Un entraîneur se juge à travers les résultats et il est hasardeux, voire imprudent de critiquer un technicien avant de le voir à l’œuvre. Ce n’est pas notre confrère français Vincent Duluc qui dira le contraire. En 1998, il avait sévèrement critiqué Aimé Jacquet la veille du coup d’envoi de la Coupe du monde 1998, promettant même de démissionner en cas de sacre de la France.
On connaît la suite : sous la houlette d’un Zinédine Zidane rayonnant, les Bleus se sont hissés sur le toit du monde en écrasant le Brésil 3-0 dans une finale maîtrisée de bout en bout. Vincent Duluc a respecté sa parole en démissionnant quelques jours après la victoire de la France, mais sa lettre de démission ne sera pas acceptée par la Rédaction de l’Equipe.
Fort de cette mésaventure, nous ne prendrons aucun risque de critiquer le choix porté sur Alain Giresse par la Fédération malienne de football (FEMAFOOT) pour diriger les Aigles, encore moins sur les capacités de l’ancien international français à faire mieux qu’en 2012 lorsqu’il avait conduit le Mali sur la troisième marche du podium de la CAN conjointement organisée par le Gabon et la Guinée Equatoriale.
La question ne se pose même pas si Giresse est capable de conduire un jour le Mali sur le toit du continent, tant le technicien a accumulé les expériences cette dernière décennie à la tête des sélections africaines (Gabon, Mali, Sénégal). Aujourd’hui, l’ancien international français fait partie des techniciens qui connaissent bien le football africain et qui ne souffrent d’aucun problème d’acclimatation sur le continent.
Autant de détails qui comptent pour les sélectionneurs étrangers qui viennent en Afrique, le continent de toutes les misères. Giresse sait déjà tout ça et n’a besoin de personne pour faire face à ces défis. Mais ce qui gène dans ce retour de l’ancien milieu de terrain des Bleus à la tête des Aigles, c’est encore le manque de transparence dans la procédure de nomination du technicien. Comme si le choix du sélectionneur national ne relevait que de la seule compétence de la Fédération malienne de football, de quelques membres du comité exécutif ou encore d’une poignée de responsables de la FEMAFOOT, Giresse a été parachuté sur la planète foot du Mali qui ignore totalement les critères qui ont conduit au choix du technicien.
Certes, la FEMAFOOT avait annoncé que le nom du successeur de Henri Kasperczak sera connu avant le 25 mars, mais après ce fut le black out. Aucune présélection, aucune short-liste ne sera communiquée par la fédération et c’est seulement mardi que nos concitoyens apprendront la nomination de Giresse au poste de sélectionneur national.
Mais cette manière de faire ne constitue pas une nouveauté dans le football malien, au contraire l’actuel bureau n’a fait que respecter une tradition propre à notre pays et qui explique en grande partie l’instabilité à la tête des Aigles. Au Mali, les sélectionneurs nationaux, toutes catégories confondues, sont toujours choisis par une poignée de personnes et jamais par une commission technique comme c’est le cas partout ailleurs.
Le football malien est-il différent des autres footballs ou existe-t-il une spécificité malienne qui nous oblige à léguer à quelques personnes le pouvoir de choisir à la place de tout le pays ?
Les polémiques provoquées par le départ de ce même Giresse en 2012, celles de Patrice Carteron et de Henri Kasperczak auraient dû convaincre les décideurs à prendre les mesures idoines pour éviter que les mêmes erreurs se reproduisent. Malheureusement, l’instance dirigeante du football national ne semble avoir tiré aucune leçon de ce qui s’est produit avec les prédécesseurs et les successeurs d’Alain Giresse et les mêmes causes risquent encore de produire les mêmes effets.
S. B. TOUNKARA
source : L Essor