Idriss Déby Itno n’aura même pas eu le temps de fêter sa victoire annoncée à la présidentielle du 11 avril 2021. Une semaine seulement après le scrutin, dont on attend toujours les résultats provisoires [prévus pour le 25 avril], le voici engagé sur un autre front, autrement plus périlleux.
Samedi 17 avril, un nouvel accrochage a eu lieu dans l’après-midi entre les forces loyalistes et les éléments [rebelles] du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact). Un premier incident avait déjà eu lieu la semaine dernière dans le Tibesti [dans le nord du Tchad, à la frontière avec la Libye]. Venus de Libye, ces rebelles étaient entrés en territoire tchadien le 11 avril et une de leurs colonnes s’est infiltrée au nord de Mao, dans la province de Kanem [juste au nord de N’Djamena, la capitale], où les combats ont eu lieu.
N’Djamena menacée
Premières escarmouches sérieuses, donc, entre les Déby boys et ceux que N’Djamena qualifie de “terroristes”. Ce ne sont certainement pas les dernières dans la mesure où le Fact aurait dispersé ses troupes en plusieurs colonnes pour multiplier les fronts en vue de harceler au maximum l’ennemi.
Auront-ils cependant les moyens et les hommes pour avancer jusque dans la capitale ? Là est la grande question. Pour le moment, ils sont à quelque trois cents kilomètres de là, ce qui n’a pas empêché qu’une peur panique commence à s’installer à N’Djamena, où certains font déjà des provisions pour parer à toute éventualité.
Une psychose entretenue d’autant plus facilement que la France a demandé à ses ressortissants de ne pas quitter la capitale, tandis que les ambassades américaine et britannique invitent carrément les leurs à tout simplement quitter le pays. Doit-on y voir le signe que les chancelleries occidentales ont des renseignements sur l’avancée et les positions des insurgés ?
Tenu à bout de bras par Paris
Quoi qu’il en soit, une fois de plus se pose la question de savoir quelle serait l’attitude de l’Hexagone s’ils devaient frapper aux portes de la capitale. Il y a quelques années, Déby n’avait dû son salut qu’à l’intervention de son protecteur français, qui avait stoppé net l’inexorable percée des croquants, pratiquement au seuil du palais présidentiel [en février 2019, la France avait bombardé une colonne de la rébellion de l’Union des forces de la résistance qui avançait vers la capitale].
Il n’y a du reste aucune raison que les mêmes causes, si elles devaient se reproduire, n’entraînent pas les mêmes effets, car on voit mal Emmanuel Macron lâcher en ce moment son plus précieux allié dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Celui qui s’est fait bombarder maréchal du Tchad n’a-t-il pas dépêché récemment un millier de soldats supplémentaires dans cette bande sahélo-saharienne de tous les dangers ?
Déby est, hélas, d’autant plus indispensable aujourd’hui que tout le monde est conscient d’une chose : si, après la Libye, la digue tchadienne devait elle aussi céder, toute la région serait engloutie par le terrorisme.
Il a beau donc être encombrant, la France est bien obligée de porter à bout de bras le pis-aller Déby ; même si le meilleur antidote aux coups d’État et aux rébellions cycliques dans un pays abonné à l’instabilité restera une gouvernance politique, économique et sociale vertueuse au profit de tous les Tchadiens, au lieu de l’exercice solitaire du pouvoir auquel on assiste depuis trente ans et qui n’est malheureusement pas près de prendre fin.