nous, pour parler des symboles de l’état, il faut une armée reconstituée, des services sociaux de base avec les insignes de l’état. C’est par ce procédé qu’on peut amener les insignes, les emblèmes de l’état mais les apporter sans sa présence effective, dans des conditions qui ne nous permettent de les protéger. C’est dire que nous sommes tous à la base de ces situations de débordements puisque nous avons mis la charrue avant le bœuf. Ce qui crée des problèmes dont nous sommes responsables.
Croyez-vous à la tenue et au succès du dialogue National Inclusif ?
Il est nécessaire…
Sidi Brahim OuldSidati : Je me fie à ce qui vient d’être annoncé lors de la session du CSA où il a été dit que le Triumvirat vient de boucler sa tournée avec l’ex président ATT et qu’un atelier de validation des TDR sera organisé pour se faire. Nous pensons que ce Dialogue National Inclusif inter maliens est nécessaire et devra réussir.
Etes-vous optimiste pour le retour de l’état dans les régions du nord?
Nous sommes optimistes…
Sidi Brahim OuldSidati : Nous sommes vraiment optimistes. Nous pensons aussi, qu’il est grand temps pour que tous les maliens se donnent la main parce que sans nous, il ny aura pas de paix. Si aujourd’hui, avec le Dialogue National Inclusif, nous devons discuter pour trouver une solution. Sur ce, je suis vraiment optimiste à conditions que nous nous donnons la main. Sans nous les maliens, il ny aura pas de paix. C’est dans le cadre d’un Dialogue National Inclusif que nous discutons et dégageons une feuille de route digne de ce nom pour une paix véritable, pérenne. Après cela, je suis optimiste pour le retour de la paix. Il faut savoir que ce sont nos enfants qui constituent l’ossature de notre armée, qui défendront notre pays, notre seul patrimoine commun.
Etes-vous optimiste pour la mise en place de la grande armée malienne ?
L’état ne peut pas sous-traiter sa sécurité…
- Sidi Brahim OuldSidati : Avec la sortie des premières unités constituées d’anciens soldats de l’armée, l’ensemble des configurations des FAMAS regroupant l’ensemble des composantes où tout le peuple se reconnait ; une armée qui connait le terrain, appréciée et acceptée des populations du nord et luttera efficacement contre l’insécurité qui sévit dans cette partie du pays. En clair, l’état ne peut pas sous-traiter sa sécurité à une milice, c’est ensemble avec une armée reconstituée que cela sera possible de lutter efficacement contre le terrorisme et l’extrémisme. Nous devons conjuguer nos efforts pour qu’il y ait zéro braquage, zéro vol. Nous devons travailler pour rassurer nos populations. Ce qui compte, c’est l’unité nationale.
Croyez-vous à l’unification totale du Mali ?
Dans l’unification de l’état dans sa forme où chacun se reconnaitra…Sidi Brahim OuldSidati : Il n y a pas d’autres solutions. La seule solution qui vaille est l’unification de notre pays dans la forme où chacun se reconnaitra, un état refondé, des institutions nouvelles dans les quelles chaque malien se reconnait et est représenté. C’est la seule formule qu’il nous faut pour aller vers une paix définitive.
Et avec cette formule, nous pourrons faire face à l’hydre djihadiste ?
Seuls les maliens à l’unisson pourront lutter contre le terrorisme…
Sidi Brahim OuldSidati : Bien sûr ! Aujourd’hui, nous sommes confiants que seuls les maliens à l’unisson, pourront lutter ensemble efficacement contre les djihadistes. Tant que le peuple malien d’une manière générale, n’a pas une vision commune, une feuille de route commune ; sera très difficile de lutter efficacement contre le terrorisme parce qu’étant dispersés, avec des approches différentes ou utiliser une partie de la population, nous ne pourrons pas combattre ce phénomène. Donc, pour lutter contre le terrorisme, il faut le faire, de façon commune, que l’ensemble de la population en fait son affaire puisque le GET est issu de ces communautés. Et tant que les représentants de l’état se reconstituent, eux (les djihadistes) n’ont pas le choix parce que la plupart sont issus des maliens et personne ne pourra rien contre la volonté de ses frères.
Avez-vous un dernier mot ?
Sans une union des maliens, la paix sera impossible…
Sidi Brahim OuldSidati : Le message particulier est que nous ne pouvons pas faire la paix si nous-mêmes maliens, nous ne nous donnons pas la main ; nous ne pouvons pas faire la paix, tant que nous pensons que ce sont les autres qui vont le faire à notre place ; la seule issue est que les maliens discutent, échangent et sortent avec une feuille de route, des recommandations maliennes qui permettront d’aller vers une paix durable, réelle et constante. C’est dans cette forme que nous pouvons réussir. Pour la CMA, nous sommes prêts dans le dialogue inter maliens pour la réussite de ce dialogue. Nous sommes confiants qu’entre nous maliens, nous allons trouver la solution puis qu’obligatoirement, nous sommes obligés d’être ensemble. Sans cette union des maliens, il sera impossible d’avoir la paix.
Propos recueillis par Bokari Dicko
Source: Mali Demain